Taiwan China

Chine/ Taiwan : « Ce sont des gesticulations militaires destinées à envoyer des signaux et faire pression sur la population taïwanaise » 

Ce lundi, la Chine a mené une vaste opération militaire autour de l’île de Taiwan qu’elle considère comme appartenant à son territoire. Une réponse aux discours indépendantistes du Président taïwanais et un coup de pression pour Taipei et ses alliés.
Henri Clavier

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Le ministère de la défense taïwanais a annoncé avoir détecté 125 avions près de l’île dans le cadre de la manœuvre militaire lancée par Pékin, un « record pour une seule journée ». Si les manœuvres et pressions militaires sont fréquentes de la part de la Chine à l’encontre de Taiwan, l’intensité des actions est inédite. Jeudi 26 septembre, 72 avions et 8 navires avaient déjà été détectés autour du territoire taïwanais où les incursions sont quasiment quotidiennes. Face à cette menace, le gouvernement a décrété l’état « d’alerte renforcée » dans les îles périphériques, qui sont les plus proches des côtes chinoises. Dossier sensible dans les relations internationales, la volonté de la Chine de réaffirmer sa souveraineté sur Taiwan est un sujet de tensions majeures avec les Etats-Unis, principal soutien de l’île notamment en matière militaire.  

Depuis 1949, la République populaire de Chine veut récupérer sa souveraineté sur l’archipel de Taiwan où les opposants à Mao Zedong se sont retranchés durant la guerre civile. Au-delà de l’intérêt que représente la conquête de Taiwan du point de vue de la propagande chinoise, l’annexion de l’île revêt également des enjeux géostratégiques majeurs. Notamment en termes de présence militaire dans la zone indopacifique, mais aussi pour contrôler l’industrie des semi-conducteurs dont Taiwan assure plus de 60 % de la production mondiale.  

L’intensification des exercices fait donc craindre le pire et les principaux alliés de Taiwan ont rapidement réaffirmé leur soutien plaidant pour un retour au calme. « Le monde entier a tout intérêt à maintenir la paix et la stabilité, à préserver le statu quo, à éviter tout type de conflit susceptible de perturber des éléments essentiels à l’économie mondiale », a affirmé Antony Blinken, vendredi 11 octobre. Ce lundi, la porte-parole de l’Union européenne pour l’Asie a « appelé toutes les parties à faire preuve de retenue ».  

Un exercice militaire à l’intensité inédite  

Si l’armée chinoise a annoncé que l’opération « Joint-Sword 2024B », la deuxième après une opération du même type en mai dernier et la quatrième depuis deux ans, était terminée, l’état-major chinois a toutefois indiqué qu’il ne renoncerait « jamais » à la possibilité d’un « recours à la force » pour annexer Taiwan. Pékin a également détaillé le contenu des exercices expliquant qu’ils impliquaient des « patrouilles de préparation au combat mer-air, le blocus de ports et zones clés » ou encore « l’assaut de cibles maritimes et terrestres » afin de « tester pleinement les capacités d’opérations conjointes intégrées de ses troupes ».  

« L’armée chinoise a besoin de s’entraîner, une opération de cette ampleur est compliquée à monter. C’est une opération complexe sur le plan de la coordination des moyens maritimes et aériens, la Chine cherche à affirmer l’aspect dissuasif et maintenir la pression sur le détroit », estime le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire de la délégation française aux Nations unies. Si certains analystes américains affirment qu’une invasion de Taiwan pourrait se produire d’ici 2027, les exercices militaires organisés par Pékin visent avant tout à mettre la pression sur Taipei et ses alliés. « Je dis depuis le début qu’il n’y aura pas d’opération, le détroit fait 150 km, il n’y a pas de plage, ce sont des falaises donc pas il n’y a pas vraiment de débarquement possible, je crois davantage à un étouffement », considère le général Dominique Trinquand. « Ce sont des gesticulations militaires destinées à envoyer des signaux et faire pression sur la population taïwanaise », souligne Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). « Moins elle en aura les moyens et plus l’armée chinoise essayera de faire des démonstrations de force », continue l’universitaire. Un étouffement qui passerait principalement par la multiplication des manœuvres d’encerclement et des attaques cyber au gré des prises de position de l’exécutif Taïwanais qui affirme de plus en plus son opposition au pouvoir de Pékin.  

Une réponse aux déclarations du président taïwanais  

En effet, l’intensification des opérations chinoises répond directement aux prises de position de l’exécutif taiwanais. En mai, l’opération « Joint-Sword 2024A », avait été déclenchée en réaction à l’investiture du nouveau président Taïwanais, Lai Ching-te. Les nouveaux exercices ont été qualifiés par Pékin de « sérieux avertissements » face aux « actions séparatistes des forces de l’indépendance de Taïwan ». En marge de la fête nationale de l’île, Lai Ching-te a assuré, le 10 octobre, qu’il ferait tout pour « résister à l’annexion » et à « l’empiètement de (sa) souveraineté ». « Les manœuvres s’intensifient depuis l’élection présidentielle, c’est un moyen de faire pression sur la population taïwanaise », note Dominique Trinquand. « La Chine déploie une stratégie d’intimidation avec des manœuvres régulières pour manifester son mécontentement, suite aux déclarations du président taiwanais », confirme Valérie Niquet. Depuis 2016, Taiwan est dirigé par un président issu du Parti démocrate progressiste, farouchement opposé à Pékin. Malgré ces pressions, la Chine pâtit toujours d’une image dégradée auprès de l’opinion publique taïwanaise. « Une grande majorité des taiwanais est opposée à la Chine et malgré les menaces de Pékin ont quand même réélu un président indépendantiste en janvier », explique Valérie Niquet.  

Faire pression sur les Etats-Unis ? 

A travers ces manœuvres, Pékin cherche aussi à faire douter les soutiens de Taipei, notamment les Etats-Unis. « Ces exercices agissent comme un avertissement pour dire que soutenir Taiwan revient à s’exposer, prendre le risque d’un conflit à grande échelle », souligne Valérie Niquet. Pour la Chine, l’intérêt serait aussi d’influer sur le discours américain concernant la Chine et d’infléchir les positions les plus menaçantes à son égard. En 2024, les Etats-Unis ont apporté une aide militaire de 567 millions de dollars à Taipei, un budget en hausse de plus de 200 millions par rapport à l’année précédente. « En faisant planer ces menaces, la Chine pose la question de savoir si les Etats-Unis sont capables de s’impliquer dans un troisième conflit, ce n’est pas sûr du tout », s’interroge Dominique Trinquand. 

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