Une nouvelle étape dans l’Europe de la défense a été franchie. Ce 6 mars, les dirigeants des 27 Etats membres ont validé le plan de réarmement proposé par Ursula von der Leyen en début de semaine. Des investissements massifs, à hauteur de 800 milliards d’euros sur 5 ans, seront mobilisés pour renforcer l’industrie militaire européenne, face à la menace russe et au désengagement américain.
« Le seul service que M. Trump a rendu à l’Europe, c’est qu’il y a eu une prise de conscience notable. Tous les pays européens font preuve d’une forte volonté d’investir dans une défense européenne qui dépende moins des Etats-Unis », salue le sénateur Les Républicains Christian Cambon, ancien président de la commission des affaires étrangères de la chambre haute.
« C’est une première étape essentielle », souligne de son côté la députée écologiste Léa Balage El Mariky. « Mais il faut aussi avoir à cœur de bâtir notre souveraineté, notamment énergétique. Si on continue avec une main de réarmer l’Europe et de l’autre main de financer les Russes en important du gaz et de l’uranium, tous les efforts que nous faisons s’annulent », remarque-t-elle.
Dépenses militaires : la députée Léa Balage El Mariky en appelle « au patriotisme fiscal des plus riches »
Du côté européen, le plan d’investissement lancé par la Commission vient avec une série de mesures, permettant de déroger aux règles budgétaires habituellement imposées par Bruxelles. Le pacte de stabilité et de croissance qui impose un déficit inférieur à 3 % doit être assoupli, un nouvel instrument d’emprunt européen doit aussi être sollicité.
Dans son allocution du 5 mars, Emmanuel Macron a également annoncé une forte hausse des investissements nationaux en matière de défense, qui devront être financés sans augmenter les impôts. « Il doit y avoir une discussion sur la manière dont on finance cet effort. Il ne peut pas reposer sur les classes moyennes et populaires », estime Léa Balage El Mariky, qui en appelle « au patriotisme fiscal des plus riches ».
Faut-il faire contribuer les plus fortunés au réarmement de la France ? « Je ne suis pas fanatique des impôts nouveaux. Les forces armées représentent actuellement 2 % du budget, lorsque les dépenses sociales sont à 56 %. Il ne faut pas dire qu’en faisant un effort de défense on va remettre en cause le modèle social », relativise Christian Cambon. De son côté, le sénateur prône plutôt la mobilisation d’une partie de l’épargne des Français. Une mesure déjà adoptée par la chambre haute il y a un an, sur proposition du sénateur Les Républicains Pascal Allizard. Le texte du sénateur, proposant de mobiliser un maximum de 40 % de l’encours des livrets A et Développement durable et solidaire, n’est pour le moment pas à l’ordre du jour à l’Assemblée.
Saisie des avoirs russes : « On risque d’avoir un contre effet plus grave que l’agent qu’on peut en tirer », prévient Christian Cambon
Une fois un cessez-le-feu signé, la reconstruction de l’Ukraine demandera également d’importants financements européens, alors que les Etats-Unis ont suspendu toute aide à Kiev. Dans ce contexte, la piste de la mobilisation des avoirs russes aujourd’hui gelés dans les banques européennes revient sur la table. Dans une tribune publiée dans Libération ce 6 mars, 140 Prix Nobel appellent à utiliser ces fonds pour « indemniser les victimes et financer la réparation de l’Ukraine ».
« C’est une obligation morale », affirme Léa Balage El Mariky, « nous avons 200 milliards d’euros qui dorment dans les banques européennes et qui peuvent contribuer à la reconstruction de l’Ukraine ». « C’est la Russie qui a attaqué et qui a détruit, si un jour il y a des dommages de guerre c’est la Russie qui doit payer pour le mal qui a été fait », confirme Christian Cambon. Le sénateur se montre toutefois plus nuancé que sa collègue sur la question de la saisie des avoirs : « Beaucoup d’autres pays déposent de l’argent en Europe. Certains pourraient se dire que si jamais ils entrent en conflit commercial avec un pays européen, il y a un risque que des biens soient saisis. On risque d’avoir un contre effet plus grave que l’agent qu’on peut en tirer. »
« Quand on n’a pas une réponse extrêmement forte face à un agresseur qui a une vision impérialiste, quand on ne défend pas notre système démocratique, je crois que c’est là qu’on fragilise notre économie », soutient au contraire Léa Balage El Mariki. Si la piste de la mobilisation des avoirs russes est pour le moment écartée en France, la députée entend bien pousser le gouvernement à prendre position, avec le dépôt d’une proposition de résolution en ce sens à l’Assemblée.