Donald Trump a-t-il manipulé les marchés, en encourageant à acheter des actions juste avant d’annoncer une suspension de 90 jours sur la hausse des droits de douane ? C’est en tout cas l’hypothèse de plusieurs élus démocrates, qui demandent au gendarme boursier américain d’enquêter sur un possible délit d’initié.
Sur son réseau Truth Social, quelques heures avant d’annoncer son retour en arrière et alors que les bourses étaient encore en chute libre, le président américain a en effet affirmé en lettres capitales « C’EST LE MOMENT IDEAL POUR ACHETER !!! ».
L’hypothèse du délit d’initié « possible », juge Frédéric Encel
« Je crois cette hypothèse [du délit d’initié] possible », observe le géopolitologue Frédéric Encel, sur le plateau de Public Sénat. « À partir du moment où il ne jure que par le mercantilisme absolu, pourquoi ne pas imaginer qu’il souhaiterait en faire « croquer » des amis ou des partenaires en interne ? », s’interroge-t-il.
Pour Frédéric Encel, au-delà de ces soupçons d’enrichissement personnel, les revirements de Donald Trump pourraient relever d’une forme de stratégie. « Donald Trump organise son imprévisibilité », explique-t-il, « à la fin de cette séquence un peu ubuesque, on risque d’en arriver à la situation suivante : nous ne serons presque tous en moyenne taxés « que » de 10, 15 ou 20 %, et on s’en contentera. C’est ça qui est terrible ! »
Dès l’annonce d’une hausse généralisée des droits de douane, le 2 avril, Donald Trump s’est vanté que « plus de 50 pays » aient manifesté leur souhait de négocier avec les Etats-Unis. « Dès les premières heures de cette annonce très dure, ils ont annoncé qu’ils souhaitaient négocier, ils ne se sont pas opposés frontalement à cette surtaxe », pointe Frédéric Encel.
Escalade commerciale avec la Chine : Donald Trump « s’inscrit dans le même registre » que les présidents précédents
La pause de 90 jours, ordonnée par le président américain ce 9 avril, ne concerne pas tous les pays du monde. Au même moment, Donald Trump a annoncé porter la hausse de droits de douane sur les produits venus de Chine de 34 % à 145 %. Depuis, la guerre commerciale entre les deux pays est en pleine escalade.
Pour Frédéric Encel, cette guerre commerciale répond elle aussi à une logique, cette fois-ci très ancrée dans la politique américaine depuis 20 ans. « Tous les présidents, démocrates comme républicains, qui se succèdent depuis George W. Bush au début des années 2000, ont en commun dans leur programme de percevoir la Chine comme un adversaire stratégique sur le plan politico-militaire et sur le plan économique », explique-t-il. En cause, selon le géopolitologue : le grand déficit commercial observé entre la Chine et les Etats-Unis. L’an passé, les exportations chinoises vers Washington ont encore augmenté de près de 4 % en volume.
Même si Donald Trump exprime son hostilité à l’égard de Pékin « avec beaucoup plus de brutalité, de virulence, de vulgarité » que ses prédécesseurs, son attitude à l’égard de la Chine n’a donc « rien de nouveau », estime Frédéric Encel. « Il s’inscrit dans le même registre » que les présidents précédents, affirme le géopolitologue. Ce 11 avril, l’escalade entre les deux pays a en tout cas franchi une nouvelle étape, avec l’annonce de Pékin d’une hausse de 125 % des taxes sur les produits américains.