Ce lundi, Éric Danon, ancien ambassadeur de France en Israël, était l’invité de la matinale de Public Sénat. Un an après le massacre du 7 octobre, il est revenu sur la situation actuelle au Proche-Orient et a livré son analyse sur l’éventualité d’un cessez-le-feu ainsi que sur les différentes déclarations d’Emmanuel Macron sur la livraison d’armes à Israël.
Attaques du Hamas : « Benjamin Netanyahou aura des comptes à rendre à la société israélienne »
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« Le cataclysme qui fracasse Israël est clairement la responsabilité d’une seule personne : Benyamin Netanyahou. » La première phrase de cet éditorial d’Haaretz, journal israélien de centre gauche, est cinglante. Le bilan humain des attaques du Hamas ne cesse de s’alourdir, mais au milieu de l’horreur naissent des incompréhensions. Comment Israël, son armée et ses services de renseignements réputés, ont-ils pu se laisser surprendre ?
Lundi 9 octobre, le magazine en ligne The Times of Israel a indiqué que le ministre égyptien du Renseignement aurait appelé Benjamin Netanyahou dix jours avant les attaques du Hamas, pour l’avertir qu’une opération terroriste d’ampleur se préparait. Mais le démenti immédiat du gouvernement israélien ne fait pas taire l’idée d’une défaillance des services de sécurité du pays. « Benjamin Netanyahou aime répéter que les renseignements israéliens sont les plus puissants. Ces services ont une énorme importance en Israël, car la menace est permanente et à seulement quelques kilomètres, il n’est pas permis de faillir », analyse Elizabeth Sheppard Sellam, directrice du programme de relations internationales et politiques de l’Université de Tours.
Netanyahou responsable d’un renforcement du Hamas ?
La réputation de ces services, qui n’ont pas vu venir l’attaque du Hamas, s’en trouve sérieusement écornée. Pour l’ancien officier du renseignement militaire israélien Raphaël Jerusalmy, cette défaillance vient en partie d’un endormissement de la surveillance de la bande de Gaza : « Récemment, Israël jouait la carte de l’aide sociale et économique à Gaza, notamment en délivrant des permis de travail. Nous avons cru que le Hamas acceptait cela, parce que la situation était relativement calme depuis quelque temps, évidemment c’était un leurre. »
Au-delà des défaillances des services de sécurité, c’est aussi la stratégie historique employée par Netanyahou avec l’organisation terroriste qui interroge. Pour affirmer l’autorité de l’Etat hébreu, le Premier ministre s’appuie en effet sur les divisions entre le Hamas, qui administre la bande de Gaza, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) présent en Cisjordanie. « Durant ses périodes de gouvernement successif, Netanyahou a considéré que le Hamas était utile pour diviser les Palestiniens et affaiblir l’OLP. Il y avait une mécompréhension et un aveuglement sur les gens à qui on avait affaire. Aujourd’hui, il compare le Hamas et Daech, mais le Hamas c’est Daech depuis le début », affirme Raphaël Jerusalmy.
Malgré les divisions politiques, l’union nationale
Le basculement du gouvernement israélien à l’extrême droite, suite aux élections législatives de novembre 2022, peut également expliquer les défaillances qui ont conduit aux attaques du Hamas. Vainqueur des élections avec le Likoud, son parti classé à droite, Netanyahou a formé une coalition avec des partis d’extrême droite et ultra-orthodoxes pour s’assurer la majorité lui permettant de gouverner. Une situation qui aurait incité le Premier ministre à faire des compromis sur la sécurité, selon Elizabeth Sheppard Sellam : « Pour faire plaisir aux plus à droite de sa coalition, Netanyahou a accepté qu’une grande partie des militaires se déplacent de Gaza vers la Cisjordanie [pour y assurer la protection des colonies]. »
Enfin, la forte opposition de la population israélienne à la réforme de la justice adoptée en juillet dernier – qui subordonne les juges au pouvoir politique – n’offrait pas non plus un cadre favorable à l’anticipation des attaques du Hamas. « Dans cette atmosphère politique chaotique, l’élément principal qui fait adhérer les Israéliens à un projet commun c’est la sécurité. Mais, obsédé par la réforme de la justice, Netanyahou a délaissé ce sujet. 300 000 réservistes de l’armée israélienne ont fait grève pour protester contre cette réforme, cela n’a pas facilité leur réactivité face au Hamas », affirme Sébastien Boussois, chercheur spécialiste du Moyen-Orient.
Malgré toutes ces défaillances imputées au Premier ministre israélien, l’heure n’est pas aux divisions politiques. Le 9 octobre, Benjamin Netanyahou a appelé dans une allocution télévisée à la formation d’un « gouvernement d’union nationale » avec ses principaux opposants, les centristes Yaïr Lapid et Benny Gantz. « Netanyahou, Yaïr Lapid et Benny Gantz ont tous les trois fait l’armée, la survie de l’Etat et du peuple israélien passe avant tout. Des divisions internes existent dans la classe politique, mais quand la sécurité de l’Etat est en jeu c’est l’unité qui prime », explique Elizabeth Sheppard Sellam. Mais, pour la chercheuse, il est clair que « Benjamin Netanyahou, qui s’est toujours présenté comme le sauveur d’Israël, aura des comptes à rendre à la société israélienne ».
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