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Discours du 9 mai de Vladimir Poutine : « Un message de propagande »

Ce mardi 9 mai, comme chaque année, la Russie commémore la victoire de l’URSS contre l’Allemagne nazie. Dans son discours, Vladimir Poutine a estimé que le monde était à « un tournant » et a accusé les pays occidentaux d'orchestrer une « guerre » contre la Russie. Une allocution aux allures de « message de propagande » pour Julien Théron, politiste, enseignant à Science Po Paris et spécialiste des conflits. Entretien
Steve Jourdin

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Que retenez-vous du discours de Vladimir Poutine, qui a déclaré que « la civilisation est à nouveau à un tournant décisif » ?

La guerre en Ukraine n’est pas une guerre de civilisation. Il s’agit d’un conflit entre différentes conceptions de l’humanité, et sur le fait de savoir ce que les Etats peuvent faire de leur propre population et des populations allogènes. Vladimir Poutine a simplement délivré ce mardi un message de propagande.

Cette année, le défilé à Moscou était plus modeste que les années précédentes. Il ne comportait pas de parade aérienne, ni de chars. Des dizaines de villes ont quant à elles annulé les célébrations en raison de problèmes de sécurité. Un 9 mai inédit ?

Les multiples annulations de défilés peuvent s’expliquer de plusieurs manières. On ne peut pas nier que les attaques sur le territoire russe menées ces derniers jours aient joué un rôle. Mais il faut rappeler qu’aucune de ces attaques n’a visé des civils, il est donc incorrect de parler de terrorisme.

En réalité, ces annulations sont dues au fait que les soldats sont sur le front, et qu’il y a sans doute des manques au sein de l’armée russe. Par ailleurs, la suppression de la traditionnelle marche du « Régiment des Immortels » s’explique pour des raisons plus politiques. Il s’agit d’un défilé civil : les familles marchent avec le portrait de gens qu’ils ont perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Or, Vladimir Poutine a sans doute eu peur que certains fassent le parallèle entre les pertes actuelles en Ukraine et les évènements de 1939-45, et qu’ils défilent avec le portrait de soldats tombés au front ces derniers mois.

Cette cérémonie au rabais est-elle le signe d’un affaiblissement du régime de Vladimir Poutine ?

Clairement. Ce genre de grand-messe mémorielle constitue le cœur du poutinisme. Ce dernier s’appuie en effet sur un patriotisme un peu vague, qui a eu tendance ces dernières années à se changer en nationalisme. Or, la perturbation des cérémonies du 9 mai percute directement ce système idéologique. On se rend ainsi compte que le régime ne parvient plus à trouver les moyens pour justifier sa raison d’être. On est en pleine fuite en avant.

Est-ce que Vladimir Poutine bénéficie toujours du soutien de sa population ?

C’est impossible à savoir, car les médias ne peuvent pas travailler librement. Les manifestations libres sont également durement réprimées. Il faut néanmoins être prudent sur le rejet du poutinisme. On voit en effet que les populations qui ont fui la Russie ne manifestent que très peu une fois qu’elles sont à l’étranger, contrairement par exemple à la diaspora iranienne. Il ne faut pas confondre rejet de la guerre, rejet des pertes causées par la guerre et rejet du poutinisme : ce sont trois éléments très différents.

La Commission européenne a soumis vendredi aux Etats membres de l’UE un onzième paquet de sanctions contre la Russie, pour éviter le contournement des précédentes mesures restrictives. Est-ce vraiment efficace ?

Les sanctions n’ont jamais une efficacité directe, comme on a pu le voir pour Cuba ou l’Iran. En revanche, elles ont une efficacité indirecte, car elles limitent considérablement les capacités économiques et militaires de la Russie. In fine, elles ont un impact sur la conduite du régime de Vladimir Poutine.

Si l’on veut éviter que la Russie continue le grappillage territorial de l’Europe et la déstabilisation de nos démocraties, il faut continuer à sanctionner Moscou. Nous devons aussi nous interroger sur notre politique à l’égard de ceux qui rechignent à sanctionner, comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. En refusant d’appliquer des mesures restrictives, ces pays contribuent à neutraliser notre politique à l’égard de la Russie.

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