« C’est un changement pénitentiaire radical », a lancé aujourd’hui Gérald Darmanin en direct de la prison de Vendin-le-Vieil dans le Nord-Pas-de-Calais. Avec la prison de Condé-sur-Sarthe dans l’Orne, ces établissements pénitentiaires ont été retenus, parmi les quatre prisons en lice, pour devenir les premières prisons de haute sécurité de France. « 200 narcotrafiquants seront totalement à l’isolement du reste de la population », annonce le ministre.
Dès le 31 juillet prochain, le premier établissement à Vendin-le-Vieil doit être ouvert. Celui de Condé-sur-Sarthe ouvrira quant à lui à la mi-octobre. Ces deux prisons récentes font déjà partie des plus sécurisées de France.
« Ils n’auront plus de vie familiale »
Afin de renforcer la sécurité des établissements, deux mois de travaux sont prévus dès le mois d’avril pour l’établissement de Vendin-le-Vieil. « Ce sera entre quatre et cinq millions d’euros pour chacun des établissements », a annoncé le garde des Sceaux, le 6 mars au journal télévisé de France 2.
Qu’est-ce qui change d’une prison classique ? Le ministre a pris soin de ne pas « divulguer les secrets » des travaux. On note cependant une sécurisation plus importante des fenêtres des cellules. Des hygiaphones vont être installés pour éviter tout contact lors des visites au parloir. La sécurisation des parkings des établissements va se trouver renforcée ainsi que les alentours jusqu’aux premiers axes routiers.
Mais ce sont particulièrement les échanges avec l’extérieur que le ministre souhaite limiter. Nombreux sont les détenus qui continuent de communiquer avec l’extérieur. Pour l’année 2024, 40 000 téléphones portables ont été saisis dans les prisons françaises selon le ministère de la Justice. Désormais, les établissements de haute sécurité limiteront les appels téléphoniques au maximum à trois fois deux heures par semaine. Des ondes millimétriques seront installées pour détecter tout objet interdit sur les détenus. « Ils n’auront plus de vie familiale », a indiqué Gérald Darmanin en précisant qu’il ne sera plus possible de voir les membres de sa famille.
Le personnel pénitentiaire se verra délivrer une formation de deux mois. Les profils corruptibles seront écartés pour la surveillance des établissements. Le personnel pourra, s’il le souhaite, recourir à l’anonymisation. Entre trois et quatre surveillants seront assignés par détenu.
Des détenus déjà connus dans les établissements
Le ministre a assuré que des prisonniers déjà détenus dans les établissements et qualifiés de hautement dangereux seront maintenus dans les prisons de haute sécurité. Parmi eux : Salah Abdeslam, le terroriste djihadiste ayant participé aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Également Rédoine Faïd, criminel français connu pour s’être évadé à deux reprises de prison dont la dernière évasion en 2018 à l’aide d’un hélicoptère avait fait grand bruit. Tous deux sont incarcérés à la prison de Vendin-le-Vieil.
Le criminel Mohammed Amra, récemment capturé en Roumanie et extradé en France est quant à lui détenu à Condé-sur-Sarthe, le second établissement choisi par Gérald Darmanin pour son dispositif de haute sécurité.
C’est d’ailleurs son évasion lors d’un transit, en mai 2024, au cours de laquelle deux policiers ont été assassinés, qui a mis à l’agenda la création d’établissements hautement sécurisés. « J’ai décidé de taper fort parce qu’il faut que nous montrions que la fermeté de l’Etat ce n’est plus jamais une affaire Amra », a prévenu le ministre. Il a également indiqué que les prisonniers concernés seraient des « narcotrafiquants et aussi des terroristes islamistes ».
« D’insupportables violations des droits »
Pour pouvoir instaurer l’ensemble des dispositifs réclamés, le ministre doit encore attendre le vote de l’Assemblée sur la proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic ». Déposé au Sénat, le texte a été adopté en première lecture à l’unanimité.
Parmi les mesures proposées, l’Observatoire international des prisons pointe « d’insupportables violations des droits ». Dans un communiqué, il détaille des « mesures attentatoires aux droits humains et libertés fondamentales » comme la « fouilles à nu systématiques, les parloirs hygiaphones, l’interdiction d’accès aux unités de vie familiale et aux parloirs familiaux » ou encore les restrictions drastiques de téléphone. « La question du sens de la peine est totalement occultée pour une obsession sécuritaire ».
Si considérés comme dangereux, certains détenus en détention provisoire pourront être placés directement dans les établissements de haute sécurité.
Inspiration de l’antimafia italienne
Le 3 février dernier, Gérald Darmanin s’est rendu à Rome pour une visite du centre pénitentiaire de Rebibbia. Dans cet établissement, une cinquantaine de détenus sont soumis à un régime d’isolement particulièrement sévère. 90 % des détenus soumis à ce régime sont des grands chefs de la mafia.
Ces mesures d’isolement, inscrites dans la loi italienne de 1986, au moment des maxi-procès de Palerme qui ont jugé 475 accusés pour des crimes liés à la mafia, visent à couper la communication des prisonniers avec l’extérieur. Cela les empêche de continuer à diriger leur organisation depuis la prison.
Dans ce cadre d’enfermement aux conditions drastiques, l’objectif est de faire advenir des collaborateurs de justice ( « repentis » ). Plusieurs amendements dans le texte de loi voté au Sénat cherchent à faciliter ce statut et à l’accompagner.
En discussion à l’Assemblée nationale, le texte doit être voté le 25 mars avant un début des travaux pour les établissements de haute sécurité en avril.