Réarmer l’Europe. C’est l’ambition et l’objectif du plan, présenté mardi par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Un plan qui vise à mobiliser 800 milliards d’euros pour la défense, au moment où les Etats-Unis de Donald Trump prennent leur distance et se rapproche de la Russie de Vladimir Poutine. Un projet que la Commission propose aux chefs des Etats de l’Union européenne. A eux de l’entériner, d’en arrêter les détails. Cet ambitieux programme est au menu du Conseil européen, qui réunit les 27 ce jeudi, à Bruxelles.
« L’heure est au réarmement »
« L’Europe fait face à un danger clair et immédiat d’une ampleur qu’aucun d’entre nous n’a connue dans sa vie d’adulte », a affirmé Ursula von der Leyen dans une lettre adressée aux dirigeants des 27, qui présente ce plan en cinq volets, destinés à renforcer la défense européenne. « L’heure est au réarmement », a-t-elle encore lancé mardi, dans une déclaration. Une volonté de se renforcer sur le plan militaire que porte Emmanuel Macron. « Depuis trois ans, les Russes dépensent 10 % de leur PIB dans la défense. On doit donc préparer la suite », a affirmé le chef de l’Etat français au Figaro, le 2 mars, « en fixant un objectif autour de 3/3,5 % du PIB ». La France dépense aujourd’hui 2,1 % de son PIB dans le budget de la défense.
Comment financer un tel effort ? Principalement en lâchant la bride budgétaire. « Les États membres sont prêts à investir davantage dans leur propre sécurité s’ils disposent d’une marge de manœuvre budgétaire. Et nous devons les mettre en mesure de le faire » a expliqué Ursula von der Leyen (à gauche sur la photo, aux côtés de l’ex-premier ministre portugais, Antonio Costa, président du Conseil européen, et du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ce jeudi, à Bruxelles, pour le Conseil européen). « C’est pourquoi nous allons proposer prochainement d’activer la clause dérogatoire nationale du pacte de stabilité et de croissance. Cela permettra aux Etats membres d’augmenter sensiblement leurs dépenses de défense sans déclencher la procédure de déficit excessif », a annoncé la responsable de la commission. Et d’ajouter que « par exemple, si les Etats membres augmentaient leurs dépenses de défense à hauteur de 1,5 % du PIB en moyenne, cela permettrait de créer une marge de manœuvre budgétaire de près de 650 milliards d’euros sur quatre ans ».
Une clause dérogatoire déjà enclenchée lors de la pandémie de covid-19
La clause dérogatoire permet aux Etats membres de sortir temporairement des clous de l’orthodoxie budgétaire, sans rentrer dans une procédure pour déficit excessif. Elle autorise les Etats membres à dépasser leurs plafonds en matière de déficit et de dette, le temps de faire face à des dépenses exceptionnelles. Elle a été mise en œuvre en 2020, lors de la pandémie de covid-19, puis prolongée en 2022 et jusqu’en 2024, en raison de la guerre en Ukraine. Cette fois, la clause serait enclenchée pour financer l’effort important que les Européens veulent faire pour augmenter leurs budgets militaires, ou plutôt rattraper leur retard.
Il ne s’agit donc pas de sortir, de manière durable, toutes les dépenses en matière de défense de la règle de la limitation du déficit budgétaire à 3 % du PIB, comme le demandent certains. Et donc de changer les règles du pacte de stabilité et de croissance. Mais dans les faits, cela revient un peu à cela, en ne tenant pas compte des dépenses militaires dans le calcul du déficit, mais uniquement de manière conjoncturelle. Concrètement, les 27 pourront consacrer 1,5 % supplémentaire de leur PIB à des dépenses militaires, chaque année, pendant 4 ans, sans que cela soit comptabilisé dans le calcul de déficit excessif.
150 millions d’euros de prêt
L’autre outil que l’Europe entend mettre sur la table, est celui du prêt. « Il sera possible d’accorder 150 milliards d’euros de prêts aux États membres pour des investissements dans le domaine la défense », a expliqué Ursula von der Leyen.
« Le plan permettra aux Etats membres de mutualiser la demande et de procéder à des achats communs », avec un « système de passation conjointe de marchés, (qui) permettra également de diminuer les coûts, de réduire la fragmentation, d’accroître l’interopérabilité et de renforcer notre base industrielle de défense », explique-t-elle. « L’enjeu porte sur des domaines capacitaires paneuropéens tels que la défense aérienne et antimissile, les systèmes d’artillerie, les missiles, les drones à munitions et les systèmes anti-drone », détaille la présidente de la Commission européenne. De quoi aussi aider, vite et concrètement, l’Ukraine sur le plan militaire.
Ainsi, entre les 600 millions d’euros de nouvelles dépenses et les 150 millions d’euros de prêts, l’Europe pourrait arriver sur le papier à un total de 800 milliards d’euros de plus pour sa défense.
Les fonds en faveur des régions réorientés pour la défense
La responsable européenne met sur la table un troisième volet à son plan, avec des réorientations dans le budget européen. « Nous pouvons faire beaucoup de choses sur le court terme afin d’orienter davantage de fonds vers les investissements liés à la défense », explique Urusla von der Leyen. « La révision à mi-mandat des programmes de la politique de cohésion constitue une opportunité », écrit-elle également dans sa lettre aux dirigeants européens. Les Etats membres pourront ainsi « utiliser les programmes de la politique de cohésion pour augmenter les dépenses en matière de défense ». Autrement dit, moins d’argent pour les régions en difficulté, pour en donner plus aux armées. Une décision qui pourrait faire débat… Mais le choix reviendra aux Etats membres. Emmanuel Macron, lui, y est favorable. Dans son entretien au Figaro, le chef de l’Etat soulignait qu’« il y a les fonds de cohésion structurels et des fonds de programmes existants qui ne sont pas utilisés ».
Urusla von der Leyen avance un quatrième volet, en mettant à contribution la Banque européenne d’investissement. Cette banque n’est pour le moment pas autorisée à financer des projets directement liés au secteur de la défense. Enfin, la Commission européenne veut davantage mobiliser le secteur privé pour le financement de la défense en Europe.