Paris: Debat reforme des retraites au Senat

CETA : les sénateurs socialistes confirment qu’ils rejetteront le traité ce jeudi dans l’hémicycle

La France sera-t-elle le deuxième pays européen après Chypre, à rejeter le CETA ? En tout cas, c’est bien le chemin qui se dessine, à quelques heures seulement du vote crucial qui va s’ouvrir ce jeudi 21 mars au Sénat. Entré en vigueur de manière provisoire en 2017, il est sujet à de nombreuses controverses, ses détracteurs dénonçant son non-respect des accords climatiques de Paris, la primauté qu’il accorde au droit commercial sur le droit environnemental (critiques de la gauche) ou encore les nombreuses dérogations attribuées à la filière agricole canadienne, faisant peser un risque, notamment sur le secteur bovin (critiques de droite).
Alexis Graillot

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Sans surprise, le groupe socialiste a annoncé, ce mercredi 20 mars, en conférence de presse, qu’il voterait en faveur de la suppression de l’article 1 du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada, inscrit à l’ordre du jour du Sénat ce jeudi, via la niche parlementaire du groupe communiste, vidant par-delà même le texte de sa substance. Raison principale invoquée par le groupe ? « Le renoncement à nos ambitions environnementales et de la lutte contre le dérèglement climatique ».

Normes environnementales et services publics menacés

Les sénateurs socialistes ont d’abord alerté sur un traité qui accorde une « primauté au droit commercial sur le droit environnemental » : « Quand on regarde le bilan des échanges, sur les 20 premières activités bénéficiant de cet accord, toutes sont liées à des industries fortement émettrices de GES et particulièrement consommatrices d’énergies fossiles », alerte Didier Marie, sénateur socialiste de Seine-Maritime.

 Le bilan de cet accord est clairement négatif en termes environnementaux, car les normes existantes au Canada sont souvent moins disantes que les normes européennes 

Didier Marie, sénateur PS de Seine-Maritime

Un cadre très problématique dans le contexte du dérèglement climatique, que l’élu normand ne manque pas de souligner, lorsqu’il évalue son bilan, sept ans après son entrée en vigueur provisoire, rappelant que les normes européennes en matière d’environnement sont largement plus contraignantes que celles contenues dans la législation canadienne : « Le bilan de cet accord est clairement négatif en termes environnementaux, car les normes existantes au Canada sont souvent moins distantes que les normes européennes ». A ce titre, il prend pour exemple le cas d’un perturbateur endocrinien, autorisé au Canada pour traiter les lentilles, alors que celui-ci est interdit sur le vieux continent. De cette manière, le PS demande que l’accord de Paris soit « opposable aux parties » du CETA, en d’autres termes, qu’il revête un caractère contraignant. « Dans ce traité, rien n’est opposable, mais tout est contestable », tance Didier Marie.

Une capacité de pression plus grande pour les entreprises

L’élu normand a également dénoncé dans son intervention, la mise en place d’un tribunal d’arbitrage ad hoc que « seuls les investisseurs pourraient saisir dès lors que leurs intérêts sont mis en cause ». Une absurdité pour les socialistes, pour qui « nos tribunaux nationaux peuvent tout à fait gérer les conflits ». En outre, le sénateur de Seine-Maritime estime qu’un tel tribunal ferait « pression sur la réglementation de nos Etats » et « porterait atteinte à la souveraineté ». Pour autant, la Cour de justice de l’UE, avait jugé, dans un arrêt du 30 avril 2019, « qu’aucune incompatibilité n’existe entre ce tribunal et le droit européen ».

De la même manière, le traité prévoit la mise en place d’un « forum réglementaire », qui permettait aux entreprises canadiennes de « peser sur les normes européennes ». « Ce forum doit être supprimé ! », demande les socialistes.

Gouvernement et LR égratignés

Le premier groupe d’opposition s’en est enfin pris à la posture du gouvernement après « 10 ans de négociation, 7 ans de mise en œuvre provisoire, et 5 ans d’attente de la navette parlementaire ». Un dernier délai qui ne passe pas chez les élus : « Malgré des appels réitérés, le projet de loi n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour », regrette, amer, Didier Marie. « Nous aurions voulu que le gouvernement respecte ces engagements avec un examen approfondi », précise-t-il, déplorant que le texte ne fasse pas l’objet d’un « vrai débat », celui-ci étant débattu à l’occasion de la niche parlementaire communiste.

S’en prenant ensuite aux élus LR, il critique leur position vis-à-vis du traité (alors que le groupe majoritaire de droite au Sénat s’apprête lui aussi à voter la suppression de l’article 1), dans un contexte de crise agricole. « Nous sommes contre que les entreprises attaquent un État qui imposerait des normes environnementales plus restrictives. Eux le font pour des raisons électorales », dénonce l’élu normand, qu’il accuse d’être « focalisés sur la question agricole et l’élevage bovin », alors que ce ne sont « pas les seules menaces ».

Mais alors, le vote changerait-il bien quelque chose ? Sur ce point, le pessimisme semble plutôt de mise chez les élus socialistes : « Si le gouvernement respectait le Parlement, il devrait permettre la poursuite de la navette parlementaire en l’inscrivant à l’Assemblée, mais il est peu probable qu’ils le fassent ». D’autant plus que comme le précise Didier Maire, « le gouvernement garde la main car même si le CETA était repoussé par le gouvernement, il devrait le notifier à la Commission européenne » … une notification que le gouvernement chypriote s’était refusé à faire en dépit du rejet du traité au sein du Parlement national. Reste que le rejet d’un pays comme la France sonnerait comme un camouflet pour les partisans du traité. De là à ce que le gouvernement revoit sa copie ? Réponse dans les prochaines semaines, avec un amorcement demain.

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