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Frappes israéliennes en Iran : « Le risque d’embrasement de la région n’est pas à écarter »

Les frappes israéliennes contre des sites militaires et nucléaires en Iran jeudi soir menacent un peu plus la stabilité au Moyen Orient. Au Sénat, les élus s’inquiètent de la réaction en chaîne de cette offensive d’ampleur.
Simon Barbarit

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Ennemis jurés depuis la Révolution islamique de 1979, le conflit entre Israël et l’Iran semble avoir atteint son paroxysme depuis la série de frappes aériennes menées contre les sites militaires et nucléaires en Iran. Une offensive qui intervient alors qu’un nouveau cycle de négociations entre les Etats-Unis et l’Iran sur le nucléaire iranien devait avoir lieu dimanche. Au moins deux dirigeants des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique du régime, ont été tués dont son chef, le général Hossein Salami. Six experts nucléaires ont aussi péri dans les attaques, au moins 50 personnes, dont des femmes et enfants ont été blessées, selon des médias iraniens. Le chef d’état-major iranien, le général Mohammed Bagheri, a également été tué, selon la télévision d’Etat (lire notre article).

Téhéran a qualifié de « déclaration de guerre » ces frappes menées par l’aviation israélienne. Alors que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a averti que l’opération militaire durerait « de nombreux jours », les appels à la désescalade se sont multipliés à travers le monde.

« L’impunité dont bénéfice Israël à Gaza provoque ce type d’actions »

A Paris, un Conseil de défense s’est réuni dans la matinée. « La France a plusieurs fois condamné le programme iranien en cours et a pris toutes les mesures diplomatiques en ce sens. Dans ce contexte, la France réaffirme le droit d’Israël à se protéger et à assurer sa sécurité », a déclaré sur X, Emmanuel Macron.

Une expression qui « choque » le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard. La France sort de sa position traditionnelle d’équilibre dans cette partie du monde. Israël a attaqué l’Iran, en anticipant le fait que son programme iranien enfreignant les règles. L’impunité dont bénéfice Israël à Gaza provoque ce type d’actions. C’est loin d’être négligeable. Même si l’Iran ne peut être considéré comme un pays ami, Israël ne peut passer à l’offensive en violation du droit international impunité.

« Israël est la seule démocratie qui agit par anticipation »

« Israël est la seule démocratie qui agit par anticipation. La position de l’Iran est depuis longtemps très agressive. Ses proxys comme le Hamas, les Houthis, le Hezbollah appellent à la destruction de l’Etat d’Israël. En ce qui concerne le respect du droit international, le temps est désormais aux guerres hybrides, avec des sabotages, des ingérences, des attaques cyber. La dernière déclaration de guerre officielle remonte à 1982, entre l’Argentine et le Royaume-Uni sur les Malouines », relève le sénateur centriste, Olivier Cadic.

Au-delà de la menace considérée par Israël comme « existentielle » que constituent les armes nucléaires iraniennes enrichies à 60 % d’uranium, très proche du niveau pour fabriquer une bombe atomique, la responsabilité de Téhéran dans l’attaque du 7 octobre est clairement pointée du doigt.

Auditionné cette semaine par la commission des affaires étrangères et de la Défense du Sénat, l’ambassadeur d’Israël, Joshua Zarka a considéré que « l’évènement du 7 octobre est un évènement iranien ». « Sans l’Iran qui a planifié, armé, financé le Hamas et les différentes organisations terroristes autour de nous, le 7 octobre n’aurait pas eu lieu », a-t-il indiqué.

Ce vendredi, les forces armées iraniennes ont averti qu’elles n’auraient « pas de limites » dans leur riposte et l’ayatollah Khamenei a promis un sort « douloureux » à Israël. L’armée israélienne a fait état d’« environ 100 drones » lancés par l’Iran vers le territoire israélien et un responsable militaire a indiqué à la mi-journée que l’armée continuait à en intercepter.

Ces derniers jours, les Etats-Unis avaient réduit leurs effectifs dans la région et constaté l’échec des négociations sur le nucléaire iranien. « Nous ne sommes pas impliqués dans les frappes contre l’Iran, et notre priorité absolue est de protéger les forces américaines dans la région. Israël nous a avisés qu’ils estiment cette action nécessaire pour se protéger eux-mêmes », a indiqué Marco Rubio, secrétaire d’Etat et conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, précisant que Washington n’était pas « impliqué » dans les frappes contre l’Iran.

« J’espère que la diplomatie va jouer tout son rôle pour stopper l’escalade »

Cédric Perrin, le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat estime « que le risque d’embrasement de la région n’est pas à écarter ». « L’administration Trump et Biden avaient réussi à dissuader Israël de frapper, ils espéraient faire aboutir les négociations avec l’Iran. Il serait plus facile pour les Iraniens de riposter en visant des intérêts américains qui disposent de bases plus proches d’eux, en Syrie ou encore en Afghanistan. Il faudra aussi être attentif à la réaction de l’Arabie saoudite qui a condamné les frappes israéliennes dans un contexte de normalisation des relations avec l’Iran ».

L’Iran, à majorité chiite, et l’Arabie Saoudite, à majorité sunnite, se sont longtemps opposés sur de nombreux dossiers au Moyen-Orient, de la Syrie au Yémen. « Quel sera aussi l’effet de ces attaques sur l’opinion publique iranienne qui rejette, majoritairement, le régime. Est-ce qu’elles ne vont pas, a contrario, réveiller un sentiment patriotique iranien ? » ? interroge Cédric Perrin.

A quelques jours d’un rendez-vous clé à l’ONU destinée à acter la reconnaissance de la Palestine », l’ancienne ministre et actuelle sénatrice socialiste, Hélène Conway-Mouret note que ces frappes israéliennes « détournent le regard du massacre en cours à Gaza ». C’est aussi une catastrophe pour les Israéliens qui vivent déjà dans une peur continue et attendent le retour des otages. J’espère que la diplomatie va jouer tout son rôle pour stopper l’escalade ».

Les présidents de groupes parlementaires et de commissions de la défense du Parlement s’entretiendront lundi avec le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, la veille de la réunion de l’ONU. Pour Guillaume Gontard, il est plus que temps d’organiser un débat au Parlement sur la situation au Proche-Orient. Une demande qu’il avait déjà formulée fin mars, au Premier ministre.

 

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