Coincée entre l’Europe et l’Asie, la Géorgie, petit pays situé dans le Caucase au sud de la Russie n’a pas véritablement de continent ou plutôt elle en a deux, l’Europe et l’Asie. De ce fait, le pays est régulièrement tiraillé entre ces deux aires d’influences et doit subir les ingérences des pays alentours.
Depuis quelques mois, c’est plutôt du côté de la Russie que le pays semble se tourner. Lors des dernières élections législatives en novembre, l’ancien footballeur Mikhaïl Kavelachvili, le candidat du parti « Rêve géorgien » (ou « cauchemar russe » pour l’opposition), un parti d’extrême droite, est arrivé en tête des élections du pays. Et pour cause, les autres partis ont boudé le scrutin, le considérant comme illégitime.
« Pour l’instant je peux encore rentrer dans le pays, mais on ne sait jamais »
Salomé Zourabichvili, ancienne diplomate française en Géorgie puis présidente du pays conteste avec force les résultats en continuant de clamer sa légitimité. « Pour l’instant, je peux encore rentrer dans le pays, mais on ne sait jamais », ironise-t-elle devant les sénateurs. La présidente a conscience de l’autoritarisme à l’œuvre dans son pays et du rapprochement de plus en plus évident avec son voisin russe. Depuis la prise de pouvoir contesté de l’opposition, des manifestations quotidiennes sont organisées devant le Parlement géorgien. « Ce qui provoque la protestation, c’est la fraude électorale, mais également les déclarations anticonstitutionnelles du gouvernement », assure Salomé Zourabichvili qui pointe des violations régulières de la Constitution.
Une intensification de la répression
Pour la présidente, les protestations sont à « lire en parallèle » de l’autoritarisme qui ne cesse de s’intensifier. La répression tend à devenir la norme dans le pays notamment par le biais d’amendes aux sommes astronomiques, censées dissuader tout protestataire. Salomé Zourabichvili elle-même a reçu une amende de 2 000 euros. Plusieurs journalistes et personnalités politiques ont même été inquiétés pour avoir posté des messages hostiles au pouvoir en place sur les réseaux sociaux. Le seul espoir de la présidente désormais repose sur la société civile qui continue de clamer son opposition malgré une diminution de l’affluence des manifestations en partie liée à la sévère répression.
Ingérences russes et chinoises
Car en Géorgie, l’aspiration à l’Europe est très forte. Environ 80 % de la population souhaite un rapprochement avec le Vieux continent. En mars 2022, le pays a déposé sa candidature pour intégrer l’Union européenne. Il obtient le statut de candidat officiel à l’adhésion l’année suivante. « Aujourd’hui, il n’est absolument plus question d’intégrer l’UE », souligne la présidente. « Tous les gestes du pouvoir en place vont contre les recommandations européennes et elles sont toutes en phase avec celles de la Russie ». Selon elle, les lois répressives adoptées dans son pays vont à une telle vitesse qu’il est impossible qu’elles ne soient pas calquées sur celles de son voisin russe ou pire, qu’elles lui soient directement dictées. « Nous assistons à la perte d’indépendance de l’Etat géorgien au profit de la Russie, que personne ne semble pouvoir arrêter », souligne-t-elle médusée.
Selon elles, les nouvelles alliances se font en totale opposition avec l’aspiration du peuple géorgien : « Il y a un retour à une dépendance commerciale et énergétique vis-à-vis de la Russie et également avec la Chine », regrette-t-elle. La Chine a un grand intérêt à se rapprocher de ce territoire qui lui offre une fenêtre sur l’Europe. Elle chercherait, selon Salomé Zourabichvili, à créer un port sur la mer Noire. Car comme la présidente aime à le rappeler : « Qui contrôle la Géorgie, contrôle le Caucase ».