Attaques du Hamas : « Les cibles étaient juives, cela s’appelle un crime contre l’humanité », affirme Dominique Trinquand

Invité le 10 octobre sur le plateau de Public Sénat, le général Dominique Trinquand qualifie les attaques du Hamas contre la population israélienne de « crimes contre l’humanité ». Alors que les autorités israéliennes annoncent plus de 1 000 morts dans les attaques perpétrées depuis le 7 octobre, la question de la qualification des crimes commis se pose.
Rose-Amélie Bécel

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Crimes de guerre, crimes contre l’humanité, différents termes sont utilisés pour qualifier les attaques meurtrières du Hamas contre les civils israéliens. Les propos de Mathilde Panot, présidente de La France Insoumise à l’Assemblée nationale, lors de la conférence de son groupe politique mardi 10 octobre, ont à ce titre une nouvelle fois fait polémique. À un journaliste qui lui demandait si elle considérait le Hamas comme une organisation terroriste, Mathilde Panot a répondu par des hésitations : « C’est la branche armée qui est aujourd’hui responsable de crimes de guerre ».

Un choix des termes immédiatement dénoncé par la classe politique, y compris à gauche. Sur X (anciennement Twitter), le député socialiste Jérôme Guedj a dénoncé l’emploi de l’expression « crimes de guerre » : « Depuis samedi, en ne nommant pas le Hamas comme groupe terroriste, mais comme force armée qui commet des crimes de guerre, LFI légitime le Hamas et ses modes d’action. »

« Lorsque vous ciblez spécifiquement des personnes, vous êtes dans la qualification de crime contre l’humanité »

Pour l’ancien chef de la mission militaire française à l’ONU Dominique Trinquand, invité sur le plateau de Public Sénat mardi 10 octobre, la qualification de crime de guerre n’est pas suffisante pour rendre compte des attaques du Hamas. « Les cibles étaient juives, cela s’appelle un crime contre l’humanité. Un crime de guerre, c’est lorsque vous tuez des civils de façon indistincte lors d’une action de guerre. En revanche, lorsque vous ciblez spécifiquement des personnes, vous êtes dans la qualification de crime contre l’humanité », explique le général. Invité de la matinale de CNews et Europe 1 ce 11 octobre, le président du Sénat Gérard Larcher a également affirmé que les exactions du Hamas étaient « des crimes contre l’humanité ».

D’un point de vue juridique, la définition la plus complète et la plus récente des deux termes se trouve dans le Statut de Rome, signé en 1998 et à l’origine de la création de la Cour pénale internationale en 2002. Le texte liste une cinquantaine de pratiques considérées comme constitutives d’un crime de guerre, on y retrouve par exemple « la torture », « la prise d’otages » ou encore « la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires ».

Interrogé par Public Sénat à l’occasion d’accusations de crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine en 2022, Raphaël Maurel, maître de conférences en droit public à l’université de Bourgogne avait complété cette définition. Pour le juriste, le crime de guerre est « commis contre des non belligérants. Le droit international opère une distinction entre belligérants et non-belligérants, et condamne les exactions commises contre ceux qui ne se battent pas, qui ne sont plus en mesure de se battre ou qui ont déposé les armes. »

La Cour pénale internationale compétente pour juger

Le Statut de Rome définit dans le même temps le crime contre l’humanité comme une « attaque généralisée commise contre une population civile, y compris en temps de paix ». Il concerne, par exemple, l’esclavagisme ou la déportation. « Plusieurs crimes de guerre peuvent constituer un crime contre l’humanité s’ils sont planifiés et commis à grande échelle », ajoute Raphaël Maurel.

Les juridictions nationales des Etats qui ont ratifié les traités internationaux sont les premières à pouvoir juger de crimes de guerre. Mais la Cour pénale internationale a la capacité de se substituer aux Etats qui n’entament pas de poursuites. La Palestine est devenue un membre à part entière de la Cour pénale internationale en 2015, mais ce n’est pas le cas d’Israël qui a signé le traité de Rome mais ne l’a pas ratifié.

Dans tous les cas, les attaques du Hamas et tous les événements qui suivent dans le cadre du conflit meurtrier qui s’ouvre, pourront faire l’objet de poursuites internationales et ce peu importe leurs auteurs. C’est ce que rappelle l’ONG Human Rights Watch dans un questions-réponses publié le 9 octobre : « Les crimes de guerre présumés commis lors des combats entre Israël et les groupes armés palestiniens pourraient faire l’objet d’une enquête du procureur de la Cour pénale internationale (CPI). (…) La CPI est compétente pour juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides commis sur ce territoire, quelle que soit la nationalité des auteurs présumés. »

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