Europe Corruption Scandal

Comité d’éthique, encadrement des lobbys : les propositions du Sénat pour lutter contre la corruption dans l’Union européenne

La commission des affaires européennes du Sénat a voté une proposition de résolution européenne, invitant Bruxelles à mettre en place des mesures plus ambitieuses en matière de lutte contre la corruption. Les sénateurs demandent notamment la création d’un comité d’éthique indépendant, chargé de recueillir les déclarations d’intérêt et de patrimoine des agents publics européens.
Rose-Amélie Bécel

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Le 9 décembre 2022, deux médias belges révélaient une large affaire de corruption : le Qatargate. À l’occasion de 16 perquisitions, la police fédérale belge saisit 1,5 million d’euros auprès de plusieurs eurodéputés et assistants parlementaires, des fonds reçus du Maroc et du Qatar pour orienter certaines décisions européennes en leur faveur.

Une déflagration à Bruxelles, qui entreprend depuis de mener une stratégie européenne de lutte contre la corruption. En mai dernier, la Commission européenne présentait une directive relative à la lutte contre la corruption, un mois plus tard elle affirmait sa volonté de créer un organisme éthique européen, et en décembre elle proposait dans une nouvelle directive de mieux encadrer les activités de lobbying.

Des initiatives, pour le moment pas entrées en vigueur, dont la commission des affaires européennes du Sénat s’est saisie en votant, le 15 février dernier, une proposition de résolution européenne relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. À l’issue d’une dizaine d’auditions de plusieurs acteurs européens, le texte des sénateurs vise à combler les lacunes des initiatives européennes.

Face à la « vision minimaliste » de Bruxelles, le Sénat défend la création d’un comité d’éthique européen « indépendant »

Proposition phare de la commission des affaires européennes : la création d’un comité d’éthique européen « crédible et indépendant », aux prérogatives plus larges que celui que souhaite mettre en place Bruxelles. Ce comité « devrait avoir la faculté de s’auto-saisir d’une difficulté éthique et d’enquêter », précise le rapport des sénateurs, « en vue de formuler des avis et des recommandations publiques ». Il devrait, par ailleurs, « se voir confier la tâche de rassembler, de tenir à la disposition du public et de contrôler les déclarations d’intérêt et, lorsqu’elles existent, de patrimoine ».

La commission des affaires européennes alerte aussi sur le manque d’indépendance du dispositif aujourd’hui souhaité par Bruxelles, qui serait placé sous la tutelle de la Commission européenne. « Force est de constater qu’en proposant de doter cet organisme d’un budget de 600 000 euros et de deux emplois à plein temps, la Commission européenne assume sa vision minimaliste du rôle de ce comité », déplorent les sénateurs.

Pour assurer son indépendance de la Commission, le texte du Sénat propose donc que ce comité d’éthique se compose de cinq membres permanents, des experts indépendants, exerçant pour une durée de cinq ans.

Une directive sur les lobbys aux effets contreproductifs pour la France

Deuxième point d’alerte de la commission des affaires européennes : les lacunes dans le contrôle des lobbyistes. « L’une des plus grandes menaces qui pèse sur le Parlement européen en matière de corruption, ce sont les influences exercées par des représentants d’intérêt au moment des votes des eurodéputés », explique Claude Kern, sénateur centriste co-auteur de la proposition de résolution européenne.

Bruxelles a déjà pour projet, dans le cadre d’une nouvelle directive proposée en décembre dernier, de « mieux encadrer l’activité des représentants d’intérêts travaillant pour le compte de pays tiers ». La Commission européenne souhaite obliger l’enregistrement des lobbys travaillant pour des acteurs non-européens dans un registre unique et accessible à tous. Une proposition déjà critiquée pour son manque d’ambition par Transparency International, dans un communiqué publié dès le mois de décembre. « En se concentrant uniquement sur les représentants d’intérêts qui reçoivent certains types de financement provenant de l’étranger, cette directive ne prendra pas en compte les menaces internes d’influence indue, facilitera un contournement plus facile des règles par les acteurs malveillants et permettra de récolter une quantité très limitée de données », déplore l’ONG.

Pour la commission des affaires européennes, ce registre commun, qui nécessite une harmonisation des règles d’encadrement des lobbys au niveau européen, pose également un risque d’ « uniformisation par le bas ». Une mauvaise nouvelle pour la France, déjà avancée en matière de lutte anti-corruption, puisque cette directive « interdira aux Etats membres les plus avancés de maintenir des dispositions nationales plus strictes », estime le rapport des sénateurs.

En attendant l’adoption de réformes ambitieuses, la corruption continue de « gangréner » les institutions européennes, déplore Claude Kern. Selon le rapport de la commission des affaires européennes, « le coût annuel de la corruption pour les économies de l’Union européenne est évalué à 120 milliards d’euros, selon une estimation de la Commission européenne, qu’elle qualifie elle-même de prudente ».

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