Russia Ukraine War

Destruction du barrage ukrainien : « La Russie pratique la politique de la terre brulée »

Ce mardi, le barrage hydroélectrique de Kakhovka, situé à 80 kilomètres de la ville de Kherson, a été partiellement détruit. L’Ukraine dénonce un « crime de guerre » de l’armée russe. Pour le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, cette attaque montre que la Russie est aujourd’hui en « position défensive » dans le conflit en Ukraine. Entretien
Steve Jourdin

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Quelle est l’importance stratégique du barrage de Kakhovka ?

Il s’agit d’une infrastructure extrêmement importante sur le plan des ressources de la région. C’est ici que démarre le canal qui alimente la Crimée. Le barrage produit également beaucoup d’électricité et sert à réguler le Niepr. C’est dans cette retenue qu’est puisée l’eau utilisée pour refroidir la centrale nucléaire de Zaporijjia. Mais il faut préciser qu’il n’y a pas de risque pour les populations, car la centrale ne fonctionne plus. Ses réacteurs ont été déconnectés.

Quelles seront les conséquences militaires de sa destruction partielle ?

Toute la zone qui est à l’Est du Niepr va être inondée. La montée des eaux va avoir pour conséquence d’étendre le territoire impraticable pour l’armée ukrainienne. L’objectif de Moscou est de l’empêcher d’utiliser cette zone pour lancer la contre-offensive promise par Volodymyr Zelensky.

Mais cette contre-offensive a d’une certaine manière déjà commencé. Plusieurs actions ont été enclenchées : attaques dans la profondeur, attaques à but psychologique, attaques dans la région stratégique de Belgorod. On sait également que des opérations de reconnaissance sont actuellement organisées par les Ukrainiens. La vraie contre-offensive devrait débuter dans les quinze prochains jours.

La Russie accuse l’Ukraine d’avoir elle-même ciblé le barrage. On est dans une partie de poker menteur ?

Il ne fait pas de doute que Moscou est à l’origine de cette attaque. La destruction du barrage relève d’un dispositif de minage et non pas de tirs d’artillerie. Ces barrages ont une architecture très particulière, et les Russes ne l’ignorent pas. Ils avaient un intérêt à cibler cette infrastructure, afin de créer une zone sur leur flanc gauche et gagner ainsi un peu de temps face à l’armée ukrainienne.

L’Ukraine intensifie ses attaques en territoire russe. Trois incursions militaires ont été lancées en trois mois. Quel est l’objectif de ces initiatives ?

L’armée ukrainienne utilise l’opposition russe à Poutine pour mener ces attaques. Le but est de lancer des offensives là où la Russie ne s’attend pas à être attaquée. Il y a aussi une dimension psychologique très forte car Moscou n’imaginait pas être prise pour cible par des Russes. Cela participe à la déstabilisation du régime.

Il faut noter que l’opération armée des rebelles russes en cours depuis le 1 er juin dans la région de Belgorod est stratégiquement très importante. C’est en effet dans cette zone que se trouve le nœud stratégique de l’armée russe. Toute la logistique qui alimente Lougansk transite par là. L’approvisionnement russe en munition, en carburant et en personnel devrait être touché.

Certains groupes rebelles annoncent leur intention de « rester en Russie ». Cela vous paraît plausible ?

Ce n’est en tout cas pas la volonté des Ukrainiens eux-mêmes. Il s’agit de la position d’opposants russes qui veulent renverser Vladimir Poutine. Ces groupes ont la capacité de recruter dans la population russe. Mais le sujet est sensible d’un point de vue diplomatique pour l’Ukraine, et Kiev a tout intérêt à faire profil bas. Pour l’instant, la réaction du côté russe est plutôt minimale, car Vladimir Poutine sait qu’il est dans une position difficile. Il ne souhaite pas d’escalade. De manière générale, la Russie est aujourd’hui en position défensive dans le rapport de force avec l’Ukraine. La destruction du barrage de Kakhovka ce mardi l’illustre bien, il s’agit d’inonder ce qui ne peut pas être conquis. C’est une politique de la terre brûlée.

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