Santiago Abascal presents the candidate Juan Manuel Garc’a-Gallardo Frings, leader of Vox in Castilla y León in Burgos, Spain – 5 Feb 2022
Santiago Abascal speaks while gesturing with his hand during the mass rally at the Arco de Santa Mar’a. Santiago Abascal, president of VOX, organises a rally at the Arco de Santa Maria, Burgos, to present the candidate Juan Manuel Garc’a-Gallardo Frings, leader of Vox in Castilla y Le—n. - Jorge Contreras Soto / SOPA Images//SOPAIMAGES_sipa.0148/2204200829/Credit:SOPA Images/SIPA/2204200914

Elections espagnoles : « Le Parti populaire se retrouve piégé et est obligé d’accepter les thématiques portées par Vox »

Ce 23 juillet, les Espagnols devront voter pour élire le Parlement. Un scrutin décisif pour lequel le clivage droite-gauche revient en force. Après les élections régionales du 28 mai, le Parti Populaire et Vox confirment leur rapprochement et pourraient gouverner ensemble. Le Parti Populaire, parti conservateur s’est rapproché du parti d’extrême-droite Vox fondé en 2013. Explications des raisons de la montée de l’extrême-droite en Espagne par Maria Elisa Alonso, enseignante-chercheuse à l’Université de Lorraine et spécialiste des partis politiques espagnols.
Henri Clavier

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Quelle est la nature de la coalition entre le Parti Populaire et Vox ?

Historiquement il y a une forte opposition entre le Parti Populaire (PP) et Vox car les deux partis ont un électorat qui peut se rejoindre et le leader de Vox, Santiago Abascal est un ancien du PP. Le Parti Populaire est un parti de droite classique, conservateur tandis que Vox est un parti jeune qui n’existe que depuis 2013 et se situe à l’extrême droite. Les élections du 28 mai ont accéléré le rapprochement entre les deux partis puisque pour diriger un certain nombre de régions, les deux partis étaient obligés de s’entendre. C’est aussi une raison de l’ascension de Vox dans la mesure où ils ont porté un discours d’opposition au PSOE qui était plus radical que celui du PP mais reposait sur les mêmes fondements.

Sur quels fondements ?

Par exemple, lorsque le PP et Vox forment des coalitions au niveau régional, ils n’ont pas de difficultés à s’entendre notamment sur la défense des valeurs traditionnelles espagnoles, le rejet de l’égalité Hommes-Femmes, le scepticisme climatique et un positionnement nationaliste assumé, très opposé aux indépendantistes. Vox souhaite, par exemple, bannir l’utilisation du mot « machiste », ce qui ne pose aucune difficulté pour le PP. Pour ces raisons, les alliances n’ont pas été décriées par la base de chacun des partis qui y voit au contraire une véritable opportunité. Force est de constater que les deux partis se coordonnent et s’entendent bien. Il y a quelques voix dissonantes dans la frange la plus modérée du PP mais ces voix ne s’expriment pas publiquement. La discipline de parti est forte au PP et la frange la plus modérée sait que l’électorat conservateur préfère s’allier avec Vox qu’avec la gauche.

Est-ce que, compte tenu de cette proximité, il n’y a pas un risque que Vox remplace progressivement le PP comme force majeure à droite et à l’extrême droite ?

Oui tout à fait, c’est la raison pour laquelle le PP était opposé à Vox initialement. Le système politique espagnol actuel oblige à la formation d’une coalition, le PP ne peut pas espérer remporter la majorité absolue des sièges tout seul. Par conséquent, Vox se retrouve en position de force pour négocier son appartenance et son soutien à la coalition, donc oui la présence de Vox tire le centre de gravité de la coalition vers l’extrême droite. Le PP se retrouve un peu piégé et est obligé d’accepter les thématiques portés par Vox même sur certaines où il y a un désaccord comme sur les droits des personnes LGBT.

Comment s’articule cette coalition dans les différentes régions gagnées le 28 mai, quels sont les postes prisés par l’extrême droite ?

Il y a une vraie constance dans le choix et les revendications de Vox dans les exécutifs. Déjà, le parti a toujours été très cohérent et affirme vouloir participer aux gouvernements, participer à des coalitions. Vox porte ses thématiques majeures, la question environnementale est fondamentale. Il faut comprendre que Vox est un parti climatosceptique, et dont une partie importante de l’électorat est rurale et travaille dans l’agriculture. L’extrême droite espagnole rejette donc l’introduction de normes plus contraignantes pour l’agriculture et de manière générale les objectifs climatiques. Le parti demande donc régulièrement les portefeuilles de l’environnement. L’autre dimension majeure pour Vox concerne les affaires sociales et la volonté de défendre une société traditionnelle. L’opposition a été extrêmement violente contre certains projets de loi notamment sur l’euthanasie en 2021 et tout ce qui touche à l’identité. Dans la communauté de Valence, Vox a demandé la vice-présidence pour y installer un ancien torero. Les aspirations devraient être similaires en cas d’accès au gouvernement.

Paradoxalement, l’Espagne était encore perçue comme l’un des seuls pays d’Europe épargné par la montée de l’extrême droite, comment peut-on expliquer la montée en puissance de Vox ?

Déjà le travail de mémoire sur la dictature franquiste, qui s’est achevée en 1975, n’a jamais vraiment été porté à son terme, donc il y a toujours une nostalgie du franquisme latente en Espagne. C’est sur cette base que Vox a pu se faire une place. La loi mémorielle sur le franquisme n’a été votée qu’en 2020 et a pourtant déchaîné l’extrême droite qui promet d’ailleurs de l’abroger en cas de victoire. Néanmoins, Vox ne s’affiche pas ouvertement comme un parti franquist,e mais Santiago Abascal appelle régulièrement, durant ses meetings, les franquistes à le rejoindre. La proximité est donc évidente et l’exécutif valencien a fait annuler une pièce de théâtre sur un professeur républicain résistant. L’objectif est de ne pas criminaliser le franquisme.

Ces thématiques sont-elles présentes dans la campagne ?

Vox porte bien ses thématiques dans le débat public. Le gouvernement de Pedro Sanchez tente de mettre en avant son bilan économique, mais finalement la campagne tourne beaucoup autour du clivage nationaliste/ non-nationalistes. La coalition gouvernementale de gauche s’allie, ponctuellement, avec divers partis indépendantistes pour faire adopter certains textes. L’un de ces partis, Bildu, compte dans ses rangs un ancien indépendantiste ayant fait de la prison, Vox et le PP, en ont fait un des principaux thèmes de la campagne. La droite accuse le gouvernement de donner du crédit aux terroristes. La droite a lancé un t-shirt sur lequel est inscrit « que te vote Txapote » qui fait référence à un terroriste basque pour amalgamer la gauche et le terrorisme indépendantiste.

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