Alors que le Hamas annonçait hier soir avoir accepté un accord de trêve avec Israël, l’armée israélienne a finalement lancé l’offensive sur Rafah ce matin. La ville du sud de l’enclave accueille depuis le début de l’opération israélienne les réfugiés provenant du reste de la bande de Gaza. Explications des enjeux liés aux négociations de trêve et de la prise du point de passage entre la bande de Gaza et l’Egypte avec Pierre Razoux, directeur académique de l’institut FMES et auteur de « Tsahal, histoire de l’armée israélienne », Perrin, 2009.
Adhésion de l’Ukraine à l’UE : « L’agriculture est au centre des débats »
Par Hugo Ruaud
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L’invasion russe en Ukraine a peut-être avancé le processus d’adhésion de Kiev à l’Union européenne de plusieurs années, voire décennie. En juin 2022, par un avis rendu dans un délai singulièrement court, la Commission européenne s’est déclarée favorable aux demandes d’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie à l’Union. Dans la foulée, les deux candidatures ont été acceptées à l’unanimité par les pays membres. Une promptitude impossible à décorréler de la situation géopolitique, quelques mois après le début de la guerre, alors qu’aucun pays n’a intégré l’Union européenne depuis la Croatie, il y a 10 ans. Mais si l’hypothèse d’une adhésion prochaine de l’Ukraine à l’UE a pris du poids, un tel processus demeure long, complexe et recouvre de nombreux enjeux. C’est ce pourquoi le Sénat réunissait ce matin, à l’initiative de la Commission des affaires européennes, une table ronde sur le sujet. Invité au palais du Luxembourg, Oleksandr Shuiskyi, représentant de l’ambassadeur d’Ukraine, a d’abord remercié la France pour sa position « ferme et claire » qui a « joué un rôle important dans le soutien des Etats membres de l’UE à l’octroi à l’Ukraine du statut de candidat à l’adhésion ». Pour Shuiskyi, la pertinence de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne ne fait aucun doute, serait « un catalyseur pour une Europe plus forte et plus sûre », et permettrait au Vieux continent de « renforcer son rôle de puissance mondiale ».
« Un coup de jeune » pour l’UE
Pour convaincre son auditoire, Oleksandr Shuiskyi, a souligné « la volonté de l’Ukraine d’accepter les normes et les valeurs européennes », alors que des points d’interrogation subsistent sur la capacité du pays à lutter contre la corruption qui le mine. « On fait tout notre possible pour qu’on oublie la corruption en Ukraine. Ce n’est pas facile, la société civile a un rôle crucial à jouer. C’est le peuple qui exige ces changements, il est absolument épuisé par la corruption », a plaidé Oleksandr Shuiskyi, qui a préféré insister sur « les progrès accomplis ». Pour intégrer l’Union européenne, un pays doit remplir un certain nombre de critères, parmi lesquels, notamment, jouir d’institutions stables et d’une économie de marché viable. L’Ukraine, dont une grande partie de l’économie est grevée par les lourds dégâts de la guerre – le pays a perdu un tiers de son industrie depuis le début de la guerre, selon Shuiskyi, pourrait donc avoir du mal à remplir ces critères. Mais pour la plupart des experts réunis autour de la table ronde du Sénat, l’enjeu n’est pas là, et l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne serait effectivement un levier de puissance considérable. « Ce serait un grand coup de jeune pour l’Union européenne », affirme, enthousiaste, Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, pour qui l’adhésion de l’Ukraine permettrait à l’Europe d’acquérir une dimension qui lui manque cruellement depuis des décennies : « la dimension géopolitique ». Une idée à laquelle le conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors Thierry Chopin souscrit pleinement. L’invasion russe a selon lui accéléré la « géopolitisation de l’Europe » et la « nécessité de prendre en considération les enjeux de sécurité », tout en mentionnant « des leçons à tirer des élargissements précédents ».
Craintes de dumping social
Car si le projet d’adhésion de l’Ukraine a suscité l’enthousiasme et obtenu à l’unanimité un avis favorable des dirigeants européens dans le contexte de l’agression russe, rien ne dit que cela restera le cas à moyen termes. Parmi les pays de l’Union européenne, la Hongrie de Viktor Orban, ou encore les Pays-Bas où le leader d’extrême droite Geert Wilders vient de remporter les législatives, pourraient poser leur véto à l’avenir. Récemment, le Premier Ministre hongrois a d’ailleurs annoncé faire du blocage de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne une priorité. Pourtant, comme le rappelle Jean-Dominique Giuliani, l’adhésion de l’Ukraine « n’est pas un complot de diplomates », mais bien la volonté du « peuple ukrainien ». Dans un sondage de janvier dernier, 92 % des Ukrainiens déclaraient vouloir intégrer l’Union. De son côté, la Pologne, puissance agricole, surveille également la situation avec méfiance, alors qu’un contentieux la lie déjà à Kiev sur les céréales ukrainiennes. Mais Varsovie n’est pas la seule puissance que l’adhésion du « grenier à blé » de l’Europe à l’UE inquiète. « La France a un rapport de défiance aux élargissements, tant du point de vue de son opinion publique que de ses élites politiques », rappelle Thierry Chopin. Si les Français sont encore une majorité à se dire en faveur d’une adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, ils n’étaient plus que 58 % cet été, en baisse de 5 points sur 18 mois. « L’opinion publique est très versatile », relève Thierry Chopin, qui souligne l’importance de mettre en avant « un récit politique » pour emporter l’adhésion des citoyens européens à cet horizon. Car pour l’instant, les perspectives d’une forme de « dumping social » que laisse entrevoir l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne inquiètent une partie des Français. « La question de l’agriculture est au centre des débats et des inquiétudes », affirme la sénatrice centriste de la Nièvre, Nadia Sollogoub. L’élue, qui a récemment accompagné le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau à Kiev, a traduit l’état d’esprit du gouvernement, et le récit politique qu’il compte imprimer : « Rassurer nos producteurs de manière qu’à terme, l’agriculture ukrainienne soit considérée comme un atout de plus de l’Europe pour aller chercher de nouveaux marchés en Asie et en Afrique, et non pas un déferlement de produits concurrents à l’intérieur de l’Europe ».