Chercheurs américains en Europe : « Une vaste comédie », selon cette eurodéputée insoumise  

L’Union européenne débloque 500 millions d’euros pour attirer les chercheurs américains maltraités par Donald Trump. Mais cette enveloppe est-elle suffisante ? L’Union a-t-elle les moyens d’accueillir des chercheurs américains alors que sa propre recherche manque de financements ? On en débat cette semaine dans l’émission Ici l’Europe, sur France 24, LCP et Public Sénat.
Alexandre Poussart

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

« Recherche chercheurs américains désespérément. » Voici une formule qui pourrait résumer la stratégie de l’Union européenne alors que les scientifiques américains font les frais des attaques de Donald Trump contre la recherche. Face aux coupes budgétaires, notamment dans la recherche médicale, et aux interdictions de traiter de sujets contraires à l’idéologie de la droite ultraconservatrice américaine, de nombreux chercheurs américains sont prêts à quitter leur pays.   

500 millions d’euros entre 2025 et 2027 

Dans ce contexte, pour attirer les cerveaux américains de l’autre côté de l’Atlantique, l’Union européenne a débloqué 500 millions d’euros pour les deux prochaines années, dans le cadre de son plan « Choose Europe for Science », leur promettant des incitations financières, des contrats de recherche plus longs et une totale liberté académique. A cela s’ajoutent 100 millions d’euros, annoncés par Emmanuel Macron pour attirer ces scientifiques sur le sol français.   

Cette fuite des cerveaux américains, « c’est une énorme opportunité pour l’Europe », commente l’eurodéputé belge Wouter Beke, membre du groupe du PPE (Parti populaire européen), interrogé dans l’émission Ici l’Europe, sur France 24, LCP et Public Sénat. « Dans le rapport de Mario Draghi pour relancer la compétitivité de l’Union européenne, l’un des points cruciaux est la recherche et l’innovation. » 

A l’opposé, pour l’eurodéputé insoumise Marina Mesure, membre du groupe La Gauche au Parlement européen, ce plan porté par la Commission européenne, « est une vaste comédie. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron font ces annonces, mais ils oublient de dire que dans certains pays il y a des coupes budgétaires pour la recherche. Ces deux dernières années, le budget de la recherche en France a diminué d’1,5 milliard d’euros. Nous sommes dans un moment austéritaire où on demande des efforts à notre recherche alors que nos concurrents chinois et américains investissent des milliards dans ce domaine. » 

L’Union européenne et la recherche : 100 milliards d’euros sur 7 ans 

Même si la recherche est un poste budgétaire important de l’Union européenne, avec 100 milliards d’euros sur 7 ans, l’écart est conséquent avec le budget fédéral américain pour la recherche qui s’élève à plus de 130 milliards de dollars par an. Il sera d’autant plus difficile d’attirer les chercheurs américains qui sont en moyenne quatre fois mieux payés que leurs homologues en Espagne et en France. 

Pour rattraper son retard avec les autres grandes puissances, l’Union européenne s’est fixée pour objectif de consacrer à la recherche dans les prochaines années 3% de son PIB (pour 2,3% actuellement). « Il faut financer la recherche mais aussi les starts ups », note Wouter Beke. « Cela ne suffit pas de créer des laboratoires de recherche il faut savoir commercialiser les résultats de cette recherche. »   

Alors comment trouver de nouveaux financements pour la recherche et l’innovation ? « En taxant les géants du numérique sur les profits qu’ils réalisent sur notre sol », répond l’eurodéputé insoumise. « On peut aussi taxer les revenus de la propriété intellectuelle, tous les logiciels et les brevets qui sont protégés. »   

La liberté scientifique au cœur de la culture européenne 

Mais pour Wouter Beke, au-delà de la question des moyens et des revenus, ce qui va attirer les scientifiques en Europe, « c’est un état d’esprit favorable à la recherche scientifique. Cette culture européenne de la vérité scientifique va suffire à les faire venir. La situation est comparable à celle des années 1930 quand de nombreux scientifiques européens, confrontés au fascisme et au nazisme, ont émigré aux Etats-Unis. Résultat : dans les 1960, l’Amérique a eu une croissance économique très forte grâce aux cerveaux qu’elle avait attirés. » 

Mais selon Marina Mesure, la liberté académique en Europe « pourrait bientôt elle aussi être remise en cause alors qu’il y a de plus en plus de gouvernements d’extrême droite au sein de l’Union. » 

Partager cet article

Dans la même thématique

Royal Salute France State visit Windsor
7min

International

Visite d’Emmanuel Macron au Royaume-Uni : le contexte géopolitique prime sur les tensions passées

Cela faisait plus de 17 ans qu’un président français n’avait pas foulé le sol britannique à l’occasion d’un voyage d’Etat. Ce mardi, Emmanuel Macron est arrivé au Royaume-Uni pour une durée de trois jours. Au programme : sécurité, énergie, mais également intelligence artificielle. Dans un contexte géopolitique incertain, ce voyage souligne avant tout le rapprochement entre le Royaume et l’Union européenne (UE) après de fortes tensions liées au Brexit.

Le

Grand Prix du Roman de l’Academie Francaise
4min

International

Boualem Sansal : « Il faut user de tous les moyens pour faire pression sur les autorités algériennes »

Les espoirs de libération ont été balayés. La grâce présidentielle du président Abdelmadjid Tebboune, prononcée le 5 juillet, n’a pas inclus l’écrivain Boualem Sansal, incarcéré depuis plus de sept mois par le régime algérien pour des propos relatifs aux frontières historiques de l’Algérie. Après une nouvelle condamnation en appel à cinq ans de prison ferme, les chances de libération sont minces. Pour Arnaud Benedetti, co-fondateur du comité de soutien de Boualem Sansal, seul le « rapport de force » entre les deux pays peut permettre d’infléchir la position algérienne. Il appelle la France à se saisir de tous les outils dont elle dispose. Entretien.

Le

Chercheurs américains en Europe : « Une vaste comédie », selon cette eurodéputée insoumise  
5min

International

Brexit : « Aujourd'hui, 62% voteraient non », rappelle cet ancien eurodéputé britannique

Avant qu’Emmanuel Macron effectue une visite d’État au Royaume-Uni, du 8 au 10 juillet, retour sur le rapprochement entre l’Union européenne et le gouvernement britannique travailliste, sur le plan sécuritaire et commercial, 5 ans après le divorce historique du Brexit. C’est le sujet de la semaine dans l’émission Ici l’Europe, sur France 24, LCP et Public Sénat.

Le