« Mon ministère est sans doute celui qui a le plus fortement contribué, en proportion de son poids dans le budget général de l’Etat, aux mesures envisagées pour le redressement des comptes publics de la France », reconnait de lui-même le ministre des Affaires étrangères, en ouverture de l’examen des crédits alloués à l’aide publique au développement (APD) au Sénat ce 16 janvier.
Devant les sénateurs, Jean-Noël Barrot devait initialement défendre l’adoption d’un budget de 4,5 milliards d’euros pour cette mission, qui englobe l’ensemble des dons et des prêts accordés par la France aux pays en voie de développement. Une diminution de près de 2 milliards d’euros par rapport à l’année 2024. Mais un amendement du gouvernement, modifié quelques heures avant son vote, est venu amputer le budget de l’APD de 780 millions d’euros supplémentaires, le portant à 3,8 milliards d’euros.
« L’effort demandé me semble disproportionné »
Face à ces coupes drastiques, qui représentent 35 % de l’enveloppe de l’APD, une large partie des sénateurs n’ont pas caché leur mécontentement. « L’effort demandé me semble disproportionné. Au-delà d’un coup de rabot, cette coupe traduit un réel renoncement à l’ambition affichée par la France. Une telle déstabilisation du volume des crédits de la mission ne sera pas sans conséquences », a alerté le co-rapporteur spécial de la commission des finances, le sénateur centriste Raphaël Daubet.
« Certes, le redressement budgétaire est une nécessité que nous partageons. Mais nous sommes cependant toujours convaincus de l’utilité de cette politique pour soutenir le développement des pays les plus déshérités. Elle est aussi dans notre intérêt, que ce soit en termes de sécurité, de lutte contre l’immigration incontrôlée, ou d’économie », abonde le sénateur Les Républicains Christian Cambon.
L’an passé, au début de l’examen du budget 2025, Jean-Noël Barrot avait déjà été amené à expliquer ces coupes budgétaires devant des sénateurs de la commission des affaires étrangères inquiets. Comme lors de son audition, le ministre a défendu ce budget « contraint », sans trop sembler lui-même y croire : « Il convient de rappeler que cette mission disposait de 2,6 milliards d’euros de crédits en 2017. Le recul est certain, mais il n’efface pas l’effort d’investissement conduit ces dernières années. »
À l’été 2021, le Parlement avait en effet adopté une loi de programmation visant à accroitre progressivement l’aide publique au développement, pour passer de 0,55 % du revenu national brut de la France en 2022 à 0,7 % en 2025. Alors que le calendrier de cette loi de programmation arrive à échéance, l’objectif n’est pas tenu : cette année, l’APD représentera 0,45 % du revenu national brut.
La gauche fulmine, plusieurs sénateurs de droite ne cachent pas leur malaise
Face à ce recul, la gauche sénatoriale fulmine. « C’est une décision irresponsable, populiste et absolument honteuse. Un tel renoncement aux objectifs de la loi de 2021 est d’autant plus surprenant que d’autres lois de programmation – la loi d’orientation du ministère de l’Intérieur, la loi de programmation militaire ou celle de la justice – sont préservées », fustige la sénatrice communiste Michelle Gréaume.
Si les crédits de la mission ont finalement été adoptés, en raison du vote favorable de la majorité sénatoriale, plusieurs élus de droite n’ont pas caché leur malaise. « Nous voterons cet amendement, mais à titre personnel je le ferai à contrecœur », s’est désolé le président de la commission des affaires étrangères Cédric Perrin, au moment de l’adoption de l’amendement du gouvernement entrainant une nouvelle coupe de 780 millions d’euros dans le budget de l’APD. Au contraire, d’autres jugent l’effort justifié. « Dans un contexte budgétaire dégradé, il n’est en rien illégitime de s’interroger sur le volume et la qualité de notre dépense publique », assume le sénateur centriste Michel Canévet, co-rapporteur spécial de la commission des finances.
Seule évolution votée par le Sénat pour modifier la répartition des crédits proposée par le gouvernement : le « fonds de solidarité pour le développement », volet de l’APD qui sert à financer les pays en développement, est crédité de plus d’un milliard d’euros supplémentaires, prélevés sur d’autres volets de la mission. Ce fonds est principalement financé par la taxe sur les transactions financières, que les sénateurs avaient choisi de passer de 0,3 à 0,4 % au mois de décembre dernier, lors de l’examen du volet recettes du budget.