« Nous avons un an d’espérance de vie », alerte la directrice de l’Agence Bio

Auditionnés par la commission d’enquête sur les agences de l’Etat, les représentants de l’Agence Bio ont surtout profité de l’audition pour plaider leur cause. Amputée de deux tiers de ses moyens cet hiver dans un contexte de coupes budgétaires, l’agence n’a, en l’état actuel, qu’un an « d’espérance de vie » devant elle.
Louis Mollier-Sabet

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Ils en avaient gros sur la patate (bio). Les auditions de la commission d’enquête sur les agences de l’Etat ont déjà pu donner l’occasion à des directeurs d’agence ou d’opérateurs de l’Etat de démontrer l’utilité de leur institution dans un contexte budgétaire tendu (lors de l’audition du directeur de l’Ademe, par exemple). Mais aucune agence aussi clairement menacée n’avait encore été auditionnée. Supprimée par la droite sénatoriale lors de l’examen du projet de loi de finances 2025 (voir notre article) et réintroduite dans le budget amputée de 64 % de ses crédits après le 49-3, l’Agence Bio était déjà menacée avant même le travail de « simplification » entamé conjointement par le Sénat et le gouvernement (voir notre article).

« Il nous reste 3 millions d’euros pour 25 millions de demandes de subventions »

L’Agence Bio figure d’ailleurs dans la liste d’une soixantaine d’agences qui pourraient être concernées par « une fusion ou une cession », selon un document de travail consulté par Public Sénat. Ce groupement d’intérêt public (GIP) remplit actuellement trois missions : construire les statistiques et les indicateurs du bio, financer la structuration de la filière et notamment les infrastructures et informer les citoyens.

En tout état de cause, l’agence a de toute façon déjà vu son « contrat d’objectifs et de performance » (COP) tronqué de presque 10 millions d’euros, passant de 18 à 8 millions de budget. « Une fois que nous aurons distribué les subventions attribuées l’année dernière, il nous restera 3 millions d’euros, pour 25 millions d’euros de demandes de subventions », a détaillé la directrice de l’Agence Bio, Laure Verdeau. Soit plus ou moins le budget de fonctionnement courant prévu dans le COP (2,3 millions d’euros annuels), qui couvre l’immobilier, les dépenses de salaires et de personnel. « On ponctionne notre trésorerie, nous avons plus ou moins un an d’espérance de vie devant nous. Mais après… » a-t-elle poursuivi.

Une rupture du contrat passé entre l’Etat et l’Agence Bio qui n’a pas manqué de faire réagir la sénatrice écologiste Ghislaine Senée : « Il y a eu un choix politique de l’Etat de se dédire du COP qui a été signé il y a moins d’un an. Ne sommes-nous pas aussi des garants de la continuité de l’Etat ? On ne peut pas dire – écrit noir sur blanc et signé par le ministre – qu’on va consolider la filière au nom de la planification écologique, pour qu’un an plus tard on dise que ça coûte trop cher et qu’on arrête tout. »

« C’est un désengagement de l’Etat »

Au premier rang des victimes de ces coupes budgétaires figure une campagne nommée « Bio la France », lancée – hasard du calendrier – ce jeudi 22 mai. 15 millions d’euros étaient budgétés sur trois ans, et seuls les 5 millions provisionnés l’année dernière restent à disposition de l’agence, qui devra donc mettre un terme à la campagne en septembre 2025. « On s’arrête au milieu du gué – enfin plutôt au tiers. Pourtant, cette campagne est vitale : les campagnes précédentes ont bien fonctionné et nous avions réussi à remobiliser la grande distribution. Même la fédération du commerce et de la distribution s’est dite choquée en voyant cette campagne tuée dans l’œuf. Après un spot de publicité à la télé, KFC enregistre 20 % de chiffre d’affaires supplémentaires, nous avions beaucoup d’espoir », a développé Laure Verdeau. « C’est un désengagement de l’Etat, a abondé Jean Verdier, président de l’Agence Bio et dirigeant d’entreprise dans le secteur agroalimentaire. Une telle baisse de 64 % des recettes, dans mon entreprise c’est directement direction la case tribunal de commerce. »

À titre de comparaison, Laure Verdeau a développé l’exemple danois, « champion du bio », où une agence équivalente dispose de 12 millions de budget de fonctionnement, dans un pays de 6 millions d’habitants. Depuis les coupes budgétaires, l’Agence Bio dispose donc de deux tiers de ce budget pour un pays comptant dix fois plus d’habitants. L’objectif de développement du bio fixé dans la loi d’orientation agricole (LOA) est de 21 % des surfaces à horizon 2030, pour environ 10 % actuellement. C’est pire dans la restauration collective où la loi Egalim fixe un objectif de 20 % de bio contre seulement 6 % aujourd’hui. « Une politique publique, ça s’accompagne », conclut la directrice de l’Agence Bio.

« L’agence a été créée pour visibiliser la question du bio et ça a marché »

Christine Lavarde, rapporteure LR de la commission d’enquête, s’est concentrée dans son questionnement sur la nécessité de disposer d’une agence publique pour une filière « où il existe une activité économique de 12 milliards d’euros. » La question de la création d’une « interpro », comme c’est le cas pour les autres filières agricoles comme la viticulture, la viande ou les produits laitiers, s’est effectivement posée lors de la création de l’Agence Bio en 2001, a relaté Jean Verdier.

Mais un autre choix a été fait, explique Laure Verdeau : « Les filières nous disent qu’en faisant la promotion du lait, ça bénéficiera aussi au lait bio. Mais le lait bio n’a pas le même prix. À produit spécifique, campagnes spécifiques. […] L’agence a été créée pour visibiliser la question du bio et ça a marché. »

Pour la rapporteure, la solution se trouve plutôt dans « l’internalisation » des coûts écologiques et sanitaires de l’agriculture conventionnelle dans le prix : « Peut-être que l’agriculture non bio n’est-elle pas assez défavorisée par rapport à ce qu’elle génère. On paye donc moins cher des produits qui ont fait le tour du monde et qui sont plein de produits chimiques que des produits bio du maraîcher d’à côté. » Un débat qui rejoint celui de la taxe carbone aux frontières pour les produits industriels. « Là on est un peu loin de la problématique des agences de l’Etat », lâche Christine Lavarde. Effectivement.

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