France-Algérie : Il est possible d’envisager « un réchauffement franco-algérien d’ici la fin du mandat » d’Emmanuel Macron

Lors d’une audition organisée par la commission des Affaires étrangères au Sénat, l’enseignant et spécialiste du monde arabe Adlene Mohammedi a livré une analyse de la récente dégradation des relations franco-algériennes et a appelé à ne pas céder à ce qu’il appelle la « tentation du sacrifice » de nos liens avec Alger.
Clarisse Guibert

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Sahara occidental, arrestation de Boualem Sansal…Les tensions s’accumulent entre la France et l’Algérie depuis quelques mois. Dans ce cadre, la commission des affaires étrangères de la Haute assemblée a invité le chercheur et spécialiste du monde arabe Adlene Mohammedi pour comprendre les causes et les conséquences d’une crise « au caractère inédit » entre Paris et Alger. Pour l’enseignant, la relation entre les deux pays « n’est pas sacrifiable ».

« Une brouille qui revêt un caractère inédit », pour Adlene Mohammedi

Comme l’a rappelé Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères au Sénat en introduction de l’audition, « la France et l’Algérie traverse actuellement une crise diplomatique profonde et très préoccupante ». Au cœur de cette crise, la reconnaissance officielle par le président de la République du Plan marocain d’autonomie du Sahara occidental, qui « constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée », selon sa lettre envoyée à Mohammed VI au mois de juillet dernier. En réponse, Alger avait rappelé son ambassadeur à Paris.

Mais ce n’est pas tout. En novembre dernier, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été arrêté et incarcéré en Algérie pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Le 6 janvier dernier, le président de la République demande publiquement la libération de l’auteur, et parle de « déshonneur » pour qualifier l’attitude algérienne. Enfin, plus récemment, l’Algérie a convoqué l’ambassadeur français pour protester contre des supposés « traitements provocateurs, dégradants et discriminatoires » subis par des ressortissants algériens dans les aéroports parisiens.

Cette escalade entre les deux pays « revêt un caractère inédit » pour Adlene Mohammedi, et laisse penser que les relations franco-algériennes seraient forcément « insurmontables ».

Le sentiment « anti-français » présent en Algérie, mais également au Maroc et en Tunisie, décrit Adlene Mohammedi

Ce caractère « insurmontable » s’expliquerait, pour le sénateur Les Républicains Roger Karoutchi, par le sentiment anti-français présent en Algérie, qui utiliserait la France comme « bouc émissaire » pour retrouver « un soutien populaire », selon ses mots. Si le spécialiste du monde arabe admet cette « rhétorique anti-française », il est faux de croire qu’elle serait « répandue » uniquement en Algérie : elle l’est également au Maroc. Or les relations avec le royaume se sont largement réchauffées ces derniers temps.

En effet, au-delà de la reconnaissance du Plan marocain d’autonomie du Sahara occidental par Paris, Emmanuel Macron s’est notamment rendu à Rabat au mois d’octobre dernier pour renforcer le partenariat politique et commercial entre les deux pays. Lors d’un discours au Parlement marocain, le président de la République avait notamment annoncé une « coopération » dans le lutte contre l’immigration, mais aussi des contrats commerciaux et des investissements à hauteur de dix milliards d’euros.

Pour le chercheur, « on exagère cette haine » entre la France et l’Algérie, et en dehors des « discours officiels », les relations au niveau commercial ou encore de la coopération sur la sécurité extérieure se passent relativement bien entre les deux pays.

« Ce que l’on vit n’est pas irréversible » estime l’enseignant Adlene Mohammedi

En effet, lors de son audition, Adlene Mohammedi rappelle qu’en janvier dernier le directeur général de la DGSE Nicolas Lerner a été reçu à Alger, alors qu’un mois plutôt des télévisions algériennes dénonçaient un « complot orchestré par les services de renseignements français visant à déstabiliser l’Algérie ». Pour le chercheur, cette nouvelle montre bien que le « canal » de coopération entre Paris et Alger en matière de sécurité extérieure reste « central ».

Sur le plan commercial, le spécialiste du monde arabe souligne que les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie ont augmenté de 5% en 2023. Pour lui, les relations commerciales franco-algériennes sont « très comparables » à celles entre la France et le Maroc. Et le sénateur socialiste et président du groupe d’amitié France-Algérie Rachid Temal, qui s’est récemment rendu en Algérie, a confirmé ses dires : sur le plan commercial et industriel, « ça se passe bien » affirme-t-il, et la France a un « intérêt » à conserver ses liens avec Alger.

Si aujourd’hui, les deux pays restent « fermés dans des logiques politiciennes », il n’est pas impossible d’envisager un « réchauffement franco-algérien » avant la fin du mandat d’Emmanuel Macron, imagine le chercheur Adlene Mohammedi. En effet, le discours de la diplomatie française est « parfois imprévisible ». De tout façon, « les liens d’interdépendance sont là » entre Paris et Alger, rappelle-t-il.

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