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Explosion de bipeurs au Liban : quatre questions sur l’opération menée contre le Hezbollah

Beaucoup d’inconnues entourent encore l’explosion simultanée de milliers de bipeurs appartenant au Hezbollah, opération pour le moment non-revendiquée. Mais un faisceau d’indices concordent pour attribuer l’attaque aux services de renseignement israéliens, dans un contexte où les tensions à la frontière entre Israël et le Liban s’intensifient.
Rose Amélie Becel

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Ce mardi 17 septembre, plusieurs milliers de bipeurs appartenant au Hezbollah ont simultanément explosé, au Liban mais aussi à Gaza et en Syrie. Selon le ministre de la Santé libanais, l’opération a fait au moins douze morts et près de 2 800 blessés. Parmi les victimes, on trouve essentiellement des membres de la milice chiite libanaise, mais aussi une enfant de 10 ans tuée par l’explosion du bipeur de son père. Mojtaba Amani, l’ambassadeur d’Iran à Beyrouth, figure aussi parmi les blessés affirme la télévision iranienne.

Cette opération se double de nouvelles explosions, survenues ce 18 septembre dans la banlieue sud de Beyrouth et à l’est du Liban. Ce sont cette fois-ci des talkies-walkies appartenant au Hezbollah qui ont été visés. Selon un bilan temporaire de l’agence nationale d’information libanaise, l’attaque aurait fait trois morts et quinze blessés.

Que sait-on des circonstances de l’opération ?

Si de nombreuses vidéos des explosions de bipeurs circulent sur les réseaux sociaux, leur nature exacte reste pour le moment indéterminée. « D’après les enregistrements vidéo, un petit explosif de type plastic a certainement été dissimulé à côté de la batterie [des bipeurs] pour un déclenchement à distance via l’envoi d’un message », explique Charles Lister, expert au Middle East Institute, dans un tweet repris par l’AFP.

Une hypothèse également confirmée par une source libanaise de haut niveau, interrogée par l’agence Reuters : « Le Mossad a injecté un circuit imprimé à l’intérieur de l’appareil contenant de l’explosif et qui peut recevoir un code. C’est dur à détecter, même avec un appareil ou un scanner. »

La provenance de ces bipeurs semble également mystérieuse. S’ils arborent la marque Gold Apollo, le groupe taïwanais affirme que le modèle dont le Hezbollah est équipé a été produit et vendu par son partenaire hongrois BAC. Une information immédiatement démentie par les autorités hongroises, qui indiquent que BAC est « un intermédiaire commercial, sans site de production ou opérationnel en Hongrie ».

Les services de renseignement israéliens à l’origine de l’opération ?

Côté israélien, aucun organe n’a pour le moment revendiqué cette opération. Mais plusieurs éléments concordent effectivement pour attribuer sa responsabilité au Mossad, le service de renseignement extérieur de l’État hébreu. « On voit mal qui d’autre aurait l’intérêt et les capacités de mener une opération de grande envergure comme celle-ci. Il a fallu connaître le type de bipeurs utilisés par le Hezbollah, probablement infiltrer leur lieu de fabrication en amont… Tout cela nécessite une planification très importante », estime Elizabeth Sheppard Sellam, maître de conférences en relations internationales à l’Université de Tours.

Pour la spécialiste des questions de défense et sécurité, l’opération menée contre le Hezbollah rappelle d’ailleurs celle qui a conduit à la mort du chef politique du Hamas Ismaïl Haniyeh, tué le 31 juillet dernier à Téhéran. Lors de l’annonce de sa mort, le Hamas avait évoqué « une frappe » par un « projectile aérien ». Pourtant, d’après les informations du New York Times recueillies auprès de cinq responsables de pays du Moyen-Orient, le leader de l’organisation terroriste aurait été tué par une bombe cachée depuis plusieurs mois dans sa résidence de Téhéran, déclenchée à distance par des agents du Mossad.

Quels pourraient être les objectifs de cette opération ?

En plus du bilan humain élevé de cette opération, l’explosion de ces bipeurs porte aussi un coup au système de télécommunication développé par le Hezbollah. Ces bipeurs, ancêtres du téléphone portable, permettent au Hezbollah de recevoir des alertes et des messages courts sans fil ni connexion internet, grâce à un système de radiomessagerie. En février dernier, le leader de la milice Hassan Nasrallah avait demandé à ses sympathisants de se débarrasser de leurs téléphones portables et d’opter pour des moyens de communication plus rudimentaires, plus difficiles à localiser et à surveiller.

Pour Elizabeth Sheppard Sellam, ces opérations témoignent aussi d’une « guerre psychologique » menée par Israël contre le Hezbollah : « Cette opération n’a pas pu être menée sans avoir accès à des informations de l’intérieur, elle permet donc aux services israéliens de dire au Hezbollah : “On peut vous toucher, où que vous soyez, et sans qu’on nous voie venir”. »

Le Hezbollah pourrait-il répliquer ?

Ces explosions de bipeurs s’intègrent aussi dans une série d’attaques que se livrent Israël et le Hezbollah depuis la montée des tensions entre les deux acteurs, au lendemain du massacre du 7 octobre. Ainsi, à la fin du mois d’août, le Hezbollah avait lancé des centaines de roquettes et de drones dans les régions de Galilée et du plateau du Golan, en représailles de l’assassinat de Fouad Chokr, l’un des hauts chefs militaires du groupe.

Cette nouvelle attaque fait-elle craindre une escalade du conflit ? C’est en tout cas la crainte du chef de la diplomatie libanaise, Abdallah Bou Habib. L’attaque « survient après les menaces israéliennes d’élargir le champ de la guerre contre le Liban, ce qui plongerait la région dans un cycle de violence plus large et annoncerait une guerre plus étendue », a-t-il dénoncé auprès de l’agence nationale d’information libanaise.

De son côté, le Hezbollah met en garde Israël, prévenant que le pays va « recevoir son juste châtiment ». Malgré les menaces, les deux protagonistes restent pour le moment sur une ligne de crête. Après l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh sur son sol, l’Iran avait déjà promis une réplique contre Israël. Un mois et demi plus tard, celle-ci n’a toujours pas eu lieu.

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