Catherine Colonna :  « La visite d’Emmanuel Macron, en Chine a joué un grand rôle dans l’appel de Xi Jinping au président Zelensky »

Dans un contexte géopolitique extrêmement chargé, Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, est revenue, à l’occasion d’une audition au Sénat, sur l’action diplomatique française dans ces circonstances.
Henri Clavier

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Au cours de son audition par la commission des affaires étrangères du Sénat, Catherine Colonna s’est livrée à un exposé sur la doctrine diplomatique française. Une vision articulée autour de quatre points selon Catherine Colonna : « Une diplomatie plus réactive, déployer une diplomatie d’influence, prendre les tournants globaux et plus de proximité ». Dans cette perspective, Catherine Colonna se réjouit d’avoir obtenu une augmentation des emplois et « une hausse des crédits d’un peu plus de 20 % pour atteindre 7,9 milliards d’euros en 2027. Nous avons un quai d’Orsay renforcé avec une diplomatie qui a enfin les moyens humains et financiers de ses ambitions, le quai d’Orsay rejoint ce mouvement de réarmement, de renforcement du régalien ». Une conception de la diplomatie française censée répondre à « un monde en perpétuel mouvement », alors même que les capacités françaises à peser dans les négociations et dans la résolution de crises internationales, semblent reculer.

 « La France est engagée pour soutenir une paix durable et à rechercher l’apaisement des sanctions »

Face à la guerre en Ukraine, mais également face au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, Catherine Colonna affirme sa volonté de développer une diplomatie française capable de peser et d’incarner une puissance d’équilibre. Une logique qui recoupe celle du président de la République quand il déclarait, lors de sa visite officielle en Chine, qu’il ne fallait pas « être suivistes » et « nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise ». « La visite d’Etat, d’Emmanuel Macron, en Chine a joué un grand rôle dans l’appel de Xi Jinping au président Zelensky », explique Catherine Colonna. Une position qui se veut centrale, de compromis et de solution, mais qui doit nécessairement trancher certains dilemmes, au risque de créer des difficultés avec ses propres alliés. L’aide militaire de la France a pu être perçue comme trop faible par ses alliés même si Catherine Colonna s’est voulue rassurante en affirmant « qu’il n’y avait pas de tabou, aucune décision n’est prise, aucune décision n’est inimaginable ».

 

Un rôle de facilitation du processus de négociation que la France souhaite aussi jouer au Haut-Karabagh. « Je me suis rendue dans les deux pays avec un message clair. La France est engagée pour soutenir une paix durable et à rechercher l’apaisement des sanctions et une reprise des négociations au bénéfice de leurs populations », déclare Catherine Colonna. Deux États, proches de l’Europe, sur lesquels la France et l’Union européenne peuvent effectivement espérer exercer une influence que cela soit pour des motifs culturels où d’approvisionnement énergétique. Force est de constater que cette influence, indispensable pour peser sur la résolution des conflits internationaux, ne peut s’exercer de manière égale sur le globe.

« Nous cherchons à obtenir des pays de la zone indo-pacifique qu’ils s’impliquent un peu plus dans les négociations pour la paix »

En recherchant « l’apaisement » ou en souhaitant le « respect du droit international » la diplomatie française ne réalise pas vraiment un revirement doctrinal. La diplomatie française cherche donc ardemment à exercer son influence comme l’explique Catherine Colonna : « Nous cherchons à obtenir des pays de la zone indo-pacifique, proches de la Russie, qu’ils s’impliquent un peu plus dans les négociations pour la paix ». L’un des leviers de cette recherche française d’influence pourrait être financier. « La France est désormais le quatrième pourvoyeur mondial d’aide au développement », s’est félicitée Catherine Colonna. Une stratégie d’influence visant à contrer « un discours anti-français contraire à la vérité, très fort en Afrique ». Cette perte d’influence s’observe également au Proche et Moyen-Orient où le dictateur syrien, Bachar El-Assad, « est désormais invité à rejoindre le sommet de la ligue arabe », rappelle Catherine Colonna.

 « L’opération d’évacuation de Khartoum elle-même était très compliquée »

Une capacité d’influence à l’international qui doit s’appuyer sur une efficacité opérationnelle, dans les contextes de crise que la ministre identifie dans « l’évacuation réussie de nos ressortissants au Soudan ». En proie à un coup d’État et des affrontements entre deux factions ennemies, la France a organisé le rapatriement d’une grande partie du personnel diplomatique présent au Soudan. « L’opération d’évacuation de Khartoum elle-même était très compliquée mais, au total nous avons évacué plus de 1 000 personnes dont un peu plus de 200 Français, les trois-quarts étaient des étrangers ressortissants de différents pays ».

Catherine Colonna a voulu, également, inscrire la diplomatie française et sa capacité à infléchir les crises internationales dans une actualité positive en s’appuyant sur la libération de Benjamin Brière et Bernard Phelan, détenus en Iran jusqu’au 12 mai dernier. Si cette libération est présentée comme un succès, quatre citoyens français restent détenus en Iran et, en tout, 35 ressortissants de l’Union européenne. Sur un sujet connexe, les conditions de l’enlèvement d’Olivier Dubois (journaliste français retenu en otage au Mali entre 2011 et mars 2023) et le rôle joué par l’armée française n’ont pas été évoqués. Une enquête de Libération, Le Monde, RFI et TV5 Monde révèle comment l’armée française a utilisé le journaliste à son insu pour arrêter un chef djihadiste.

 

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