Gaza : « Tant que les otages ne seront pas libérés, l’armée israélienne continuera », analyse Agnès Levallois

La spécialiste du monde arabe et vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Elle est revenue sur les conséquences de l’élimination du chef du Hamas Yahya Sinouar par l’armée israélienne.
Rédaction Public Sénat

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La mort du chef du Hamas Yahya Sinouar lors d’une opération militaire hier dans la bande de Gaza va-t-elle ouvrir une nouvelle phase dans la guerre déclenchée par les attentats menés par le mouvement palestinien le 7 octobre ? C’est en tout cas un « tournant », selon Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient, invitée de la matinale de Public Sénat ce 18 octobre. « C’était vraiment un des objectifs de guerre de Netanyahou d’obtenir la tête de Yahya Sinouar, considéré comme le cerveau des attentats et des massacres du 7 octobre ».

La spécialiste souligne néanmoins que le Hamas ne sera pas pour autant éradiqué. « C’est un mouvement, c’est une idéologie donc on ne peut pas tuer tous les Gazaouis qui ont une sensibilité sans même parler que des combattants », écrit Agnès Levallois, auteure de « Le Livre noir de Gaza » (Seuil, 2024).

Le sort des 97 otages israéliens dans la bande de Gaza se pose toujours. Leur libération était le second objectif de l’armée israélienne. « La pression va se faire maintenant sur les otages », estime la consultante. Agnès Levallois imagine dès lors deux scénarios. Le premier serait une vengeance des proches de Hamas Sinouar sur les otages. Seconde hypothèse, « une autre branche peut considérer que c’est le moment de négocier pour obtenir un cessez-le-feu car la population de Gaza n’en peut plus de cette guerre et de ces bombardements », imagine-t-elle.

Benjamin Netanyahu a déclaré hier que la mort du chef du Hamas marquait « le début de la fin » de la guerre. « Certains pensaient que dès que Yahya Sinouar serait tué, la guerre s’arrêterait. Dans cette phrase, on voit bien que ce n’est pas le cas », fait remarquer Agnès Levallois. « Tant que les otages ne seront pas libérés, je crois vraiment que l’armée israélienne continuera, estimant que de toute façon le mouvement est encore plus affaibli par le fait que Yahya Sinouar ne soit plus là et que c’était lui qui gérait la question des otages », ajoute-t-elle.

« Grâce à l’intervention au Liban, la popularité de Netanyahou est sérieusement remontée »

La spécialiste rappelle que sur la question de Gaza, la société israélienne a des « appréciations différentes », notamment en raison de la question des otages. L’ouverture d’un nouveau front avec le Liban, depuis lequel le Hezbollah faisait peser une menace sur le nord d’Israël depuis plus d’un an, a provoqué une réaction différente dans la population israélienne. « Grâce à l’intervention au Liban, la popularité de Netanyahou est sérieusement remontée auprès de la société », observe Agnès Levallois.

Reste la question des répercussions régionales. L’Iran a d’ores et déjà réagi à la mort de Yahya Sinouar, en affirmant que « l’esprit de résistance » sera « renforcé ». « On est vraiment dans du déclaratoire », tempère-t-elle. Le décès du chef du Hamas pose par ailleurs une question sur l’ampleur de la riposte qu’Israël engagera contre l’Iran, après les tirs de missile le 1er octobre. « Peut-être qu’avec la mort de Yahya Sinouar, les Israéliens, satisfaits de ce résultat, vont mesurer leur réponse », image la spécialiste.

Agnès Levallois est également revenue sur les déclarations d’Emmanuel Macron, qui avait estimé il y a quelques jours qu’il était temps « cesser de livrer les armes pour mener les combats sur Gaza ». La déclaration était essentiellement « destinée aux Américains », souligne la vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient. « On se rend compte là qu’il serait temps quand même de finir. Le temps de la vengeance est fini, il faut peut-être passer à un temps beaucoup plus politique, de règlement, et pas simplement être dans une stratégie de guerre », insiste Agnès Levallois, qui rappelle le « nombre de morts civils considérable ». « À Gaza, on est à plus de 42 000 morts officiellement, mais on peut multiplier le chiffre par deux ou par trois. »

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