Défense européenne : « Il faut s’engager sur le chemin de l’unification continentale », estime Sandro Gozi (Renew)

Invité de notre matinale, l’eurodéputé Renew a défendu un « changement de logiciel » européen sur les questions de défense et de politique étrangère pour exister entre les sphères d’influence des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie. Une intégration européenne plus poussée qui pourrait aller jusqu’à « l’unification continentale. »
Louis Mollier-Sabet

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Après l’épisode du bureau ovale ce week-end et la suspension de l’aide américaine à l’Ukraine, Volodymyr Zelensky a finalement proposé mardi soir une trêve avec la Russie dans les airs et en mer pour entamer des discussions sur une « paix durable » sous le « leadership » de Donald Trump. Proche de Vladimir Poutine, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko a proposé d’accueillir ces pourparlers à Minsk. « C’est très inquiétant, estime Sandro Gozi, eurodéputé Renew, pas parce qu’il a parlé de paix, mais parce qu’il n’y a aucune indication que ce soit une paix durable. Nous voulons aussi la paix, mais pas une paix qui encourage Poutine à réessayer avec un autre Etat européen dans cinq ou six ans. Or, des services de renseignement nous indiquent que ce risque est bien réel. »

« L’Union européenne peut leur tenir tête, mais elle doit entamer un changement qu’elle retarde depuis vingt ans »

Sur le fond, l’eurodéputé concède que « la pression doit être énorme » sur Volodymyr Zelensky, et précise que – des échos qui lui sont parvenus – l’accord sur la table ne serait pas l’accord proposé par Trump sur les minerais, mais « le projet de mémorandum discuté entre Zelensky et Biden qui parlerait simplement d’intérêts économiques américains. » « Il faudra voir le détail » conclut Sandro Gozi.

En tout état de cause, cet épisode met en lumière « une convergence d’intérêts entre Trump et Poutine », d’après l’eurodéputé Renew, qui développe : « Ils ne veulent tous les deux pas d’une Union européenne qui devienne une puissance, parce que ce serait le seul obstacle à leur impérialisme. » Face à aux, « l’Union européenne peut leur tenir tête, mais elle doit entamer un changement qu’elle retarde depuis vingt ans », analyse Sandro Gozi.

« L’Union européenne n’a pas de logiciel de politique étrangère et de défense. Elle n’a pas de ressources, elle n’a pas assez de méthodes de travail en commun dans ce domaine et une gouvernance avec le véto qui rend cela impossible. Ce sont des choses que l’on dit depuis vingt ans, le Président de la République le dit depuis le premier discours de la Sorbonne », poursuit-il.

« Il va falloir rapidement se libérer du véto sur la politique étrangère »

À cet égard, le plan à 800 milliards présenté par Ursula von der Leyen (voir notre article) représente un « premier pas », mais pose plusieurs difficultés d’après l’eurodéputé. Premièrement sur l’aspect financier, seuls 150 milliards sont des financements proprement européens (le reste correspond à l’augmentation d’investissement dans la défense anticipée grâce à l’assouplissement des contraintes budgétaires européennes sur les dépenses de défense). « Il faut aussi dépenser en Européens et encourager pas 27 dépenses nationales et le chacun pour soi », alerte Sandro Gozi.

L’Europe doit par ailleurs « prendre acte qu’il faut passer à une autre dimension de notre intégration », ajoute l’eurodéputé, qui développe : « Notre position c’est d’encourager des dépenses venant de fonds européens pour la défense. C’est bien de faire davantage au niveau national, mais ce n’est pas la réponse définitive, il faut commencer à travailler en Européens. Il faut aller dans cette direction de marchés publics européens et de garantie d’achat européenne. »

Cette question de la défense européenne pose pour l’eurodéputé Renew une problématique plus fondamentale, celle de la réforme des traités européens : « Il va falloir rapidement se libérer du véto sur la politique étrangère, on ne peut pas être bloqué par le chantage d’Orbán. Nos traités nous donnent déjà la possibilité d’avancer sur la défense par groupes de pays, il faut créer ce noyau dur européen, probablement autour de la France, l’Allemagne et la Pologne, et travailler avec les Britanniques pour construire une architecture de sécurité européenne. On peut créer des avant-gardes dans le cadre des traités actuels, mais vu les changements du monde, le retour de la guerre sur le continent européen… Si on s’engage sur l’unification continentale, cela ne peut pas se faire dans les traités. Il faut rentrer dans le XXIe siècle. »

Les Vingt-Sept discuteront du plan d’Ursula von der Leyen et des problématiques liées à la défense européenne jeudi 6 mars lors d’un sommet extraordinaire à Bruxelles.

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