Comment avez-vous réagi lorsque vous avez compris que Boualem Sansal ne serait pas gracié ?
Nous avons commencé à voir une certaine expérience depuis les sept mois d’incarcération de Boualem Sansal. Nous avons toujours été prudents lorsque l’on nous laissait entendre qu’une libération était imminente. Nos sources sur place se montrent très réservées par rapport aux annonces successives du gouvernement algérien. Donc nous ne sommes pas véritablement surpris, mais nous voulions tout de même y croire. La prudence et la circonspection sont de mises dans ce dossier étant donné que nous n’avons aucune confiance dans nos interlocuteurs de l’autre côté de la Méditerranée.
Pourquoi le pouvoir algérien n’a-t-il pas voulu libérer Boualem Sansal ?
Il faut bien avoir en tête que le pouvoir algérien n’est pas homogène et donc une partie du pouvoir algérien n’est pas favorable à une libération immédiate. Cela étant, il y a sans doute plusieurs raisons qui ont poussé à cette décision. En faisant cela, l’Algérie reste maîtresse du calendrier, elle impose son tempo et cherche à peser sur la France. On sent une volonté de maximiser le profit que constitue l’emprisonnement de Boualem Sansal.
Plusieurs sources laissent entendre que le président Tebboune pourrait accorder une grâce individuelle à l’écrivain. Qu’en pensez-vous ?
Comme je vous le disais précédemment, j’ai appris à ne plus beaucoup croire aux informations algériennes. De plus, que veut dire une grâce ? Qu’est-ce que cela englobe ? Est-ce une assignation à résidence ? Auquel cas ce n’est pas une grâce. Avec le comité de soutien, nous avons toujours réclamé une libération immédiate et sans conditions. Une libération assortie d’une ISTN (interdiction de quitter le territoire national) n’est pas satisfaisante. Cela l’empêcherait de s’exprimer et sa sécurité ne serait pas garantie. D’autant que cette « libération » conduirait possiblement à une démobilisation des pouvoirs publics dans le dossier. C’est absolument capital.
Cela fait maintenant plus de sept mois que Boualem Sansal est incarcéré en Algérie. Quelles ont été selon vous les erreurs commises dans les négociations ?
Il faut juste rappeler les faits de base qui sont que c’est l’Algérie qui a arrêté puis incarcéré l’écrivain. La France n’est en rien responsable. Ensuite sur la méthode qui consiste à agir en discrétion et en retenue, on a toujours eu quelques doutes. La preuve avec Christophe Gleizes (journaliste sportif détenu en Algérie depuis mai 2024 et condamné à sept ans de prison), le silence n’est pas une stratégie payante.
Que reste-t-il comme moyen de pression ?
Il y a encore plusieurs outils qui peuvent peser dans la libération comme l’octroi de visas par la France à l’Algérie. L’Union européenne a également un rôle à jouer notamment en suspendant son accord d’association avec l’Algérie. Il faut faire pression pour que cet accord ne soit pas renégocié. Nous avons demandé aux autorités européennes de faire le nécessaire, mais Madame Kaja Kallas (vice-présidente de la Commission européenne) ne daigne pas nous répondre. Une plainte a été déposée auprès de la médiatrice de l’Union européenne pour inaction. Il faut user de tous les moyens pour faire pression sur les autorités algériennes. Les nombreuses mobilisations qui ont eu lieu en France et en Europe ont énormément surpris le pouvoir algérien. Ils ne s’attendaient pas à un tel soutien comme nous l’ont communiqué plusieurs sources sur place. Ceux qui connaissent le régime algérien savent que le rapport de force est un outil dont nous ne pouvons pas nous priver.
L’affaire Sansal dépasse largement la simple incarcération de l’écrivain. Plus globalement, elle semble mettre en exergue les relations délétères entre les deux pays. Qu’en pensez-vous ?
L’incarcération de Boualem Sansal a parfaitement montré l’état déplorable des relations entre la France et l’Algérie. Elles n’ont cessé par la suite de se détériorer. Mais cette affaire montre également le peu de respect des droits fondamentaux dont fait preuve l’Algérie. Le régime algérien s’est durci ces dernières années. Aujourd’hui, ce sont plusieurs centaines de prisonniers politiques qui sont enfermés. Il faut se rendre à l’évidence, le cas de Boualem Sansal n’est pas isolé.