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Financement du terrorisme : le Hamas est-il soutenu par des dons de cryptomonnaies ?

Selon le Wall Street Journal, entre août 2021 et juin 2023, le Hamas aurait reçu 41 millions de dollars de dons en cryptomonnaies. Dans le contexte des attaques contre Israël, l’émergence de nouveaux moyens de financement du terrorisme pose la question de la régulation du secteur.
Rose Amélie Becel

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Selon un article du Wall Street Journal publié le 10 octobre, des documents saisis par Israël et des rapports d’analyse de la blockchain – la base de données qui contient les traces des échanges de cryptomonnaies – concluent que le Hamas, le Mouvement du Jihad islamique en Palestine et le Hezbollah ont reçu « de très grosses quantités d’argent via des cryptomonnaies ». Le journal cite notamment des travaux menés par BitOK – une société d’analyse basée à Tel-Aviv – indiquant que le Hamas a reçu l’équivalent de 41 millions de dollars entre août 2021 et juin 2023.

Dans le contexte des attaques menées par le Hamas contre la population israélienne, la sénatrice centriste Nathalie Goulet a déposé ce vendredi 13 octobre une proposition de résolution pour constituer une commission d’enquête « sur les moyens de lutte contre le financement du terrorisme en France et en Europe ». En pointe sur cette question, l’élue a consacré un chapitre entier à la question des cryptomonnaies dans son ouvrage L’abécédaire du financement du terrorisme. En juillet 2022, elle avait déjà demandé – sans succès – l’ouverture d’une commission d’enquête au Sénat, cette fois-ci précisément au sujet des cryptomonnaies. « Entre fantasme, crainte et méconnaissance, il semble urgent de mieux connaître ces dispositifs et peut-être de les encadrer », justifiait-elle alors.

Un système dématérialisé, pour s’affranchir des banques

Selon une étude de la plateforme crypto.com, en 2022, 425 millions de personnes à travers le monde détenaient des cryptomonnaies. Ces devises numériques, entièrement virtuelles et donc dématérialisées, permettent à leurs utilisateurs d’effectuer des échanges financiers en contournant le système bancaire classique. Une aubaine pour les organisations terroristes.

En août 2020, le département américain de la Justice avait annoncé le démantèlement d’une campagne de financement d’Al Qaeda, de Daech, ainsi que des brigades Al-Qassam – la branche armée du Hamas – via des cryptomonnaies. « Chaque groupe a utilisé les cryptomonnaies et les réseaux sociaux pour attirer l’attention et collecter des fonds pour leurs campagnes terroristes. Les autorités américaines ont saisi des millions de dollars, plus de 300 comptes de cryptomonnaies, quatre sites web et quatre pages Facebook, tous liés à l’entreprise criminelle », détaillent-ils dans leur communiqué.

« Avant le 11 septembre 2001, on ne se posait pas la question de s’attaquer au financement pour lutter contre le terrorisme. Mais on assiste de plus en plus au déploiement d’un terrorisme low cost, avec de moins en moins d’Etats directement financeurs, il est nécessaire de se mettre à jour sur ces sujets », insiste Nathalie Goulet. Pour la sénatrice, le phénomène est encore trop peu pris en compte par les autorités : « On a encore trop l’impression que c’est un phénomène parallèle, mais aujourd’hui on voit bien que la majorité des technologies que nous utilisons sont dématérialisées. Ce sont des questions nouvelles sur lesquelles le législateur n’est pas encore bien préparé. »

Une nécessité de renforcer la traçabilité

Pourtant, les défenseurs de l’usage des cryptomonnaies insistent sur la grande traçabilité des utilisateurs et des transactions, enregistrées dans cette énorme base de données qu’on nomme la blockchain. Pour Solène Clément, avocate et présidente de l’Observatoire de la lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme, le secteur est extrêmement surveillé en France : « Depuis 2019, tous les acteurs des secteurs qui pourraient être utilisés pour blanchir de l’argent ou financer des activités terroristes sont obligés par la loi de mettre en place des mesures de vigilance. Avant d’entrer en affaires avec un client, les professionnels doivent collecter un important volume d’informations qui leur permettront ensuite de détecter des comportements atypiques, puis de transmettre les données aux autorités. »

Comment les groupes terroristes parviennent alors à se financer via ces dispositifs ? Pour Solène Clément, « le plus compliqué c’est l’internationalisation des acteurs de la cryptomonnaie, le niveau de vigilance n’est pas équivalent partout dans le monde, toutes les juridictions ne collaborent pas dans l’échange d’informations ». C’est également ce que soulignait en 2022 le département du Trésor américain dans un communiqué, alertant sur les difficultés d’enquêter sur les échanges internationaux de cryptomonnaies : « L’insuffisance de la réglementation, de la supervision et de l’application de la loi en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme par d’autres pays remet en question la capacité des Etats-Unis à enquêter sur les flux de transactions illicites d’actifs numériques, qui transitent fréquemment à l’étranger. »

La lutte d’Israël contre le Hamas passera ainsi par l’identification de ces sources de financement dématérialisées. Mardi 10 octobre, la police israélienne a déjà annoncé sur X (ex-Twitter) avoir bloqué des comptes créés par le Hamas sur Binance, plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies dans le monde.

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