L’examen du budget 2025 a été suspendu sitôt le gouvernement de Michel Barnier censuré mercredi soir. À ce stade, trois pistes législatives se dégagent pour assurer la continuité de la vie de la nation, sans que les juristes ne semblent s’accorder sur les modalités d’application de certains mécanismes d’urgence, quasiment inédits.
Réponses aux questions écrites du Sénat : le palmarès des meilleurs et des pires ministères
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C’est un problème qui traverse les législatures. Les sénateurs, comme les députés, attendent parfois de longs mois avant de recevoir une réponse aux questions écrites qu’ils adressent aux ministères, sur des sujets divers. Il arrive même que certaines missives sénatoriales restent sans suite et finissent par devenir caduques. L’an dernier, le sénateur Pierre Charon (LR) avait protesté auprès du Premier ministre Jean Castex, après avoir fait les comptes. 40 % de ses questions écrites étaient restées sans réponse depuis 2017 (relire notre article).
Un mois plus tard, la droite sénatoriale déposait un projet de résolution, demandant au gouvernement de respecter les délais réglementaires. Le règlement du Sénat dispose que les réponses doivent être publiées « dans les deux mois suivant la publication des questions ». Le président du Sénat Gérard Larcher aurait interpellé le ministre des Relations avec le Parlement à ce sujet en septembre.
« De trop nombreux ministres méprisent les parlementaires en ne répondant pas dans les délais »
Le phénomène ne date pas d’hier. Déjà dans les années 1980, un sénateur dénonçait – par question écrite – l’absence de réponse à ses questions écrites. Irrité par ce manque de célérité ou de considération, le Sénat a mis sur les rails une nouvelle stratégie ce 6 octobre : publier régulièrement les données relatives pour chaque ministère. Ce document, que l’administration sénatoriale promet de mettre à jour régulièrement, établit plusieurs séries de palmarès de l’ensemble des ministères, en fonction de leur nombre de questions restées en attente pour la 16e législature, qui a débuté le 28 juin.
Plusieurs sénateurs se sont réjouis de l’installation du palmarès des ministères, notamment au sein de la majorité sénatoriale. « Je veux saluer l’initiative du Sénat qui va enfin établir un classement des ministères en fonction de leurs performances concernant leurs réponses à nos questions écrites. De trop nombreux ministres méprisent les parlementaires en ne répondant pas dans les délais réglementaires », a ainsi réagi la sénatrice Valérie Boyer. De quoi faire des émules ? Son message a été repris par le député LR Éric Pauget. « Bravo ! On devrait appliquer le même classement à l’Assemblée nationale. Qu’en pensez-vous Madame la présidente Yaël Braun-Pivet ? »
Le ministère de l’Intérieur, lanterne rouge du palmarès
Avec des lignes teintées de rouge, le Sénat met surtout à l’amende les mauvais élèves du gouvernement. La palme du plus mauvais taux de réponse revient au ministère de l’Intérieur, avec l’intégralité de ses 345 questions restées sans réponse au 6 octobre. Avec 148 courriers n’ayant pour l’instant pas fait l’objet de suites, le ministère des Collectivités territoriales occupe le deuxième rang. Un silence dont se serait bien passé l’assemblée parlementaire qui représente justement ces collectivités territoriales. Vient ensuite le ministre de l’Éducation nationale, avec 0 réponse sur les 137 questions qui lui ont été transmises. Avec sa vingtième position, c’est-à-dire au milieu du classement, le ministre de la Santé, extrêmement sollicité (avec 477 questions), présente à peine plus de 2 % de taux de réponse.
Parmi les bons élèves, le ministère chargé des Relations avec le Parlement s’arroge la première place. Certes, il a seulement été saisi de quatre questions, mais toutes ont été traitées. Le ministère porte bien son nom. Ambassadeur de la « nouvelle méthode » à l’égard du Parlement, Matignon s’en sort lui aussi très bien. Les services de la Première ministre affichent un taux de réponse de 63 % (pour 16 questions). Le Quai d’Orsay fait partie des ministères les plus prompts à prendre la plume pour le Sénat. Au 6 octobre, 55 % des 89 questions sur la table de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères ont été traitées.
Au niveau de l’ensemble du gouvernement, sur les 3 112 questions transmises depuis le 1er juillet, le Sénat relevait 345 réponses seulement au 6 octobre, soit 11 % du total. Voici pour les taux de réponse. Les chiffres sont encore plus sévères au chapitre des réponses intervenues dans le délai fixé par le règlement du Sénat. Moins d’un tiers des réponses ont été retournées au Sénat en moins de deux mois.
Sur l’ensemble de la législature précédente (2017-2022), 28 173 questions sont parties du palais du Luxembourg en direction des différents ministères. Selon un décompte du service de la séance, 70 % d’entre elles ont reçu une réponse. Près d’un tiers est cependant resté lettre morte. Quant aux réponses – une fois exclues les questions retirées ou devenues caduques – seulement 19 % sont intervenues dans les délais réglementaires de 2 mois.
Franck Riester a écrit à l’ensemble du gouvernement pour leur rappeler la « nécessité » de tenir les délais
Le nouveau ministre des Relations avec le Parlement semble avoir pris la mesure du problème. Franck Riester a adressé un courrier le 16 septembre à l’ensemble des ministères, en détaillant à chaque fois le ratio de réponses et en insistant « sur la nécessité d’y répondre dans les temps ». « C’est assez rare que le ministre écrive à l’ensemble des ministres pour les rappeler à leurs obligations. Dans le cadre de la nouvelle méthode, le respect des prérogatives du Parlement s’impose avec d’autant plus d’évidence. Les questions écrites sont aussi un élément important de cette relation de confiance », insiste-t-on dans l’entourage du ministre.
En cas de non-traitement d’une question écrite dans les temps, les deux assemblées du Parlement ont des approches différentes. Au Sénat, la possibilité de transformer de plein droit une question écrite en question orale a été maintenue, ce qui augmenta sa visibilité. « Des questions orales, il peut y en avoir 150 par an. Les questions écrites, des milliers par an. Ce n’est pas une solution, cela concerne quelques dizaines de questions », considère Arthur Braun, maître de conférences en droit public à l’Université catholique de Lyon. L’Assemblée nationale a introduit un système différent : la procédure de signalement. Les groupes politiques ont alors la possibilité de sélectionner à intervalles réguliers les questions les plus importantes dans la masse de celles restées sans nouvelles depuis plus de deux mois. La pression s’accroît alors sur le gouvernement. « Les ministres sont alors tenus d’y répondre dans un délai de dix jours », selon le règlement. L’Assemblée nationale a par ailleurs plafonné en 2015 le nombre de questions écrites pouvant être déposé par député.
Des contraintes matérielles pour le gouvernement, selon un spécialiste
Si le délai de deux mois pour fournir une réponse ne figure que dans règlements des assemblées, il serait inexact d’en affaiblir la portée. « Le règlement de l’Assemblée nationale ou du Sénat a une valeur qui est l’équivalent d’une loi organique », explique Arthur Braun. Toutefois, l’inflation du nombre de questions écrites, depuis leur naissance il y a plus d’un siècle (1909 à la Chambre des députés et 1911 au Sénat), pose des défis aux administrations dépendantes des ministères. « Les difficultés sont plus matérielles que formelles. Étant donné le nombre conséquent de questions posées chaque année, le gouvernement n’a pas les capacités de répondre dans les délais, ça demanderait des moyens énormes », observe le constitutionnaliste.
Ce début de législature grossit même le volume de courriers en instance, puisque des questions laissées de côté sont reposées par les parlementaires. Selon le ministère des Relations avec le Parlement (MRP), leur volume représenterait plus de la moitié des questions actuellement dans les ministères. Le tout, à une période où les cabinets ministériels étaient en phase d’installation. « Ça n’excuse pas ces délais, on ne cherche pas de justification. L’idée, c’est que les cabinets et les administrations se mettent en position de répondre au Parlement », veut assurer un proche du MRP. Nul doute que les prochains classements émis par le Sénat donneront un élément de réponse.