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Affaire Epstein : « L’avenir de Trump va dépendre de son implication dans cette histoire »

Donald Trump est dans la tourmente depuis les révélations du Wall Street Journal sur ses liens avec le milliardaire et prédateur sexuel, Jeffrey Epstein. Après avoir fait de la déclassification du « dossier Epstein » un thème de campagne, le président américain tente de se défaire d’une polémique qu’il a lui-même déclenchée.
Marius Texier

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Quelles ont été les relations entre Donald Trump et le milliardaire Jeffrey Epstein, retrouvé mort en 2019 dans sa cellule ? Était-il au courant de son réseau de pédophilie et de proxénétisme ? Pire, y a-t-il participé ? Le 17 juillet dernier, le Wall Street Journal a publié un article sur les liens entre l’ancien président des Etats-Unis et Jeffrey Epstein. Parmi les informations fournies, le journal révèle que Donald Trump aurait dessiné une femme nue accompagnée d’un commentaire sur l’album souvenir du 50e anniversaire de Jeffrey Epstein en 2003 : « Joyeux anniversaire. Que chaque jour soit un autre merveilleux secret ». De quoi nourrir les théories complotistes sur un possible secret entre les deux hommes.

Dans la foulée, Donald Trump réagi : « Ce n’est pas moi. C’est une fausse information. C’est un faux article du Wall Street Journal ». Alors qu’il l’a fréquenté dans les années 1990 jusqu’au début des années 2000, le président américain ne cesse d’expliquer qu’il n’a jamais été lié à la vie occulte et criminelle d’Epstein. Le lendemain, Donald Trump lance des poursuites contre le journal réclamant la somme de 10 milliards de dollars (8,6 milliards d’euros).

Quelques jours plus tard, le 23 juillet, le Wall Street Journal remet une pièce dans la machine en révélant la teneur d’un échange en mai dernier, confirmé par le ministère de la justice, entre le président américain et sa ministre fédérale de la justice, Pam Bondi. Cette dernière lui aurait confirmé que son nom figure bien dans le « dossier Jeffrey Epstein ».

Pris à son propre piège

C’est pourtant ce même dossier que Donald Trump, alors en pleine campagne pour la dernière élection présidentielle, avait promis de déclassifier. En février, sur le plateau de Fox News, Pam Bondi affirmait même que la liste des clients de Jeffrey Epstein se trouvait « sur son bureau ».

« Le problème a été alimenté deux fois par Donald Trump », explique Romuald Sciora, spécialiste des Etats-Unis. « La première fois en n’invalidant pas les théories complotistes sur l’affaire, puis la seconde fois en se rétractant de révéler le dossier classifié ». Lors de sa guerre fratricide avec le président américain, le milliardaire Elon Musk participait également à la résurgence de l’affaire avec un post sur X : « Il est temps de lâcher une bombe : Donald Trump figure dans les dossiers Epstein. C’est la véritable raison pour laquelle ils n’ont pas été rendus publics ». Depuis, on tente d’éteindre l’incendie du côté des républicains.

« Il sera extrêmement compliqué pour lui de se maintenir au pouvoir »

« Je pense que cette affaire va se calmer dans les prochaines semaines », prévient Romuald Sciora. « Sauf si l’on découvre que Donald Trump a menti et est impliqué. Son avenir va dépendre de son implication dans cette histoire ».

Dans un pays qui déteste le mensonge, rien de plus dangereux pour un président américain. En 1974, les mensonges du président Richard Nixon, sur l’affaire du Watergate, conduisent à sa démission. De même, l’accusation de parjure du président Bill Clinton dans l’affaire Monica Lewinsky permet au Congrès d’entamer une procédure d’impeachment qui ne sera finalement pas votée. Son image s’est ensuite largement dégradée.

Selon Romuald Sciora, les révélations d’un mensonge ou d’une implication dans les réseaux de Jeffrey Epstein risquent d’abîmer considérablement l’image du président voire de le contraindre à la démission. « Si l’on découvre que Donald Trump a participé à des crimes sexuels, alors il sera extrêmement compliqué pour lui de se maintenir au pouvoir », assure le chercheur.

Dès lors, difficile de naviguer entre les fausses informations colportées par les conspirationnistes, les révélations des médias et les déclarations erratiques de Donald Trump. D’autant qu’aux Etats-Unis, la frontière entre la vérité et le complot est poreuse.

« PizzaGate »

« C’est un juste retour de bâton, Trump a toujours alimenté les théories complotistes », assure Romuald Sciora. « Les théories autour de l’affaire Epstein prennent leur source dans le PizzaGate ». En novembre 2016 émerge sur Internet une théorie conspirationniste sur un réseau de pédophilie situé dans le sous-sol d’une pizzeria à Washington. Ce réseau serait lié à Hillary Clinton. Si cette théorie a rapidement été réfutée par les services de police, un homme s’est tout de même rendu sur les lieux, armé d’un fusil d’assaut, pour tenter de libérer les soi-disants enfants qui s’y trouvaient. Aujourd’hui près de deux millions d’Américains croient fermement à cette théorie. Si Donald Trump déclare en 2016 ne rien savoir de cette histoire, il contribue à alimenter le complot en s’interrogeant sur sa véracité. Depuis, les théories complotistes autour de la pédophilie ne cessent de progresser, en particulier du côté des électeurs républicains les plus radicaux.

« Donald Trump a souhaité relancer l’affaire Epstein pour plaire à sa base MAGA (« Make America Great Again », slogan de Donald Trump) », assure Romuald Sciora. « Seulement cela me paraît totalement absurde que Trump puisse être lié aux réseaux criminels d’Epstein tout en ayant voulu déclassifier le dossier ». Selon le chercheur, l’objectif était simplement de complaire à l’électorat américain. Selon un sondage CBS et YouGov, près de 90 % des Américains demandent la publication du dossier.

Tentative de diversion avec Obama

Depuis, le président américain cherche à faire diversion. Cette fois-ci, c’est l’ancien président américain, Barack Obama, qui en prend pour son grade. La semaine dernière, la directrice du renseignement états-unien, Tulsi Gabbard, a accusé Barack Obama d’avoir « préparé le terrain pour un coup d’Etat » en 2016. Donald Trump a lui-même repris ces accusations en postant une vidéo trafiquée par l’intelligence artificielle qui montre l’arrestation d’Obama. De son côté, l’ancien président a qualifié ces accusations de « ridicules » et qui « constituent une tentative maladroite de détourner l’attention ». Quand une théorie conspirationniste en chasse une autre…

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