Protest in Berlin against election result in Georgia, Berlin, Berlin, Germany – 27 Oct 2024

Élections en Géorgie : « Le scrutin s’est déroulé de façon très éloignée des standards européens », témoigne le sénateur Pascal Allizard

Le sénateur Les Républicains a passé une semaine en Géorgie, où il était chargé de coordonner la mission des 500 observateurs internationaux dépêchés sur place. Alors que le parti au pouvoir est donné en tête, Pascal Allizard est formel : la campagne a été déséquilibrée et le scrutin entaché de pressions et tentatives d’achat de votes.
Rose-Amélie Bécel

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Ce samedi 26 octobre, les Géorgiens étaient appelés aux urnes pour des élections législatives, opposant le parti pro-russe au pouvoir Rêve géorgien à plusieurs mouvements d’opposition pro-européens. Un scrutin déterminant puisque, en plus de renouveler le Parlement du pays pour les quatre prochaines années, le président sera pour la première fois élu au suffrage indirect par les nouveaux députés le 17 novembre prochain.

Au lendemain du scrutin, la commission électorale centrale annonçait la victoire de Rêve géorgien, avec 54,08 % des voix, contre 37,58 % pour l’ensemble des partis d’opposition. Un résultat contesté dans le pays, notamment par sa présidente Salomé Zourabichvili qui salue de son côté la victoire de la « Géorgie européenne » et dénonce une « falsification totale des résultats », mais aussi par des manifestations de plusieurs dizaines de milliers de Géorgiens.

Qu’en pensent les observateurs internationaux ? Ils étaient 500 sur place, pour le compte de plusieurs organisations dont l’OTAN, le Parlement européen ou encore l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Dans un rapport, ils pointent des conditions de campagne très inégales entre les partis, ainsi que des pressions lors du scrutin. Explications avec le sénateur Les Républicains Pascal Allizard, qui coordonnait cette mission d’observation.

Pourriez-vous, tout d’abord, expliquer le rôle et l’importance des observateurs internationaux dans le cadre d’une élection comme celle de ce week-end ?

À l’échelle d’un pays comme la Géorgie, ce n’est pas anodin de dépêcher 500 observateurs sur place. Maintenant, il y a un enjeu particulier autour de cette élection, car la Géorgie n’est pas n’importe quel pays, il est candidat à l’entrée dans l’Union européenne. Dans ce cadre, il fallait donc être particulièrement vigilant au respect des standards de l’Union européenne dans ce scrutin.

Sur le terrain, notre rôle est d’être le témoin du déroulement du processus électoral. Les observateurs font leur mission sans a priori, nous ne sommes pas des procureurs et on ne commente pas non plus les résultats politiques des élections. Notre rôle est de commenter le processus.

Il faut aussi noter que chaque gouvernement a le droit d’accepter ou de refuser le déploiement de telles missions. En 2022, par exemple, la France a refusé les observateurs internationaux sur son territoire lors de l’élection présidentielle. De ce point de vue, il faut dire que le gouvernement géorgien a joué le jeu. J’ai été sur place pendant six jours, notamment pour assister à des réunions d’information en amont de l’élection, et nous avons eu accès à tout ce que nous avions demandé.

Dans leur rapport, les observateurs décrivent tout de même un contexte assez défavorable à la tenue d’un scrutin démocratique. Pouvez-vous revenir sur ce que vous avez constaté sur place, en amont des élections ?

Dans notre analyse de ces élections, nous avons en effet d’abord constaté un problème autour du financement de la campagne. Officiellement, aucun parti politique n’a dépassé les plafonds de dépense autorisés. Mais, dans les faits, entre les moyens du Rêve géorgien et les autres partis, nous avons pu constater un déséquilibre énorme. Dans la capitale Tbilissi, par exemple, nous avons pointé la présence flagrante de très grands panneaux en faveur du parti au pouvoir. Malgré cela, l’élection a tout de même été jugée compétitive, car 18 listes se présentaient. On est donc loin du parti unique.

Il y a aussi une seconde problématique autour des dispositions législatives prises par la majorité sortante. Il y a d’abord eu un changement de mode de scrutin, ce qui peut arriver dans n’importe quel pays, mais nous avons noté que les nouvelles règles en vigueur n’ont pas repris le principe de parité dans les listes électorales. D’autres dispositions ont dernièrement été prises par le parti au pouvoir, dans le cadre d’une loi sur la transparence et les ingérences étrangères, notamment critiquée pour ses atteintes à la liberté d’expression. Tout cela a d’ailleurs justifié, au printemps dernier, la suspension par Bruxelles du processus d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne.

Venons-en au jour du scrutin, ce samedi 26 octobre. Qu’avez-vous pu constater et qu’est-ce que les autres observateurs ont pu vous rapporter sur la situation dans les bureaux de vote ?

Notre principal constat, c’est que le scrutin s’est déroulé de façon très éloignée des standards européens. Sur le terrain, nous n’avons pas la compétence pour contrôler ce qu’il se passe à l’extérieur des bureaux de vote, mais la suspicion de pressions et d’achats de votes est réelle. Nous avons, par exemple, constaté un nombre significatif de personnes qui prennent en photo leur bulletin de vote avant de le déposer dans l’urne, certainement pour apporter le cliché comme preuve au responsable local d’un parti. C’est une pratique qui est évidemment interdite et inacceptable dans une démocratie.

Il y a un point positif à noter, tout de même, c’est la présence dans une grande partie des bureaux de machines pour le vote électronique. Nous avons aussi été surpris par la présence de caméras dans les bureaux, ce dont nous n’avions pas été mis au courant. Les autorités nous ont indiqué qu’elles avaient été installées pour lutter contre le double vote, en identifiant ceux qui tenteraient de voter à plusieurs reprises. Il y a donc des éléments de progrès, mais on reste très loin des standards européens et c’est assez gênant pour un pays candidat à l’entrée dans l’UE.

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