Le commissaire européen à l’Economie Valdis Dombrovskis espère qu’un accord sera conclu au plus vite avec les Etats-Unis sur les droits de douane que souhaite imposer Donald Trump. « Plus vite nous parviendrons à un accord, mieux ce sera, car cela lèvera l’incertitude qui entoure ces questions tarifaires », a-t-il expliqué mardi 8 juillet devant la presse à Bruxelles.
L’Union européenne espère que les deux parties pourront s’entendre d’ici à mercredi bien que Washington ait repoussé leur mise en place effective des droits de douane au 1er août. Assen Slim, vice-président recherche à Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), professeur universités à l’INALCO et enseignant à l’ESSCA revient sur les enjeux de ces négociations.
Pourquoi les négociations sur les droits de douane entre l’Union européenne et les Etats-Unis peinent à aboutir ?
D’abord, il faut dire que ces négociations sont inédites du point de vue de l’histoire et du droit applicable. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous avons construit un cadre légal sur les droits de douane. Il y a d’abord eu les accords de Bretton Woods en 1944, le GATT (l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) en 1947 et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995. Au sein de l’OMC, il y a une cour de règlement des différends. Ça ne s’est jamais vu qu’un Etat au centre du système commercial augmente unilatéralement ses droits de douane pour les pays importés. Donc ce cadre est hyperstrict, mais il est complètement bafoué par les Etats-Unis. La méthode de Trump, c’est de tout balayer d’un revers de main.
La deuxième raison qui rend ces négociations laborieuses, c’est que lorsqu’on parle d’un accord commercial entre l’UE et les Etats-Unis, on parle de 30 % du commerce mondial soit 1680 milliards de dollars échangés en 2024 et ça représente 45 % du PIB mondial.
Enfin, la troisième raison, c’est l’absence d’une voix commune au sein l’Union européenne (UE). Ces négociations nous éprouvent dans la construction européenne parce que les 27 Etats membres ne veulent pas la même chose et que sans unanimité, la Commission européenne qui négocie avec les Etats-Unis, ne peut pas bouger.
Concernant les négociations entre la Commission européenne et les Etats-Unis, sur quels secteurs porte la discussion ?
Rappelons déjà que depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche, nous faisons face à une attaque frontale. Le président des Etats-Unis souhaite une augmentation de 25 % des droits de douane sur les voitures en provenance de l’UE, 50 % de droits de douane sur l’acier et l’aluminium et 10 % sur une large gamme de produits. Il laisse à l’UE trois mois pour négocier, en attendant les droits de douane ont été de 20 % et désormais ils sont de 10 % jusqu’au 1er août. Cela affecte plus certains Etats membres que d’autres, typiquement sur l’automobile, ça va toucher beaucoup l’Allemagne et l’Italie. Ces deux Etats constituent d’ailleurs un camp au sein des Etats Européens. D’un côté, vous avez leur position qui est de dire qu’ils souffrent trop de la situation et donc qu’ils sont prêts à trouver un accord asymétrique avec une négociation des droits de douane secteur par secteur sur le modèle de ce qui a été fait entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
De l’autre côté, on retrouve la France, le Portugal, la Suède et le Luxembourg pour qui il est hors de question qu’il y ait une asymétrie des droits de douane prélevés. Emmanuel Macron avait calculé que les Etats-Unis prélevaient 60 milliards d’euros de droits de douane et donc qu’il serait inadmissible que l’UE en prélève moins. Mais la France infléchit sa position et finit par dire qu’elle est prête à accepter des droits de douane asymétrique dans certains secteurs si ceux dans le secteur des vins et spiritueux et des cosmétiques sont supprimés.
Dans ces conditions, quel accord peut-il être conclu entre les Etats-Unis et l’Union européenne ?
Pour parvenir à un accord le moins asymétrique possible, il faudrait que les 27 Etats membres de l’UE parlent d’une même voix et que tout le monde résiste. Mais les Allemands et les Italiens sont trop exposés avec le secteur automobile donc ils n’accepteront jamais une négociation dure. Ils sont le maillon faible de la chaîne. Dans les arguments de négociations, les Américains ont aussi touché la France au cœur en parlant des vins et des spiritueux et on voit que là aussi notre discours change. Je pense que l’on va trouver un accord a minima et entériner l’asymétrie des droits de douane. A court terme, nous serons perdants et à long terme, nous ferons une entorse au droit commercial international. D’un point de vue économique, nous allons vers un monde désintégré tel qu’il a existé avant la Première Guerre mondiale. C’est-à-dire un monde où chaque Etat mettait en place les mesures douanières qu’il voulait. Avec Trump, nous sommes juste en train de détruire le cadre qui a été construit après la Seconde Guerre mondiale.
Est-ce qu’il y a une autre issue à cette désintégration économique dont vous parlez ?
Avec sa politique protectionniste, Donald Trump contrevient à plusieurs règles de l’OMC. Donc nous pourrions porter plainte contre ses pratiques et obtenir gain de cause. Cela permettrait d’imposer des mesures de rétorsions avec des droits de douane qui seraient légaux. L’Union européenne l’avait déjà fait en 2001 lorsque les 28 Etats membres (Le Royaume-Uni était encore membre de l’UE, ndlr) s’étaient tous mis d’accord comme un seul homme. Mais aujourd’hui, au vu des divisions au sein des Etats membres, c’est difficile à imaginer.