« Les droits de la défense sont en danger », alerte l’avocate Jacqueline Laffont

Elle est l’une des rares avocates pénalistes dont on connaît le nom car il accompagne souvent ceux de clients très médiatisés : Carlos Ghosn, Nicolas Sarkozy ou Patrick Poivre d'Arvor…Depuis 40 ans, elle défend des chefs d’entreprises, des hommes politiques de premier plan, des journalistes, mais aussi des anonymes. Un rôle qui n'est pas toujours compris, comme ses prises de positions, parfois à rebours de notre époque. Ils ont pourtant une seule finalité : protéger les droits de la défense. Au micro de Rebecca Fitoussi, Jacqueline Laffont se livre cette semaine dans « Un monde, un regard » sur Public Sénat.
Agathe Alabouvette

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« Les droits de la défense sont en danger » alerte Jacqueline Laffont. L’avocate pénaliste estime que nous sommes entrés dans « une ère de la victimisation ». Les mots sont forts : « Les médias et l’opinion publique se sont immiscés dans des procès sans règles de droit. Aujourd’hui on est dans une vision binaire des choses, on est du bon ou on est du mauvais côté. La discussion et la nuance sont devenues impossibles sur certains sujets. Si on défend la justice, on est taxé de ne pas défendre des causes nobles et justes comme la parole des femmes. Au prétexte de combats légitimes, des droits sont mis en danger » avance Jacqueline Laffont.

Sur l’imprescriptibilité des crimes sexuels, elle porte aussi une parole à rebours de l’air du temps. « Les règles de prescription ont déjà été considérablement rallongées en matière de crime sexuel. Les femmes ont un temps long pour déposer plaintes. Ce qu’il faut c’est inviter les victimes à déposer plainte au plus vite. La seule solution pour régler ça, c’est la justice ».

« Les politiques sont très malmenés, on ne peut pas dire que leur défense soit facile à exercer. »

Elle assume aussi un devoir de pédagogie aussi sur le rôle de la défense et du métier d’avocat pénaliste.  « Nous sommes l’un des deux plateaux de la balance. Sans défense forte, il n’y a pas de bon procès, ni de bonne vérité judiciaire », estime Jacqueline Laffont. La défense des clients très médiatisés, l’avocate l’assume, sans regrets. « C’est une marque de confiance d’être choisie par des hommes politiques. Mais ce sont des procès difficiles, il y a beaucoup de pressions car les magistrats jugent des personnes publiques, sur qui ils ont tous un ‘‘a priori’’ », explique-t-elle avant d’ajouter : « Les politiques sont très malmenés, on ne peut pas dire que leur défense soit facile à exercer. » En parallèle, elle continue de défendre des anonymes dans lesquels elle retrouve les fondamentaux de son métier « Dans ces procès, on se ressource un peu. Quand on intervient pour un anonyme, le terrain vierge, la justice est plus saine, moins pervertie parfois. »

La peur de l’erreur judiciaire

Pour les hommes de pouvoir comme pour les anonymes, une même hantise l’habite : l’erreur judiciaire. « Elle est rare mais elle nous guette. Avocats, nous devrions être habités par le doute », souligne Jacqueline Laffont, profondément marquée par l’affaire Dreyfus, dont la résolution s’est jouée à un papier retrouvé dans une poubelle. « La présomption d’innocence, c’est comme une petite lumière. (…) je préférais toujours un coupable relaxé, qu’un innocent incarcéré. Aujourd’hui je pense que ce socle-là est en train de disparaitre et c’est très dangereux pour notre démocratie » conclue-t-elle.

Retrouvez l’intégralité de l’émission en replay ici. 

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