Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.
Espionnée par le Qatar, la sénatrice Nathalie Goulet dénonce « un choc violent » et va déposer plainte
Par Romain David
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Le Qatar est accusé d’avoir fait espionner une cinquantaine de personnalités dans le cadre de l’organisation de la Coupe du monde 2022. Une longue enquête, publiée dimanche par le quotidien britannique The Sunday Times, révèle que différents journalistes, avocats et responsables politiques, réputés pour leurs positions très critiques vis-à-vis de ce pays du Golfe, auraient été ciblés depuis plusieurs années par des hackers recrutés par Doha. Selon des données collectées par le Sunday Times et The Bureau of Investigative Journalism (TBIJ), une organisation journalistique britannique spécialisée dans les enquêtes au long cours, ceux-ci auraient procédé à des piratages de boîtes mails, mais auraient également pu prendre le contrôle à distance des caméras et micros des ordinateurs visés, et ce dès 2019. Parmi les victimes citées par l’hebdomadaire : leur journaliste Jonathan Calvert, l’avocat americano-hongrois Mark Somos, à l’origine d’une plainte contre la famille royale du Qatar, l’ancien président de l’UEFA, Michel Platini – plutôt réputé fervent défenseur de ce Mondial -, mais aussi la sénatrice UDI Nathalie Goulet, qui dénonce régulièrement le rôle de l’émirat dans le financement de l’islam radical.
« J’ai appris avoir été espionnée avec l’article du Sunday Times. Ça a été un choc très violent », rapporte l’élue à Public Sénat. La lecture de cette enquête de quatre pages lui remet alors en mémoire un incident survenu quelques semaines plus tôt : « Un coup de fil étrange d’un homme se disant ‘enquêteur’. À ma grande surprise, il était en mesure de me donner le mot de passe de ma boîte mail personnelle. Sans autre précision, il a raccroché », se souvient-elle. « J’ai aussitôt changé mes identifiants et fait installer un boîtier de filtrage ».
« Je pense que le président Gérard Larcher a été prévenu »
Nathalie Goulet dénonce une intrusion dans son intimité. « Il n’y a pas que des documents de travail dans une boîte mail. J’y ai aussi des photos de mes petits-enfants, des échanges personnels… ». Elle se demande désormais si d’autres appareils auraient pu être hackés, notamment son téléphone portable ou encore sa boîte mail professionnelle, celle utilisée au Sénat. « Je pense que le président Gérard Larcher a été prévenu et que les services compétents feront les vérifications nécessaires », glisse-t-elle. « Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias a été la première personne à m’avoir adressé son soutien, mais aussi Hervé Marseille (président du groupe Union centriste au Sénat, ndlr) et le questeur Vincent Capo-Canellas. »
Toujours selon le Sunday Times, les hackers seraient domiciliés en Inde. Ils auraient été contactés par d’anciens officiers britanniques reconvertis dans le privé, à la demande d’un tiers. « L’enquête indique clairement que le client est l’hôte de la prochaine Coupe du Monde : le Qatar », précise l’hebdomadaire. Dans une déclaration relayée par l’Agence France Presse, un responsable qatari dénonce des allégations « manifestement fausses et sans fondement », et précise que Doha étudie « toutes les options juridiques » pour contre-attaquer.
« Je suis une élue de l’Orne, qui fait son travail consciencieusement. Je ne suis qu’un tout petit rouage »
De son côté, Nathalie Goulet annonce déposer plainte. « D’autant que j’ai appris que mon avocat londonien avait été victime de pression. Lui aussi a été piraté », précise-t-elle. L'affaire a été confiée à Henri de Beauregard, avocat à Paris et Alain Cockenpot, ancien bâtonnier du barreau de Douai. La sénatrice ne doute pas que ses interventions régulières pour dénoncer les ambiguïtés du Qatar, notamment le soutien à certaines organisations, comme les Frères musulmans, ont attiré l’attention sur elle. « Je suis focalisée sur ces questions, mais je ne suis pas une personnalité de premier plan. Je suis une élue de l’Orne, qui fait son travail consciencieusement. Je ne suis qu’un tout petit rouage », explique-t-elle. « Je pense que c’est la Coupe du monde, et la volonté du Qatar de redorer son image en marge d’un événement très critiqué vis-à-vis du respect des droits de l’homme et de son impact climatique, qui les ont poussés à s’intéresser à moi. J’ai notamment dénoncé la convention fiscale passée entre la France et le Qatar (qui exonère l’émirat de taxes sur les plus-values, ndlr), demandé l’interdiction de l’application ‘Euro Fatwa’… », énumère l’élue.
Lors des séances de questions au gouvernement, Nathalie Goulet interpelle régulièrement l’exécutif sur les liens entre la France et l’émirat. En 2019, elle s’inquiétait notamment de la destination de certains flux financiers, susceptibles de transiter via des établissements qui ont des antennes en France, comme la Qatar National Bank. « Peut-être ont-ils aussi voulu avoir accès aux informations que j’ai pu collecter dans le cadre de mon livre sur le financement du terrorisme (L’Abécédaire du financement du terrorisme, aux éditions du Cherche Midi, ndlr) », interroge-t-elle. Elle l’assure néanmoins, ce coup de pression « ne la démobilisera pas ».