Il a obtenu ce qu’il demandait depuis des mois. Donald Trump s’est affiché grand gagnant du sommet des dirigeants de l’OTAN, qui s’est achevé à La Haye, aux Pays-Bas, ce mercredi 25 juin. Bilan de ce nouveau rendez-vous international, selon le président américain ? Un « succès monumental pour les États-Unis ». Le tempétueux dirigeant a eu gain de cause : les pays membres de l’Alliance atlantique se sont engagés à investir davantage dans leur sécurité dans les années à venir. Jusque-là, « on dépensait bien plus que notre juste part », a répété Donald Trump mercredi, gonflé à bloc par « cette étape absolument historique ».
Dans le détail, les États réunis au sein de l’OTAN ont donc consenti à consacrer à horizon 2030 5% de leur produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de défense. Derrière ce chiffre, deux types d’investissements sont dissociés : 3,5% d’entre eux devront être destinés au militaire en tant que tel, les 1,5% restants à des dépenses connexes liées à la sécurité. Pour ce second volet, les puissances seront donc priées « de protéger leurs infrastructures critiques, de défendre leurs réseaux, d’assurer la préparation du secteur civil et la résilience, de libérer le potentiel d’innovation et de renforcer leur base industrielle de défense ».
L’Espagne s’oppose aux 5%, Trump veut lui « faire payer »
Atteindre ces montants, même en se fixant l’objectif d’une décennie pour y parvenir, relève d’un défi considérable pour nombre de puissances. « Il y a des États pour lesquels ça ne devrait pas poser de problème, comme la Pologne, d’autres qui ont probablement une certaine marge en la matière, comme les pays nordiques, et certains pour qui cela va être compliqué, tels que la France ou le Royaume-Uni », explique à Public Sénat Amélie Zima, responsable du Programme sécurité européenne et transatlantique à l’Institut français des relations internationales (IFRI). En 2024, la part consacrée à la défense par la France était de 2,7%.
Pour Paris, il s’agit donc de presque doubler le budget actuel consacré aux dépenses militaires par rapport à l’an dernier. En mars dernier, Emmanuel Macron avait lui-même appelé à en « faire plus » en matière de défense. De son côté, l’Union européenne a lancé un grand plan, intitulé ReArm Europe, pour améliorer les capacités militaires des 27, d’un montant de 800 milliards d’euros. Ces démarches paraissent cohérentes avec la volonté de montée en puissance au sein de l’OTAN.
Mais l’ampleur de l’effort demandé au terme de ce sommet questionne. « Ce sont là des promesses faites sous la pression du président Trump », résume Maud Quessard, maître de conférences et directrice du domaine « Europe, Espace Transatlantique, Russie » à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM). Certains États, comme la Belgique ou la Slovaquie, ont déjà fait part de leurs doutes quant à cette stratégie.
L’Espagne, elle, a obtenu du secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte la possibilité de déroger à cet objectif de 5%, jugé « déraisonnable » par le Premier ministre socialiste du pays, Pedro Sánchez. « Une fois qu’un pays a une exemption, d’autres peuvent la réclamer », souligne Amélie Zima. « Il n’y a pas de consensus. » Le président américain a d’ailleurs promis de « faire payer » le pays ibérique pour son opposition lors des négociations commerciales sur les droits de douane avec Washington.
Pour Trump, afficher une nouvelle victoire
Preuve d’une certaine prudence malgré tout de mise derrière les discours victorieux de Donald Trump, les Alliés ont prévu un mécanisme de révision des objectifs annoncés en 2029 « à la lumière de l’évolution du contexte stratégique et du réexamen des objectifs capacitaires ». Dans certains États, à l’équilibre budgétaire déjà précaire, la hausse des dépenses militaires pourrait être laborieuse à mettre en œuvre. « Quand un politique devra faire un arbitrage entre des investissements dans le système hospitalier ou dans la défense, ça va être compliqué », illustre Amélie Zima.
Peu importe pour Donald Trump, ravi de pouvoir mettre en avant devant ses partisans une nouvelle démonstration de force à l’international, quelques jours après les frappes américaines sur trois sites du programme nucléaire iranien. Durant sa campagne pour un second mandat à la Maison-Blanche, le milliardaire avait accusé les partenaires des États-Unis au sein de l’OTAN d’être des « mauvais payeurs » par rapport aux investissements de Washington. En février, son vice-président J.D. Vance avait également appelé les Européens à « renforcer » ses capacités de défense.
Avant de prendre part au sommet de La Haye, le dirigeant américain avait encore affiché sa méfiance à l’égard de l’Alliance atlantique. Devant des journalistes, Donald Trump avait paru remettre en cause l’article 5 du traité de fondation de l’OTAN. Celui-ci prévoit qu’« une attaque armée contre l’une ou plusieurs [des membres] survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties ». Or, pour Donald Trump, cette disposition pouvait « s’interpréter de plusieurs façons ». Dans la déclaration commune de fin de sommet, les dirigeants ont finalement réaffirmé leur « engagement inébranlable » envers ce principe.
Proximité surjouée
Révolutionnaire, cette réunion de l’OTAN ? Outre la question des 5% du PIB pour la sécurité, ses conclusions ont été cette année d’une rare pauvreté. Dans le communiqué des chefs d’État et de gouvernement, « il n’y a rien sur les questions cyber, sur le changement climatique, rien sur l’espace… », pointe Amélie Zima. Le document final du sommet de La Haye comprend en 2025 seulement 5 paragraphes, contre 38 après l’édition de 2024 à Washington et… 90 après celle de Vilnius, en 2023. « On voit que la mise en scène et la communication politique ont éclipsé les préoccupations très immédiates et opérationnelles de l’Alliance », poursuit Maud Quessard.
Ne surtout pas froisser Donald Trump : le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, s’est lui-même livré à un surprenant échange de politesses avec le président américain durant l’ensemble des deux jours de sommet. Un exercice qui avait débuté avant même le début de l’événement. « L’Europe va payer un prix ÉNORME » pour financer sa défense « comme elle le devait » et « ce sera votre victoire », lui avait-il déclaré dans un SMS, révélé dans une capture d’écran publiée par Donald Trump lui-même. Surjouant en permanence sa proximité avec le milliardaire, l’ex-Premier ministre néerlandais a même été jusqu’à le surnommer « Papa » après que celui-ci a comparé Israël et l’Iran à « deux enfants dans la cour de récréation ».
La stratégie est sans doute destinée à limiter le désengagement américain du continent européen. Mais ces louanges sont-elles efficaces pour obtenir des concessions de la part de Washington ? Sur le dossier ukrainien, les discussions semblent plutôt avoir abouti à un certain nombre de reculs. En 2023, à la fin de leur rencontre annuelle, les dirigeants de l’OTAN promettaient d’« aider » l’Ukraine à « avancer sur le chemin de sa future adhésion ». Un an plus tard, « la trajectoire irréversible de l’intégration » du pays à l’organisation était toujours évoquée. Cette année, seul « un soutien dans la durée » à Kiev est mentionné, sans aucune évocation d’une éventuelle adhésion du pays.
Certes, Donald Trump et Volodymyr Zelensky ont de nouveau échangé en face à face à La Haye, mais pour le pays en guerre contre les troupes du Kremlin, « ce sommet n’est pas un bon signal », pointe Amélie Zima. « Intégrer l’Ukraine dans l’OTAN aurait été un signe provocateur à l’égard de l’allié américain », abonde Maud Quessard, tandis que les relations entre Kiev et Washington ont été mouvementées depuis le début de l’année. Décidément d’humeur enjouée, Donald Trump, lui, a simplement souligné une « bonne » entrevue avec son homologue ukrainien.