Parlement europeen – European parliament

UE : le Parlement européen s’offre un marathon pour sa dernière session

A moins de 50 jours des élections européennes, qui se tiendront en France le 9 juin, les députés se réunissent une dernière fois à Strasbourg, afin d’entamer une semaine marathon de votes. Au programme, pas moins de 89 textes législatifs seront examinés par les élus, qui viendront s’ajouter aux 359 déjà votés depuis le début de la législature en 2019. Pour autant, la plupart des textes, longuement négociés par les différentes institutions européennes ces derniers mois, devraient permettre d’éviter des débats qui s’éternisent.
Alexis Graillot

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Après l’effort, le réconfort ? Une maxime que les 705 députés européens se répéteront sans doute les heures passant, à l’entame de cette dernière session plénière au cours de laquelle les élus du palais de Strasbourg, devront se prononcer près d’une centaine de fois (89 textes législatifs auxquels viendront s’ajouter une poignée de résolutions). Encore que … à l’image de Jordan Bardella, Valérie Hayer ou Raphaël Glucksmann, de nombreux députés européens sont candidats à leur réélection en juin prochain.

Au programme, les débats seront notamment marqués par l’actualité internationale, les efforts du vieux continent en faveur de l’écologie, un renforcement de la lutte contre les violations des droits de l’Homme (mais aussi et surtout des femmes), ainsi que diverses mesures visant à renforcer la coordination économique.

Un dernier ordre du jour marqué par l’actualité internationale

Situation au Moyen-Orient, guerre en Ukraine, violations des droits de l’Homme dans plusieurs Etats européens et des Balkans, ou encore ingérences étrangères, l’actualité internationale occupe une place prépondérante de cette dernière semaine de débats.

Sur la situation au Moyen-Orient, les députés feront le point sur les attaques iraniennes à l’encontre d’Israël, mais également sur les attaques de l’Etat hébreu dans la bande de Gaza, qui auraient causé depuis les massacres du 7 octobre perpétrés par le Hamas, la mort de 33 000 Palestiniens, pour un peu plus d’un tiers d’enfants. Le Parlement rappelle qu’il a adopté en mars dernier, une résolution » mettant en garde contre l’insécurité alimentaire et la famine imminente à Gaza », et « exhorté toutes les parties à cesser immédiatement ces attaques », ainsi qu’une « enquête internationale indépendante ».

La guerre en Ukraine sera également abordée puisque les députés devraient logiquement prolonger le soutien commercial au régime de Kiev, « tout en protégeant les agriculteurs de l’UE », précise le communiqué. Soutien commercial, mais aussi financier, puisqu’une large partie des 5.8 milliards d’euros de budget supplémentaire de l’UE, devrait servir à soutenir l’effort de guerre ukrainien. A cet égard, une résolution devrait être votée sur les révélations faisant état de l’ingérence présumée de la Russie au Parlement, « selon lesquelles Moscou aurait payé des députés pour s’ingérer dans les prochaines élections européennes » ; l’occasion de faire le point également sur les résultats de l’élection présidentielle, qui a vu la réélection écrasante de Vladimir Poutine, alors que son principal opposant Alexeï Navalny est décédé le 16 février dernier en camp d’internement, dans des circonstances toujours inconnues.

La situation de l’état de droit en Hongrie devrait également être scrutée de très près par les élus de Strasbourg, alors que le pays est le prochain pays à prendre la tête de la présidence tournante de l’UE au second semestre 2024, juste après les élections de juin prochain. En janvier dernier, les députés avaient demandé au Conseil européen (réunissant les chefs de l’exécutif des Etats membres) de « déterminer si la Hongrie avait commis des « violations graves et persistantes des valeurs de l’UE » dans le cadre de la procédure plus directe prévue à l’article 7, paragraphe 2 ».

La transition écologique au cœur des débats

La transition écologique se trouve également au cœur de l’agenda de cette dernière session plénière. De fait, plusieurs textes en la matière devraient trouver une issue favorable, notamment une nouvelle législation visant à « réduire, réutiliser et recycler les emballages », afin de les rendre plus durables. Le Parlement rappelle à cette occasion que le secteur est source de 355 milliards d’euros rien que sur le territoire européen, pour une production moyenne par habitant de 188.7 kg par habitant, selon le dernier chiffre datant de 2021. En l’absence de mesures plus contraignantes, l’UE estime que ce chiffre monterait à 209 kg par habitant d’ici 2030.

Le Parlement va également avoir à se prononcer sur des règles plus strictes pour réduire les pertes de microplastiques, dans la continuité du “Net-Zero Industry Act”, qui fixe un objectif de « produire 40% des technologies nettes zéro comme les panneaux solaires, les pompes à chaleur ou les électrolyseurs d’ici 2030 et de capter 15% de la valeur marchande mondiale de ces technologies ».

Qui dit emballage, dit aussi pollution atmosphérique. Sur ce sujet, l’Union devrait adopter une nouvelle loi afin de réduire la pollution atmosphérique au sein du territoire européen d’ici 2030, en fixant « des limites et des valeurs cibles plus strictes à l’horizon 2030 », dans la lignée de l’objectif « zéro pollution » d’ici 2050. Dans ce contexte, le Parlement rappelle que la pollution de l’air reste « la première cause environnementale de décès prématurés dans l’UE, avec environ 300 000 décès prématurés par an ».

De nouveaux instruments pour lutter contre les violations des droits de l’Homme

Garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme, le droit de vivre dans un environnement sain se trouve intrinsèquement lié aux problématiques écologiques. A cet égard, le Parlement se prononcera sur la création d’un « devoir de vigilance » européen, sous l’impulsion de la France, première nation au monde à imposer une telle obligation aux entreprises. Ce devoir exige des entreprises qu’elles « atténuent les effets néfastes de leurs activités, notamment le travail des enfants, l’esclavage, la pollution et la perte de biodiversité ». Le texte devrait s’appliquer seulement aux très grandes entreprises, qui devront également publier chaque année, un plan d’actions compatible avec la trajectoire de l’accord de Paris (+1.5°C d’ici 2050), sous peine d’amende, pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires net mondial de l’entreprise.

Qui dit droits de l’Homme, dit aussi « droits de la femme », et sur cet aspect précis, l’Union est en passe de connaître une grande avancée en la matière, puisque les députés devraient voter une loi visant à « prévenir le viol » et « sensibiliser au consentement ». Le texte contient notamment des dispositions interdisant le mariage forcé et les mutilations génitales féminines, avec des règles spécifiques sur le cyberharcèlement. Du côté prévention, les mesures de sensibilisation sur la santé sexuelle devraient être renforcées.

En outre, le Parlement devrait adopter une législation visant à « interdire la vente, l’importation et l’exportation de biens fabriqués en ayant recours au travail forcé », ainsi qu’une extension de la notion de « traite des êtres humains » au mariage forcé, l’adoption illégale et l’exploitation de la gestation pour autrui (GPA). Une directive visant à encadrer le travail sur les plateformes devrait également voir le jour, et proscrire les licenciements de ces plateformes, sur la base d’une décision algorithmique. Nouveau droit également pour les personnes handicapées avec la création de cartes européennes d’invalidité et de stationnement, afin que ces dernières bénéficient d’un « accès égal à des conditions préférentielles, notamment des tarifs d’entrée réduits ou nuls, un accès prioritaire et un accès au stationnement réservé ».

Renforcer la coordination entre les Etats membres

Alors que la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, qui se sont suivies de poussées inflationnistes et d’une croissance en berne, de nombreux Etats européens ont dû recourir massivement à l’argent public pour éviter l’effondrement de leur économie. A la clé, l’UE avait décidé de suspendre provisoirement les règles du Pacte de stabilité prévoyant une limite de déficit de 3% par an, ainsi qu’un taux d’endettement à hauteur de 60% du PIB. Le dur de la crise étant passé, ces règles sont à nouveau d’actualité. De nombreux Etats, à l’image de la France, font pourtant office de mauvais élèves, cette dernière connaissant pour cette année, un déficit supérieur à 5% et un endettement public à 112% du PIB. Raison pour laquelle le Parlement devrait voter un paquet de mesures favorables aux investissements et à l’amélioration de la réduction de la dette. Pour pallier la survenance de crises futures, un nouveau mécanisme visant à mieux les prévenir et les anticiper, notamment sur les biens de première nécessité, devrait entrer en vigueur, et ce afin d’« éviter des erreurs telles que celles commises pendant la pandémie de COVID-19 ».

Meilleure organisation dans la gouvernance économique, mais aussi dans la lutte contre la fraude, et particulièrement le blanchiment de capitaux. A cet égard, un code européen, établissant un nouvel organe de surveillance, devrait voir le jour, et serait notamment chargé de « superviser directement les entités financières les plus risquées, d’intervenir en cas de défaillance de la surveillance et de servir de référence et de médiateur pour les autorités de surveillance ».

La coordination européenne se verra également renforcée du côté de la sécurité routière avec de nouvelles mesures pour améliorer la qualité des enquêtes transfontalières dans le cadre des infractions routières, le Parlement précisant que « 40% des infractions » de ce type sont « actuellement impunies ». A ce titre, selon les nouvelles règles (…), outre les excès de vitesse, la conduite en état d’ivresse ou le non-respect d’un feu rouge, de nouvelles infractions, telles que le stationnement et le dépassement dangereux, le franchissement d’une ligne continue et le délit de fuite, donneront lieu à une assistance transfrontalière pouvant se traduire par une amende pour les conducteurs dangereux ».

Révision de la PAC

Enfin, la politique agricole commune (PAC) devrait être révisée par les députés des Etats membres, dans l’objectif de « réduire la charge administrative » et « améliorer la flexibilité » pour les agriculteurs, demandes massivement réclamées par les mobilisés en début d’année, partout en Europe. Le Parlement précise qu’il devra décider ce mardi « s’il y a lieu de s’opposer à la proposition de la Commission afin de permettre aux États membres de disposer d’une plus grande souplesse dans l’application d’une autre condition de la PAC: l’exigence de maintenir le ratio des prairies permanentes par rapport à la superficie agricole supérieure à 5% par rapport à 2018 ».

Ce nouvel examen doit également permettre aux petites exploitations d’éviter l’effet d’écrasement des petites exploitations, soumises aux mêmes normes que les plus grandes d’entre elles. Ainsi, devrait être donné « plus de flexibilité aux pays de l’UE pour accorder des dérogations aux normes de la PAC en cas de problèmes liés à leur application et en cas de problèmes causés par des conditions météorologiques extrêmes ». « Les petites exploitations de moins de dix hectares seront exemptées de contrôles et de sanctions en cas de non-respect des règles de la PAC », précise le briefing du Parlement.

Ces chantiers refermés, les nouveaux élus se retrouveront en séance dès le lendemain des derniers votes au sein des Etats membres. Rendez-vous le 10 juin prochain.

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