« Quand vous perdez un tiers de vos ressources, je crois que l’on peut parler de crise. » Le constat est sans appel pour Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement (AFD), qui rappelle que sur les 220 milliards d’aide publique au développement investis dans le monde chaque année, 60 milliards pourraient disparaître cette année, dont 40 dus au retrait des Etats-Unis.
« C’est la première fois qu’une baisse de cette ampleur a lieu sans grande crise macroéconomique. C’est donc qu’on est sans doute sur quelque chose de plus structurel », analyse le haut fonctionnaire, qui identifie « un trouble assez profond dans la coopération internationale. »
Le retrait d’un acteur comme les Etats-Unis redéfinit tout l’écosystème mondial de l’aide au développement, puisque les Américains financent 40 % de l’aide humanitaire et étaient notamment très actifs dans le domaine de la santé. « Le retrait américain affaiblit notre système de santé mondial. On l’a vu avec le Covid, avoir un maillon faible dans ce système met en péril l’ensemble du monde et notre propre sécurité sanitaire », développe Rémy Rioux.
« L’AFD c’est 0,2 % du budget de l’Etat pour 8 % de l’effort budgétaire en 2025 »
À l’échelle française aussi, la voilure a été largement réduite dans le dernier projet de loi de finances. « La politique de développement a été l’une des plus fortement mises à contribution. On a réduit notre poids budgétaire de 50 % en passant de 3 milliards à 1,5 milliard : l’AFD c’est 0,2 % du budget de l’Etat pour 8 % de l’effort budgétaire en 2025 », détaille le directeur général de l’AFD.
L’agence pourra-t-elle soutenir d’éventuelles nouvelles coupes budgétaires en 2026 ? « Il appartient aux autorités politiques de calibrer l’effort », répond sobrement le haut fonctionnaire. Sur le fond, l’AFD peut maintenir son action avec moins de moyens, mais ne pourra pas financer le même type de projets, explique Rémy Rioux : « Dans certains pays vous avez besoin de subventions, mais dans des pays plus riches, ils peuvent avoir accès à des prêts et des investissements. En fait, moins vous avez de budget, moins vous allez vers les pays les plus pauvres. Le risque de cet effort budgétaire, c’est que nous allions moins dans les pays les plus vulnérables. Si on n’a moins de budget, on fera plus du climat et de la réduction de CO2 dans des pays qui polluent beaucoup que de l’humanitaire, de l’éducation et de la santé dans des pays très pauvres. »