Biden
President Joe Biden walks towards Marine One on the South Lawn of the White House in Washington, Friday, Oct. 13, 2023. Biden is heading to Philadelphia to make an official announcement during an economic-themed visit. (AP Photo/Susan Walsh)/DCSW105/23286637852305//2310131955

Etats-Unis : Quel bilan pour Joe Biden ? 

Alors que l’actuel président des Etats-Unis a renoncé à se présenter pour un second mandat, retour sur ses trois ans et demi à la Maison blanche, marqués par une relance de l’économie américaine et un regain de crédibilité des Etats-Unis sur la scène internationale.
Alexandre Poussart

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« Joe Biden sera jugé par l’Histoire comme un très bon président des Etats-Unis », assure Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’université Paris-2, spécialiste des Etats-Unis. Son retrait de la course à la présidentielle est d’ailleurs, selon lui, à mettre au crédit du bilan de l’actuel locataire de la Maison Blanche. « C’est le signe des grands de savoir se retirer dans l’intérêt de son parti, et du pays. Il évite ainsi un déchirement du Parti démocrate et une victoire de Trump assurée. Cela va lui permettre de bien finir son mandat. »

Un mandat commencé en janvier 2021, avec deux défis majeurs : apaiser le pays après l’assaut du Capitole, et le relancer après la crise Covid.

Joe Biden a-t-il réussi à apaiser le pays après l’assaut du Capitole ?

Son premier défi, à savoir réunifier la société américaine minée par la violence politique, n’a pas été relevé pour certains observateurs, comme le symbolise la tentative d’assassinat contre Donald Trump. « Joe Biden est tombé dans le piège de Donald Trump et est resté dans cette petite guerre avec son rival », estime Jean-Eric Branaa. « Le Parti démocrate a fait une erreur en passant tout le mandat à diaboliser Trump. Cela a remobilisé son camp. » « On ne transforme pas une société américaine très polarisée, depuis plus de 20 ans, en un seul mandat », nuance Jean-Claude Beaujour, avocat et spécialiste des Etats-Unis. « Néanmoins, Joe Biden a réussi à diminuer les tensions communautaires et ethniques qui étaient au plus haut dans le pays, au moment du départ de Donald Trump. »

Une économie américaine relancée qui se porte bien

Le second défi, relancer l’économie, a lui été réussi. « Joe Biden a mis en œuvre un plan de relance post-Covid de 1900 milliards de dollars, avec l’aval des Républicains, ce qui était une belle manœuvre politique », explique Jean-Eric Branaa.

L’année suivante, le Congrès adopte un vaste plan d’investissement, baptisé Inflation Reduction Act, pour réindustrialiser le pays et accélérer la lutte contre le réchauffement climatique. Un plan qui consacre 369 milliards d’euros aux énergies propres, et subventionne l’achat de véhicules électriques produites sur le sol américain. Une politique, très critiquée par la France au nom de l’équité du commerce mondial, qui a porté ses fruits outre-Atlantique puisque plus de 15 millions d’emplois ont été créés depuis 2021. Les entreprises privées ont promis plusieurs centaines de milliards de dollars dans l’industrie, dont 177 milliards dans les usines de batterie ou de véhicules électriques.

La dette étudiante en partie annulée

Autre dépense marquante annoncée par Joe Biden, l’annulation d’une partie de la dette étudiante colossale qui pesait sur les citoyens américains. Cette décision efface entre 10 et 20 000 dollars de la dette étudiante des citoyens des classes moyenne et populaire, et son coût était estimé à au moins 300 milliards de dollars, selon l’université de Pennsylvanie.

Quelques échecs sur le plan intérieur

« L’un des échecs de Joe Biden, sur le plan social, est de ne pas avoir pu mettre en place une taxation des plus riches », commente Jean-Eric Branaa. Le locataire de la Maison blanche n’a pas non plus régulé le port d’armes. « Quand il y a des tueries de masse aux Etats-Unis, les responsables politiques disent souvent « plus jamais ça » et après il ne se passe rien car au fond les Américains sont très attachés à leur liberté de porter une arme », explique Jean-Claude Beaujour. La lutte contre l’immigration illégale est aussi à mettre au registre des ratés du bilan de Joe Biden. Le nombre d’immigrés clandestins ayant franchi la frontière sud a dépassé la barre des 2 millions en 2022 et 2023 et la réforme de la politique migratoire de l’administration Biden a été enterrée par les Républicains.

Le retrait d’Afghanistan mal préparé

Sur le plan international, le mandat de Joe Biden a été perçu plutôt de manière positive. Néanmoins, le retrait des forces américaines d’Afghanistan, en août 2021, opéré dans la précipitation, alors même que les Talibans avaient déjà repris le pouvoir, a entraîné une baisse de popularité pour Joe Biden. « Il n’a fait que respecter la parole de Donald Trump de quitter l’Afghanistan, après 20 ans de guerre, mais il est vrai que ce départ était mal préparé », commente Jean-Eric Branaa.

Un fort soutien à l’Ukraine

L’une des crises internationales majeures que Joe Biden a dû gérer est biensûr l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le président des Etats-Unis a réussi à mobiliser un soutien militaire et financier important pour l’armée ukrainienne, et notamment une nouvelle enveloppe de 61 milliards de dollars en avril dernier. « Il a su convaincre les élus Républicains du Congrès de voter ces aides massives même s’il faut bien comprendre que l’armement de l’Ukraine bénéficie à l’industrie militaire américaine », analyse Jean-Claude Beaujour.

Attentat du 7 octobre : une influence américaine en baisse sur l’allié israélien

Au Proche-Orient, la puissance américaine a tout tenté, en vain, pour dissuader le gouvernement israélien d’entrer dans une guerre de vengeance face au Hamas et de préserver la population civile palestinienne. « Il faut rappeler que Joe Biden a été le premier chef d’Etat d’étranger à se déplacer en Israël après l’attentat du 7 octobre », rappelle Jean-Eric Branaa. « Il a expliqué à Benjamin Netanyahou que les Etats-Unis étaient déjà tombés dans le piège d’une guerre de représailles en Afghanistan après l’attentat du 11 septembre, avec les résultats qu’on connaît. Mais le Premier ministre israélien, sous pression politique en Israël, ne l’a pas écouté. » Sur le plan humanitaire, le port artificiel américain de Gaza, qui a coûté 230 millions d’euros, a été abandonné il y a une semaine.

Mais « d’une manière générale, grâce à Joe Biden, la parole des Etats-Unis dans le monde est de nouveau respectée car elle avait perdu beaucoup de crédit sous Donald Trump. »

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