Russia Political Infighting
FILE - In this handout photo taken from video released by Prigozhin Press Service on Friday, March 3, 2023, Yevgeny Prigozhin, the owner of the Wagner Group military company, addresses Ukrainian President Volodymyr Zelenskyy asking him to withdraw the remaining Ukrainian forces from Bakhmut to save their lives, at an unspecified location in Ukraine. Prigozhin's criticism of the top military brass is in stark contrast with more than two decades of rigidly controlled rule by President Vladimir Putin without any sign of infighting among his top lieutenants. (Prigozhin Press Service via AP, File)/XSTM905/23171645850427/AP PROVIDES ACCESS TO THIS PUBLICLY DISTRIBUTED HANDOUT PROVIDED BY PRIGOZHIN PRESS SERVICE TO ILLUSTRATE NEWS REPORTING OR COMMENTARY ON FACTS DEPICTED IN IMAGE; MUST BE USED WITHIN 14 DAYS FROM TRANSMISSION; NO ARCHIVING; NO LICENSING; MANDATORY CREDIT;/2306230705

Après la rébellion avortée d’Evgueni Prigojine, quel avenir pour Wagner en Afrique ?

Alors que le désormais ex-patron de la société Wagner, Evgueni Prigojine, est contraint à l’exil en Biélorussie, l’avenir du groupe de mercenaires paraît incertain. Impliqué sur le front ukrainien, Wagner dispose d’une influence importante en Afrique, en particulier au Mali et en Centrafrique, où le groupe joue un rôle déterminant pour les intérêts de la Russie.
Henri Clavier

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« L’Etat russe entretenait Wagner », a affirmé Vladimir Poutine lors d’un discours prononcé ce 27 juin suite à la rébellion du groupe Wagner et de son leader Evgueni Prigojine contre le commandement militaire russe, le 23 juin. Alors que le groupe paramilitaire s’est fait connaître pour ses activités en Syrie et en Afrique notamment, la déchéance de Prigojine interroge sur la capacité de Wagner à poursuivre ses activités en Afrique. Une question cruciale notamment pour les intérêts de la France en Afrique. En effet, le groupe de mercenaires a grandi en profitant du recul de l’influence française comme l’illustre l’exemple du Mali, où Wagner est officiellement présent depuis 2021.

 « Il faut distinguer les troupes de Wagner en Russie et celles en Afrique, le lien est assez ténu » 

Outre le Mali, la présence du groupe de mercenaires est confirmée en Libye, au Soudan et en République centrafricaine, et est soupçonnée dans plusieurs autres Etats africains. « Côté russe on cherche à éradiquer Wagner du sol national, il n’y a pas forcément de lien avec les activités du groupe en Afrique », analyse Olivier Cadic, sénateur Union Centriste des Français de l’étranger. Les déclarations de Vladimir Poutine confirment une séparation entre les activités sur le front ukrainien et en Afrique puisque le président de la fédération de Russie a offert aux hommes de Wagner, engagés sur le front de rejoindre l’armée russe, sans s’attarder sur les troupes présentes en Afrique. Le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, s’est empressé de dire que le « travail va bien sûr continuer » en Afrique.

Une distinction reprise par le général Dominique Trinquand, ancien de chef de mission militaire française à l’ONU, affirmant qu’il « faut faire la différence entre les troupes de Wagner en Russie de celles en Afrique, le lien entre les deux est assez ténu. Pour les troupes engagées sur le front ukrainien, il y a trois options, soit ils vont en Biélorussie, soit ils s’engagent dans l’armée, soit ils rentrent chez eux. Aucune de ces options ne touche les activités de Wagner en Afrique ». En ce qui concerne une éventuelle rupture de la chaîne de commandement à cause de l’exil d’Evgueni Prigojine, le Général Trinquand estime que « l’ancien adjoint de Prigojine peut assurer la direction des opérations en Afrique où Prigojine était peu impliqué ».

Un contexte politique favorable

Partant de cette distinction, la Russie n’a pas vraiment intérêt à couper les ponts avec Wagner qui « sert de relais pour les intérêts et l’influence russe en Afrique », rappelle Olivier Cadic. Une analyse partagée par le Général Trinquand selon lequel, les raisons de la présence de Wagner en Afrique n’ont pas évolué puisque « les activités de Wagner en Afrique s’inscrivent dans un cadre parallèle, très utiles à la Russie et autofinancées. Cela permet d’avoir une « force grise » en Afrique ».

Par ailleurs, le contexte politique dans plusieurs pays d’Afrique, notamment subsaharienne, reste propice à l’installation du groupe militaire. « Wagner suit un business model très clair et joue le rôle d’une garde prétorienne pour les juntes », informe Olivier Cadic, jugeant que « Wagner est une mafia qui prospère sur les ruines des États ». L’affaiblissement de certains États d’Afrique subsaharienne, déstabilisés par la menace terroriste, entretient les raisons d’un recours à la force militaire de Wagner, la faiblesse de la force publique laissant une part d’initiative accrue à la sécurité privée.

Une réputation entachée ?

Difficile dans ces conditions d’imaginer un recul des activités de Wagner, même si « dans une situation rationnelle, Wagner pourrait pâtir de cette réputation », explique le général Trinquand. Néanmoins, « lorsque l’on fait appel à Wagner, on sait très bien que l’on se met dans un état de dépendance. Les juntes craignent elles-mêmes que leurs troupes se retournent contre leurs chefs, donc tant qu’il y a des États instables, Wagner peut prospérer en Afrique », détaille Olivier Cadic. La société de mercenaire continue de « se vendre au plus offrant, donc ils sont tout à fait susceptibles de retourner leurs vestes, c’est un point de vigilance pour les juntes les plus vulnérables », affirme le Général Trinquand. « Personne n’est dupe concernant Wagner », conclut Olivier Cadic.

La crainte d’une autonomisation des mercenaires de Wagner ?

Alors que la rébellion d’Evgueni Prigojine ne semble pas avoir de conséquences durables sur la présence du groupe en Afrique, le sénateur Olivier Cadic perçoit la possibilité d’une déconnexion croissante entre les intérêts russes et ceux de Wagner qui « apparaît comme une force qui s’est autonomisée ». Pourtant, une autonomisation du groupe Wagner serait relativement risquée et il est plus probable que le groupe poursuive une action double en continuant d’être un relais de l’influence russe en Afrique. « Je ne pense pas que Wagner va s’autonomiser, la logistique est fournie par la Russie, donc les deux parties sont gagnantes », nuance le Général Trinquand. Le groupe paramilitaire pourrait, au contraire, être repris par une autre société de sécurité privée proche du ministère de la défense russe afin de continuer à défendre les intérêts de la Fédération de Russie en Afrique.

 « Il y a de fortes chances que l’une des conséquences soit la volonté de faire main basse sur les intérêts économiques français en Afrique » 

« Il y a de fortes chances que l’une des conséquences soit la volonté d’accentuer les activités et de faire main basse sur les intérêts économiques Français en Afrique », s’inquiète Olivier Cadic, très impliqué sur le sujet. Ce dernier estime d’ailleurs que la doctrine militaire française en Afrique ne permet pas de protéger les intérêts économiques français et donc la progression de Wagner. Une doctrine réaffirmée, après une question d’Olivier Cadic, par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. 

 « Si l’armée ne défend pas les intérêts français en Afrique, qui va le faire ? Sans obstacle, Wagner peut intensifier son activité en Afrique », alerte le sénateur des Français de l’étranger. Un renforcement de la position et de l’influence de la France en Afrique subsaharienne représenterait donc une menace plus importante pour le développement de Wagner. Avec la fin de l’opération Barkhane au Mali, le 9 novembre 2022, et la montée d’un sentiment anti-français alimenté par Wagner, la tendance est davantage à un retrait de la zone. Une erreur selon Olivier Cadic regrettant « un défaut d’analyse ». « On ne va pas au bout de la logique, on baisse pavillon devant Wagner. Notre doctrine n’est pas claire, donc Wagner peut continuer d’étendre son influence en Afrique car il existe des États vulnérables ».

Le sénateur craint de voir les entreprises françaises se retrouver face à un ultimatum sous la pression de Wagner. « Pour les entreprises françaises en Afrique, le choix sera simple : soit vous pliez, soit vous vous battez. Donc peut-être qu’à un moment, eux aussi, vont envisager de créer des forces de sécurité privées », prévient Olivier Cadic.

 

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