Paris National Tribute To Robert Badinter
The coffin during national tribute to former Justice Minister Robert Badinter at Place Vendome in front of Ministry of Justice in Paris, France on February 14, 2024. Robert Badinter has died aged 95. //04SIPA_SIPA.0044/Credit:Eliot Blondet-POOL/SIPA/2402141354

Robert Badinter : comment va se dérouler la panthéonisation de l’ancien garde des Sceaux ?

Le 9 octobre, Robert Badinter fera son entrée au Panthéon, un peu moins de deux ans après sa disparition. L'ancien ministre de la Justice de François Mitterrand reposera aux côtés de Condorcet, l’un des grands représentants du mouvement des Lumières. Veillée funèbre, musiques, discours, invités… Découvrez le programme de la cérémonie.
Romain David

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Robert Badinter sera inhumé au Panthéon le jeudi 9 octobre, quarante-quatre ans jour pour jour après l’abolition de la peine de mort. Ultime hommage de la République à l’ancien ministre de la Justice, qui a porté la loi du 9 octobre 1981, également à l’origine de la dépénalisation de l’homosexualité et de la suppression des tribunaux d’exception. Dès l’hommage national rendu à l’avocat après sa disparition, le 9 février 2024 à l’âge de 95 ans, Emmanuel Macron avait annoncé son entrée au Panthéon. « Votre nom devra s’inscrire aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le progrès humain et pour la France et vous attendent », avait-il déclaré.

« Robert Badinter incarne ce qu’est l’Etat de droit, associé à l’idée profonde de justice, elle-même associée aux idéaux portés par la déclaration des Droits de l’Homme », explique l’Elysée. Avec cette panthéonisation, « c’est aussi l’avocat, le président du Conseil constitutionnel et le sénateur qui est honoré ». Cette cérémonie, largement orchestrée par Bruno Roger-Petit, le « conseiller mémoire » d’Emmanuel Macron, et Élisabeth Badinter, la veuve de Robert Badinter, a été voulue « la plus sobre et la plus solennelle possible ». Elle devrait toutefois ménager quelques surprises.

L’hommage du Conseil constitutionnel

À l’initiative du Conseil constitutionnel dont il fut président de 1986 à 1995, une veillée funèbre autour de la dépouille de Robert Badinter se tiendra le mercredi 8 octobre au Palais Royal, avant la cérémonie d’entrée au Panthéon. Ouverte au public, cette veillée débutera vers 17 heures jusqu’à minuit, puis reprendra le jeudi matin jusqu’en milieu d’après-midi.

« L’assassin assassiné » chanté par Julien Clerc

La cérémonie de panthéonisation commencera le samedi aux alentours de 19 heures, elle devrait durer une heure. Le cercueil de l’ancien garde des Sceaux remontera la rue Soufflot jusqu’au Panthéon, un parcours rythmé par « trois temps forts », faisant écho au cheminement personnel et politique de Robert Badinter. Il sera ainsi question de sa jeunesse marquée par l’antisémitisme et la mort en déportation de son père, de son engagement pour la République, et enfin de l’abolition de la peine de mort.

Ces différentes étapes seront rythmées par des intermèdes musicaux, puisant chez les compositeurs favoris de Robert Badinter, réputé fin mélomane. « Il y aura notamment du Schubert », indique l’Elysée. Mais l’un des temps forts de la cérémonie restera certainement l’interprétation par Julien Clerc, « dans une nouvelle version », de son tube « L’assassin assassiné ». Cette chanson en forme de plaidoyer contre la peine de mort, sortie en 1980, a été composée à partir d’un texte de Jean-Loup Dabadie après que Julien Clerc a assisté au procès du meurtrier récidiviste Norbert Garceau, auquel Robert Badinter, encore avocat, réussit à éviter la guillotine.

Une séquence qui ne devrait pas être sans rappeler la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian en février 2024, pour laquelle Arthur Teboul et le groupe Feu ! Chatterton avait interprété « L’affiche rouge », une chanson composée par Léo Ferré sur un poème de Louis Aragon.

Un discours d’Emmanuel Macron

Le cercueil de Robert Badinter sera accueilli par le président de la République sous la nef du Panthéon. Le chef de l’Etat prononcera un discours de 15 à 20 minutes.

D’autres prises de parole sont prévues au fil de la cérémonie : notamment des lectures de plaidoyers et de discours prononcés par Robert Badinter, et sélectionnés par son épouse. Mais aussi un texte de Victor Hugo, autre opposant acharné à la peine capitale, lu par le comédien Guillaume Gallienne. Un « mapping », c’est-à-dire une projection vidéo sur la façade du Panthéon, viendra clôturer cette journée. L’Elysée promet « une œuvre graphique tout à fait exceptionnelle ».

Le caveau n°VII, celui de Condorcet

C’est le lendemain, vendredi 10 octobre, que le cercueil de Robert Badinter sera installé dans le caveau n°VII, celui des révolutionnaires de 1789 où reposent Condorcet, l’abbé Grégoire et le mathématicien Gaspard Monge, tous trois panthéonisés sur décision du président François Mitterrand à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française.

« Condorcet est une figure à laquelle Robert Badinter et son épouse étaient très attachés, puisqu’ils lui ont tous les deux consacré un livre », précise l’Elysée. « Alors Robert Badinter aura rejoint pour l’éternité le temple de ceux à qui la patrie doit reconnaissance. »

Persona non grata

Cette cérémonie doit rassembler de nombreuses personnalités : membres du gouvernement, anciens ministres et Premiers ministres, président des assemblées parlementaires, députés, sénateurs…, tel que listés par le décret du 13 septembre 1989 relatif « aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires ». Mais aussi les invités personnels d’Élisabeth Badinter et de sa famille, ceux d’Emmanuel Macron, ainsi que de nombreux scolaires, venant pour la plupart d’établissements qui portent le nom de Robert Badinter.

À l’occasion de l’hommage national rendu à l’ancien ministre de la Justice place Vendôme à Paris le 15 février 2024, sa famille avait souhaité que les élus du Rassemblement national et de La France insoumise n’y participent pas. Un vœu respecté par Marine le Pen et ses troupes, mais pas par les insoumis : Caroline Fiat, vice-présidente de l’Assemblée nationale, et Éric Coquerel, président de la Commission des Finances, y avaient assisté.

Si le président de la République ne peut se soustraire aux règles protocolaires, « les représentants et les familles de ceux qui entrent au Panthéon sont libres de leur parole et peuvent envoyer un message tout à fait clair sur celles et ceux qu’ils ne veulent pas voir venir », explique l’Elysée. « Élisabeth Badinter n’a sans doute pas changé de jurisprudence depuis la cérémonie place Vendôme », glisse un conseiller. Par ailleurs, la présidence rappelle que la rue Soufflot et la place du Panthéon seront ouvertes au public : « Robert Badinter laisse une telle place dans l’imaginaire français que nous attendons beaucoup de monde. »

Après Joséphine Baker en 2021 et les époux Manouchian en 2024, il s’agit de la cinquième cérémonie d’entrée au Panthéon depuis qu’Emmanuel Macron a été élu. Ce cycle mémoriel devrait se poursuivre avec la panthéonisation en juin 2026 de l’historien et résistant Marc Bloch.

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