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Conflit Israël-Iran : quelles sont les capacités militaires des deux pays ?

Après l’attaque d’Israël, dans la nuit de jeudi à vendredi, l’Iran a répliqué par une salve de drones et de missiles pour tenter de percer les défenses antiaériennes. Les échanges de tirs ont causé la mort de plus de 250 personnes. Pour le chercheur Etienne Marcuz, spécialiste de l’armement, les deux pays vont chercher à « s’épuiser » via des stratégies militaires divergentes, mais à tous points de vue, dévastatrices.
Marius Texier

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« Ils ont lancé une guerre, nous ne leur permettrons pas de sortir indemnes du crime majeur qu’ils ont commis », a assuré l’ayatollah Khamenei, le guide suprême de l’Iran après les attaques d’Israël sur son pays. Et la réponse n’a pas tardé. Dès les premières attaques reçues sur son sol, l’Iran a répliqué en envoyant une centaine de drones vers l’Etat hébreu et plusieurs missiles. Si les drones se sont heurtés aux défenses antiaériennes, certains missiles balistiques ont quant à eux réussi à atteindre le sol israélien, selon des objectifs bien précis. « Ils ont cherché à défaire les défenses de batteries israéliennes », juge Etienne Marcuz, chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) et spécialiste de l’armement stratégique. « Les attaques suivent une stratégie cohérente ».

3 000 missiles balistiques

Pour tenter d’atteindre Israël, l’Iran n’a pas d’autres solutions que de déjouer son système de défense antiaérien. Pour ce faire, elle dispose d’un important arsenal, le plus grand du Moyen Orient, de missiles balistiques. Selon plusieurs sources de renseignement, l’Iran compterait environ 3 000 missiles balistiques dont 1 500 de moyenne portée, capables d’atteindre Israël. Ces missiles, les plus sophistiqués du marché, consiste à être propulsés via des roquettes pour ensuite retomber sur la cible en suivant une trajectoire de chute libre. Si la trajectoire peut être facilement calculée par les batteries antimissiles, il est beaucoup plus difficile de les intercepter lorsque le missile dispose d’un système de guidage. La plupart des missiles iraniens sont dotés de ce dispositif.

L’Iran a affirmé avoir utilisé contre Israël le missile hypersonique Fattah-1. Selon plusieurs experts interrogés par CNN, ce missile est doté d’une ogive manœuvrable qui lui permet de déjouer les défenses antimissiles en ajustant sa trajectoire de vol.

« Si l’Iran arrive à stopper les défenses antiaériennes d’Israël, alors les drones pourront faire très mal »

D’autant que les missiles balistiques ne composent pas l’ensemble de l’arsenal iranien. En effet, le pays est à la pointe dans la fabrication de drones. Nettement moins coûteux (environ 20 000 dollars) qu’un missile (plusieurs millions de dollars), le drone peut provoquer des dégâts importants lorsqu’il atteint sa cible. Le Shahed 136, de fabrication iranienne, est utilisé par la Russie dans le conflit qui l’oppose à l’Ukraine. « Si l’Iran arrive à stopper les défenses antiaériennes israéliennes, alors les drones pourront faire très mal », prévient Etienne Marcuz. « Mais le système de défense antiaérien d’Israël est tellement performant que l’Iran doit le détruire en intégralité ».

L’arsenal militaire de l’Iran s’est toujours constitué en fonction d’un conflit avec son ennemi israélien, en se dotant d’une force militaire capable de rivaliser. Pour tenter de percer les défenses israéliennes, l’Iran parie sur l’envoi simultané de plusieurs missiles en espérant que l’un d’eux pénètre le territoire israélien. « Nous assistons désormais à un jeu morbide qui consiste à s’épuiser mutuellement ».

« Cela n’est pas viable sur la durée »

Pour Israël, sa capacité d’attaque repose essentiellement sur son aviation avec une flotte de plus de 400 avions. C’est le seul pays du Moyen Orient à avoir des avions de cinquième génération. Ces attaques venues de l’air sont d’une efficacité redoutable. Celles survenues dans la nuit de jeudi à vendredi, ont montré la capacité de l’Etat hébreu à frapper, de manière très précise, des cibles comme des membres importants de l’armée iranienne ou des chercheurs dans le domaine du nucléaire. Israël a annoncé aujourd’hui avoir détruit près du tiers des lanceurs de missiles sur le territoire iranien. Etienne Marcuz émet des doutes sur ce chiffre annoncé : « Ces actions vont lui permettre de tenir plusieurs semaines, mais son armée de l’air est relativement petite. Cela n’est pas viable sur la durée ». Pour le chercheur, Israël va chercher au plus vite le soutien américain dans ce conflit. Le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, cherche depuis quelques jours à faire entrer le président américain dans le conflit.

Un système de défense particulièrement efficace

Malgré tout, la principale force d’Israël repose avant tout sur sa capacité à se protéger. L’ensemble du territoire est protégé par des dispositifs de défense antimissiles (à ne pas confondre avec le dôme de fer qui protège uniquement le pays des attaques de roquettes notamment employées par le Hamas). Le système de défense Arrow 3, produit conjointement avec les Etats-Unis, permet de protéger l’intégralité du territoire. L’Arrow 2 quant à lui offre une protection sur une zone plus restreinte. Enfin, le système Patriot, est utilisé pour protéger un quartier. Dans certaines vidéos, on peut voir des systèmes Patriot être déployés directement au sein des grandes villes du pays.

Le mois dernier, le ministre de la Défense iranienne a dévoilé le missile balistique Qassem Basir, capable d’échapper aux systèmes de défense aérienne comme le Patriot.

« La conception de l’arme nucléaire ne devrait prendre que quelques mois »

Mais ce qui inquiète tout particulièrement le pouvoir israélien, c’est la capacité de l’Iran à développer l’arme nucléaire. C’est cette justification qu’elle a brandie lors de son attaque préventive. « L’Iran est à un état de seuil sur le nucléaire », juge Etienne Marcuz. « Toutes les technologies sont là pour développer l’arme si une décision est prise ». En effet, l’uranium enrichi de l’Iran a atteint les 60 %, proche du seuil fatidique des 90 % qui permet de confectionner l’arme nucléaire. Contacté par Public Sénat, le spécialiste de l’Iran, Bernard Hourcade ne voit qu’un seul objectif avec ce niveau d’enrichissement : « Faire une arme nucléaire ». Etienne Marcuz abonde dans le même sens : « L’Iran veut sanctuariser son territoire et les évènements récents vont donner raison à la frange dure qui souhaite développer l’arme ». Selon le chercheur, qui cite les renseignements occidentaux, la conception de l’arme, dès lors qu’elle sera décidée, ne devrait prendre que quelques mois.

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