« Nous serons exemplaires, mais pas boucs émissaires. » À la tête de deux structures qui devraient fusionner cet été, Clément Beaune a défendu un « modèle qui date de 1946 ». Haut Commissaire au plan et commissaire général de France Stratégie, l’ancien ministre des Transports est d’abord revenu sur la tendance générale du monde politique à vouloir « le scalp » de diverses agences, notamment en écho aux débats en cours à l’Assemblée nationale sur le projet de loi simplification.
Clément Beaune a appelé à se méfier des « fausses bonnes idées » et des « effets de mode » qui pourraient induire en erreur les « Milei du pauvre » : « Il y a eu une tendance à ‘l’agencisation’ sur les vingt dernières années, mais parfois parce que c’était vu comme une solution à un dysfonctionnement de l’Etat en interne. Les agences sont un symptôme, elles ne créent pas des problèmes ex nihilo. »
Le modèle de la Datar et du plan Freycinet
En ce qui concerne le Haut-Commissariat au plan et France Stratégie spécifiquement, Clément Beaune a rappelé la faible dépense budgétaire que ces deux instances représentaient dans les dépenses de Matignon – respectivement 0,06 % et 1,8 %. Par rapport à 2015, France Stratégie a par ailleurs supprimé 39 équivalents temps plein pour 73 personnes en effectif à date, a-t-il rappelé.
L’ancien ministre a défendu l’existence « d’une structure unifiée de planification, interministérielle et interdisciplinaire ancrée dans le long terme », en se plaçant dans le sillage de ses illustres aînés de la Datar ou du Plan Freycinet, qui avait permis une densification sans précédent du réseau de chemin de fer français à la fin du XIXème siècle. En guise de « plan Freycinet du XXIe siècle », Clément Beaune imagine une sorte de planification de « nos 15-20 infrastructures indispensables », qui pourrait être discutée « à titre indicatif » au Parlement. Le but serait de « donner à voir » et d’incarner les grandes transitions du XXIe siècle, au premier rang desquelles la transition écologique.
« Est-ce qu’il n’y a pas des structures dont c’est le cœur de métier ? »
Des objectifs partagés par la rapporteure LR de la commission d’enquête, Christine Lavarde, et les commissaires présents, mais qui a tout de même soulevé des interrogations dans leur mise en pratique. « Est-ce qu’avant de vous saisir d’un sujet vous vérifiez qu’il n’y a pas d’autres institutions mieux placées pour le faire ? Autant je peux partager l’idée qu’il y a un besoin de recréer une instance de planification qui chapeaute une vision globale, autant quand on rentre dans les sujets particuliers, est-ce qu’il n’y a pas des structures dont c’est le cœur de métier qui se retrouvent préemptées ? » a-t-elle interrogé en prenant l’exemple des finances publiques développé plus tôt par Clément Beaune et citant le Haut Conseil pour les Finances Publiques. « On a besoin de modèles, de données pour travailler sur les finances publiques. En quoi allez-vous être meilleurs que le Haut conseil ? » a-t-elle développé.
« Si Bercy ne me demandait pas ce travail et préférait dégager des ressources internes pour le faire, nous ne le ferions pas. Nous avons des compétences interdisciplinaires et de comparaisons européennes notamment », s’est défendu Clément Beaune. Et de poursuivre : « Il n’y a aucun rapport qui sort de chez nous qui ne soit pas fait en lien avec les administrations concernées, c’est l’avantage d’être au sein de l’Etat. »
Une défense qui a paradoxalement soulevé d’autres questions de la rapporteure, qui a interrogé le Haut-commissaire au plan sur « le coût complet de fonctionnement » des deux structures. « Ce qui serait intéressant, ce serait de chiffrer le nombre d’heures de travail de fonctionnaires nécessaires au total à la rédaction des rapports au-delà de vos seuls agents, histoire d’avoir une idée de ce que coûte la structure, dont on ne remet pas en cause l’utilité », a-t-elle poursuivi. Clément Beaune s’est dit prêt à communiquer ce chiffre par la suite, le rendez-vous est donc pris pour la rédaction du rapport de la commission d’enquête.