Le style tonitruant de Donald Trump de retour sur la scène internationale. Même pas encore investi, le président élu américain a lancé une série de menaces vis-à-vis de plusieurs pays, mardi, lors d’une prise de parole fracassante devant des journalistes dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride. Avant Noël, le milliardaire avait déjà explicitement demandé à ce que le Panama cède aux États-Unis le contrôle de son canal, comme ce fut le cas jusqu’en 1999. Une position réitérée ce mardi.
Autre cible de Donald Trump : le Groenland. Ce territoire autonome danois était aussi dans son viseur lors de son premier mandat à la Maison-Blanche. Le Danemark devrait « renoncer » à la souveraineté de cette zone, a-t-il de nouveau enjoint mardi. Selon lui, faire passer la région sous contrôle américain serait « une nécessité absolue » pour « la sécurité nationale » américaine. De quoi susciter l’ire de Copenhague : « Le Groenland est aux Groenlandais », a ainsi rappelé la Première ministre danoise Mette Frederiksen.
Perspective de guerre commerciale
Donald Trump compte-t-il vraiment mettre en œuvre ses déclarations ? Ce dernier a été questionné sur la garantie qu’il n’utiliserait pas la force armée au Groenland et au Panama. « Je ne peux pas vous l’assurer, sur aucun des deux [cas] », a répondu l’homme d’affaires. Cette nouvelle sortie intervient après plusieurs semaines de propos chocs exprimés à l’encontre du Canada, dont Trump avait émis le projet mi-décembre d’en faire « le 51ᵉ État » américain. « Jamais, au grand jamais, le Canada ne fera partie des États-Unis » lui a opposé mardi le Premier ministre canadien Justin Trudeau – qui a par ailleurs annoncé sa démission un peu plus tôt dans la semaine.
Après sa première élection en 2016, le républicain avait déjà habitué les diplomates de la planète à ce genre de velléités inquiétantes, sans pour autant faire suivre ses propos des faits. Pour Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines et spécialiste des États-Unis, « il ne faut pas prendre au mot Donald Trump, mais il faut le prendre au sérieux ». Autrement dit : ce que déclare le prochain président américain « n’a pas vocation à être réalisé », mais ses formules provocantes ne sont pas non plus lancées au hasard.
D’après cet expert, interrogé par Public Sénat, Donald Trump tente une fois encore de se montrer puissant en instaurant un important rapport de force avec ses partenaires internationaux. « Sur le style, c’est trumpien, c’est une forme publique de diplomatie, c’est tapageur, c’est tout sauf classique… C’est aussi ce qui fait sa marque de fabrique », analyse ainsi Lauric Henneton. Sans déroger à sa vision historique de l’America first, ces nouvelles saillies semblent avant tout décidées à des fins économiques.
Les attaques verbales de Donald Trump contre ces différents pays vont de pair avec la volonté du businessman d’enclencher une bataille commerciale vis-à-vis de ses principaux rivaux économiques, à commencer par la Chine. Un des enjeux à ce niveau est de contenir le déficit commercial américain, qui s’est creusé durant les derniers mois de l’administration Biden. Il a atteint 78,25 milliards de dollars en novembre, après une pointe à 84,4 milliards en septembre. Après son élection début novembre, Donald Trump avait ainsi promis une hausse de 10 % des taxes pour l’ensemble des produits chinois importés aux États-Unis.
Le cas du Groenland est également emblématique de la compétition stratégique et géopolitique menée face à la Chine. Cette région arctique demeure en effet riche en terres rares. Ces minerais sont indispensables à la fabrication de nombreux biens technologiques, dont les batteries électriques. Or, aujourd’hui, Pékin reste le principal extracteur de ces métaux précieux (60 % du total mondial).
Menace douanière plus que militaire
Si l’intervention militaire semble bel et bien irréaliste, la pression économique exercée par rapport aux différents États cités apparaît, elle, comme une menace crédible. « Donald Trump sait qu’il a une capacité à bloquer les échanges, car les autres puissances exportent beaucoup vers les États-Unis. Pour lui, c’est à la fois une force et une faiblesse », résume Lauric Henneton. En tout cas, « il peut brandir la menace de barrières douanières dont personne ne veut ».
Par exemple, en ce qui concerne le Canada – un voisin qu’il juge « subventionné » par la puissance américaine pour sa protection – le futur dirigeant a annoncé qu’il comptait faire grimper de 25 % les droits de douane sur les importations canadiennes. « C’est une forme de coercition. Il veut obtenir un meilleur « deal » avec le Canada, il veut changer les paramètres », décrypte Lauric Henneton. Lesquels ? Le milliardaire n’a pour le moment pas apporté de précisions en la matière.
À quelques jours de sa prise de fonction officielle, prévue le 20 janvier, Donald Trump donne donc des gages à son électorat sur la façon dont il conduira sa politique étrangère dans les prochaines années. Une « diplomatie active, menée en parallèle » des prérogatives de l’équipe de Joe Biden, a déjà été mise en place par le camp trumpiste depuis début novembre, rappelle Lauric Henneton.
La mise en scène de ces nouveaux rapports de force, de nature « presque cartoonesque » selon l’universitaire, a même conduit à des annonces tendant encore davantage vers le farfelu. C’est ainsi que Donald Trump a indiqué mardi, au cours de la même conférence de presse, sa volonté de renommer le golfe du Mexique en… golfe de l’Amérique.