Défense européenne : « Il faut s’engager sur le chemin de l’unification continentale », estime Sandro Gozi (Renew)

Invité de notre matinale, l’eurodéputé Renew a défendu un « changement de logiciel » européen sur les questions de défense et de politique étrangère pour exister entre les sphères d’influence des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie. Une intégration européenne plus poussée qui pourrait aller jusqu’à « l’unification continentale. »
Louis Mollier-Sabet

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Après l’épisode du bureau ovale ce week-end et la suspension de l’aide américaine à l’Ukraine, Volodymyr Zelensky a finalement proposé mardi soir une trêve avec la Russie dans les airs et en mer pour entamer des discussions sur une « paix durable » sous le « leadership » de Donald Trump. Proche de Vladimir Poutine, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko a proposé d’accueillir ces pourparlers à Minsk. « C’est très inquiétant, estime Sandro Gozi, eurodéputé Renew, pas parce qu’il a parlé de paix, mais parce qu’il n’y a aucune indication que ce soit une paix durable. Nous voulons aussi la paix, mais pas une paix qui encourage Poutine à réessayer avec un autre Etat européen dans cinq ou six ans. Or, des services de renseignement nous indiquent que ce risque est bien réel. »

« L’Union européenne peut leur tenir tête, mais elle doit entamer un changement qu’elle retarde depuis vingt ans »

Sur le fond, l’eurodéputé concède que « la pression doit être énorme » sur Volodymyr Zelensky, et précise que – des échos qui lui sont parvenus – l’accord sur la table ne serait pas l’accord proposé par Trump sur les minerais, mais « le projet de mémorandum discuté entre Zelensky et Biden qui parlerait simplement d’intérêts économiques américains. » « Il faudra voir le détail » conclut Sandro Gozi.

En tout état de cause, cet épisode met en lumière « une convergence d’intérêts entre Trump et Poutine », d’après l’eurodéputé Renew, qui développe : « Ils ne veulent tous les deux pas d’une Union européenne qui devienne une puissance, parce que ce serait le seul obstacle à leur impérialisme. » Face à aux, « l’Union européenne peut leur tenir tête, mais elle doit entamer un changement qu’elle retarde depuis vingt ans », analyse Sandro Gozi.

« L’Union européenne n’a pas de logiciel de politique étrangère et de défense. Elle n’a pas de ressources, elle n’a pas assez de méthodes de travail en commun dans ce domaine et une gouvernance avec le véto qui rend cela impossible. Ce sont des choses que l’on dit depuis vingt ans, le Président de la République le dit depuis le premier discours de la Sorbonne », poursuit-il.

« Il va falloir rapidement se libérer du véto sur la politique étrangère »

À cet égard, le plan à 800 milliards présenté par Ursula von der Leyen (voir notre article) représente un « premier pas », mais pose plusieurs difficultés d’après l’eurodéputé. Premièrement sur l’aspect financier, seuls 150 milliards sont des financements proprement européens (le reste correspond à l’augmentation d’investissement dans la défense anticipée grâce à l’assouplissement des contraintes budgétaires européennes sur les dépenses de défense). « Il faut aussi dépenser en Européens et encourager pas 27 dépenses nationales et le chacun pour soi », alerte Sandro Gozi.

L’Europe doit par ailleurs « prendre acte qu’il faut passer à une autre dimension de notre intégration », ajoute l’eurodéputé, qui développe : « Notre position c’est d’encourager des dépenses venant de fonds européens pour la défense. C’est bien de faire davantage au niveau national, mais ce n’est pas la réponse définitive, il faut commencer à travailler en Européens. Il faut aller dans cette direction de marchés publics européens et de garantie d’achat européenne. »

Cette question de la défense européenne pose pour l’eurodéputé Renew une problématique plus fondamentale, celle de la réforme des traités européens : « Il va falloir rapidement se libérer du véto sur la politique étrangère, on ne peut pas être bloqué par le chantage d’Orbán. Nos traités nous donnent déjà la possibilité d’avancer sur la défense par groupes de pays, il faut créer ce noyau dur européen, probablement autour de la France, l’Allemagne et la Pologne, et travailler avec les Britanniques pour construire une architecture de sécurité européenne. On peut créer des avant-gardes dans le cadre des traités actuels, mais vu les changements du monde, le retour de la guerre sur le continent européen… Si on s’engage sur l’unification continentale, cela ne peut pas se faire dans les traités. Il faut rentrer dans le XXIe siècle. »

Les Vingt-Sept discuteront du plan d’Ursula von der Leyen et des problématiques liées à la défense européenne jeudi 6 mars lors d’un sommet extraordinaire à Bruxelles.

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Défense européenne : « Il faut s’engager sur le chemin de l’unification continentale », estime Sandro Gozi (Renew)
4min

International

Chercheurs américains en Europe : « Une vaste comédie », selon cette eurodéputée insoumise  

L’Union européenne débloque 500 millions d’euros pour attirer les chercheurs américains maltraités par Donald Trump. Mais cette enveloppe est-elle suffisante ? L’Union a-t-elle les moyens d’accueillir des chercheurs américains alors que sa propre recherche manque de financements ? On en débat cette semaine dans l’émission Ici l’Europe, sur France 24, LCP et Public Sénat.

Le

Frappes israéliennes en Iran : un revers pour la diplomatie de Trump ?
7min

International

Frappes israéliennes en Iran : un revers pour la diplomatie de Trump ?

Les bombardements israéliens sur une série de sites iraniens durant la nuit écoulée viennent questionner l’état de la relation entre Washington et l’État hébreu, qui ont connu une série de hauts et de bas lors des derniers mois. Ce vendredi, Donald Trump a choisi de mettre la pression sur Téhéran.

Le

Pakistan Iran Mideast Wars
5min

International

Frappes israéliennes : « Israël veut replacer l’Iran comme l’ennemi principal de la région »

Cette nuit, Israël a frappé à de nombreuses reprises des sites nucléaires et des dirigeants de l'armée iranienne en justifiant une « menace nucléaire ». L’Iran a riposté avec une centaine de drones lancés vers le territoire israélien. Les attaques se sont poursuivies dans la journée. Pour Bernard Hourcade, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste de l’Iran, la justification d’Israël n’est qu’une « façade » et vise à occulter la question palestinienne. Selon lui, cette série d'attaques va renforcer l’isolement d’Israël. Entretien.

Le

Iran nuclear water reactor of Arak
6min

International

Attaques d'Israël contre l'Iran : ce que l'on sait du programme nucléaire de Téhéran

Israël a invoqué la menace nucléaire pour justifier une série d’importants bombardements sur le sol iranien. Accusée de ne plus respecter depuis plusieurs années l’accord conclu en 2015 sur ses capacités nucléaires, Téhéran disposerait désormais du matériel nécessaire à la construction d’une bombe, selon des conclusions de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Le