Former President Donald Trump Appears in Court for the Start of Civil Fraud Trial, New York, USA – 02 Oct 2023

Etats-Unis : « Donald Trump pourrait être amené à liquider son patrimoine »

En pleine campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2024, les deux principaux candidats sont concernés, directement (pour Donald Trump) ou indirectement (Joe Biden), par des affaires judiciaires. Pour Elisa Chelle, professeure de science politique à l’Université Paris Nanterre et rédactrice en chef de la revue Politique américaine, le scrutin de novembre 2024 électrise la société américaine.
Steve Jourdin

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Deux candidats embourbés dans des affaires judiciaires en pleine campagne électorale. C’est une situation inédite ?

Il s’agit effectivement d’une situation très particulière, qui révèle les très fortes tensions autour de l’élection présidentielle à venir. Il y a une médiatisation beaucoup plus importante et une exagération des enjeux du côté des républicains autour de ces procès. Elus et militants sont beaucoup plus mobilisés, à la fois sur le procès d’Hunter Biden et sur celui de Donald Trump. Ils tentent de diffuser l’idée d’une cabale et d’une machination orchestrées par les démocrates, qui pour leur part restent discrets à l’égard de ces affaires. Mais il faut bien faire la part des choses : il n’y a pas de symétrie possible entre le procès qui s’est ouvert lundi à l’encontre de Donald Trump, et celui qui vise le fils de Joe Biden, Hunter, qui a débuté ce mardi.

Donald Trump est jugé au civil avec deux de ses fils. Qu’est-ce qui lui est reproché ?

On lui reproche d’avoir fait de fausses déclarations sur la valeur de ses biens pour obtenir un prêt et des assurances à des conditions plus favorables. On estime que cela lui aurait permis de gagner 100 millions de dollars. C’est un cas de crime en col blanc, de fraude. Ce n’est pas la première affaire de la sorte qui touche Donald Trump. En 2017 par exemple, alors qu’il était président, il avait fait l’objet d’une procédure judiciaire pour fraude concernant un projet d’ « université Trump ». Il avait choisi un règlement amiable pour éviter le procès, et avait dû payer 25 millions de dollars.

La différence, c’est que les enjeux politiques sont peut-être plus importants aujourd’hui…

Les enjeux ne sont évidemment pas les mêmes en période d’élection. A l’époque, Donald Trump souhaitait éviter un procès. Aujourd’hui il en fait un moteur pour sa campagne. Dans la procédure qui s’est ouverte lundi, il risque une amende pouvant aller jusqu’à 250 millions de dollars, et une interdiction de posséder des sociétés basées à New York, ce qui serait un gros coup dur, car les entreprises les plus profitables de l’empire Trump sont basées dans cette ville.

En outre, si la peine maximale de 250 millions de dollars était prononcée, il n’en sortirait pas indemne. Certes, il n’ira pas à la banqueroute pour autant, car sa fortune est estimée par Forbes à 2,5 milliards de dollars. Mais jusqu’à présent, ses frais de justice ont été payés par des fonds de campagne. Depuis janvier 2021, il a dépensé 65 millions dans de telles dépenses. Cet argent ne venait pas de sa poche. En l’espèce, les choses pourraient changer, et Donald Trump pourrait être amené à liquider une partie de son patrimoine pour payer l’amende.

Donald Trump sera aussi jugé au pénal dans quatre dossiers. Il doit notamment comparaître à partir du 4 mars devant un tribunal fédéral de Washington, où il est accusé d’avoir tenté d’inverser le résultat de la présidentielle de novembre 2020. Politiquement, c’est au pénal qu’il risque de perdre le plus ?

Le procès au civil va durer deux mois, jusqu’à Noël. C’est l’affaire qui devrait être la plus délicate pour ses finances. On ne doit donc pas s’étonner de le voir réapparaître maintenant. S’il choisit de se remettre en scène, c’est un signe qu’il a besoin d’argent. Il anticipe ses pertes et veut lever des fonds. Au mois d’août, lors de la lecture des chefs d’accusation pour l’ouverture de son procès concernant la Géorgie, il avait à l’inverse usé de son droit à ne pas comparaître.

D’un point de vue politique, les procès les plus sensibles sont les procès pour interférence électorale en Géorgie, et sur l’invasion du Capitole. Mais il ne faut pas s’attendre à des décisions en première instance avant l’élection présidentielle. Il s’agit des procédures assez longues et les avocats de Donald Trump font tout pour faire durer les choses. Il y aura ensuite potentiellement des recours en appel qui vont encore étendre les délais.

Le fils du président américain Joe Biden, Hunter, comparaît ce mardi devant un tribunal fédéral du Delaware où il doit plaider non coupable de détention illégale d’arme. Il s’agit d’un caillou dans la chaussure de Biden sur la route de la réélection ?

Les choses ne sont pas passées comme prévu pour le clan Biden. L’idée était de négocier un accord à l’amiable pour régler cette affaire. Mais cela a été mal ficelé par les avocats, le dossier a été mal conçu. Hunter Biden pensait qu’il s’en sortirait plus facilement. Son père s’exprime très peu sur le sujet. Il avait affirmé au mois de mai qu’il soutenait son fils, mais il s’est depuis mis en retrait afin de ne pas subir les conséquences négatives de la procédure.

Joe Biden est d’ailleurs aussi visé par une procédure d’impeachment à cause des déboires de son fils…

Depuis Nixon, la procédure en destitution est dégainée contre tous les présidents, car il s’agit d’une redoutable arme politique. Mais celle qui vise aujourd’hui Joe Biden n’a aucune chance d’aboutir. Et ce n’est actuellement pas ce qui handicap le plus le président démocrate. La grande question est celle de son état physique, en dehors même de son âge (80 ans).

Début septembre, lors du G20 organisé à Hanoï, il est apparu particulièrement confus. Questionné sur les critiques affirmant qu’il était trop fragile, il avait répondu qu’il était « le candidat de la démocratie ». Il se pose aujourd’hui en rempart face à Donald Trump et aux menaces qui pèsent sur l’Etat de droit. Mais il y a une vraie question autour de ses capacités physiques. On entre dans une période très exigeante de ce point de vue. Il faut en effet maintenant faire campagne et aller sur le terrain, chose qu’il n’avait pas fait en 2020 car on était alors sous le régime du Covid et tout ou presque se faisait sur Internet. Il va maintenant devoir mouiller la chemise et tenir 18 mois, ce qui est très long. Pour lui, le plus dur est à venir.

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