APTOPIX Britain Ukraine Summit
Britain's Prime Minister Keir Starmer, front center, hosts the European leaders' summit to discuss Ukraine, at Lancaster House, London, Sunday March 2, 2025. Front row from left, Finland's President Alexander Stubb, France's President Emmanuel Macron, Britain's Prime Minister Keir Starmer, Ukraine's President Volodymyr Zelenskyy and Poland's Prime Minister Donald Tusk. Center row from left, Spain's Prime Minister Pedro Sanchez, Denmark's Prime Minister Mette Frederiksen, European Commission President Ursula von der Leyen, European Council President Antonio Costa, Canada's Prime Minister Justin Trudeau, and Romania's Interim President Ilie Bolojan. Back row from left, NATO secretary General Mark Rutte, Netherlands' Prime Minister Dick Schoof, Sweden's Prime Minister Ulf Kristersson, Germany's Chancellor Olaf Scholz, Norway's Prime Minister Jonas Gahr Store, Czech Republic's Prime Minister Petr Fiala, Italy's Prime Minister Giorgia Meloni and Turkey's Minister of Foreign Affairs Hakan Fidan. (Justin Tallis/Pool via AP)/LBJ184/25061526110696/POOL/2503021715

Guerre en Ukraine : au Sénat, les parlementaires veulent être associés aux décisions

La défense et les affaires étrangères sont, traditionnellement, le « domaine réservé » du Président de la République. Avec une Assemblée nationale très morcelée, ce qui rend difficile l’adoption de textes, et de vives tensions entre l’Europe et les Etats-Unis sur la guerre en Ukraine, comment les parlementaires peuvent-ils peser dans les décisions ?
Mathilde Nutarelli

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Il est admis qu’à l’Assemblée nationale et au Sénat, les commissions de la défense et des affaires étrangères ne sont pas celles dans lesquelles les parlementaires votent le plus de textes. Sur ces sujets, c’est le Président de la République qui prend traditionnellement les initiatives. La défense nationale et l’international font partie de son « domaine réservé », consacré par l’article 15 de la Constitution. Il est néanmoins dévolu aux sénateurs et aux députés de voter les crédits de la défense tous les ans lors de l’examen du budget, ainsi que de se prononcer sur les lois de programmation militaire, qui fixent une trajectoire des dépenses sur plusieurs années. L’article 35 de la Constitution, par ailleurs, dispose qu’en cas d’intervention des forces armées, le gouvernement doit informer le Parlement.

« Le Parlement est une caisse de résonance »

Un rôle que le sénateur socialiste de la Charente-Maritime Mickaël Vallet trouve trop restreint. « En France, on est dans une situation où le Parlement n’a pas le même poids que dans d’autres pays, à cause de la notion de domaine réservé du président », observe-t-il. En Italie, par exemple, c’est le Parlement qui décide ou non d’envoyer des troupes. L’article 78 de sa Constitution dispose que ce sont « les Chambres qui décident de l’état de guerre et accordent au Gouvernement les pouvoirs nécessaires ». Pour autant, « le Parlement est une caisse de résonance, les parlementaires posent les sujets. C’est un rôle important », défend l’élu charentais maritime.

Le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le LR Cédric Perrin, appuie lui aussi le rôle des parlementaires sur les dossiers de défense : « Nous avons un rôle d’aiguillon, de contrôle, de proposition. Les parlementaires ont vocation à exposer leur point de vue, qui est plus clair et plus objectif, car il prend en compte tous les aspects, il est à l’intérieur et à l’extérieur des décisions ». D’autant qu’une proposition sénatoriale, le « livret A défense », fait partie des pistes étudiées par l’exécutif pour financer la hausse des dépenses de défense.

« Les parlementaires des commissions des affaires étrangères et de la défense se rendent mieux compte [de la situation] que les autres »

Les parlementaires de la commission des affaires étrangères, déjà sensibilisés sur les sujets de défense, sont tenus au courant de l’évolution de la situation par l’exécutif. « En commission, nous avons eu un point avec le chef d’État-major des armées. Nous sommes très au fait de toutes les informations », confirme Olivier Cadic, sénateur centriste des Français établis hors de France et vice-président de la commission. « Les parlementaires des commissions des affaires étrangères et de la défense se rendent mieux compte [de la situation] que les autres parlementaires », affirme un membre du gouvernement, qui appelle à un réveil collectif sur le sujet.

Pourtant, l’Etat a réduit le nombre d’informations communiquées à ces derniers, en particulier sur l’état des forces armées. C’est ce qu’expliquait Cédric Perrin à publicsenat.fr hier (lire l’article) : « Depuis que Sébastien Lecornu est le ministre des Armées, il ne communique plus ces éléments au Parlement, mais uniquement aux présidents des commissions des affaires étrangères et de défense des deux assemblées. Et on n’a pas le droit de les donner. C’est un combat qu’on mène ».

Projet de loi de finances rectificative : « C’est un risque de censure en plus »

Depuis la fin du mois de février et l’accentuation des tensions entre les Etats-Unis, l’Ukraine et l’Union européenne, les choses se sont accélérées. Après une rencontre d’Emmanuel Macron avec les chefs de partis – le format « Saint-Denis » – le 20 février dernier, un débat sans vote sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe a eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat les 3 et 4 mars. Puis, le chef de l’Etat a pris la parole dans une adresse aux Français, le 5 mars, annonçant une augmentation des dépenses de défense, sans hausse d’impôts. Quelle place alors pour le Parlement ? Le socialiste Mickaël Vallet demande de pouvoir voter, via un projet de loi de finances rectificative. Ce texte permet, en cours d’année, d’engager des dépenses supplémentaires. « Dans ce contexte international tendu, on ne peut pas contraindre le Parlement à augmenter les crédits de la défense. On ne rouvre pas une hausse des dépenses militaires sans passer par lui. », affirme l’élu socialiste. Son parti, favorable à « l’effort de défense », plaide pour un financement via une contribution des Français les plus riches. L’exécutif, quant à lui, tente de repousser au maximum le vote d’un tel texte, périlleux au vu de la composition de l’Assemblée nationale. « C’est un risque de censure en plus », confie un membre du gouvernement. D’autant que la Commission européenne a autorisé les Etats à sortir des règles budgétaires pour financer leurs efforts de défense.

ReArm EU : « Ursula von der Leyen prend des décisions sans consulter ou impliquer le Parlement européen »

Justement, le plan ReArm EU, présenté le 4 mars par Ursula Von der Leyen et validé le 6 par un Conseil européen extraordinaire, a été présenté ce mardi au Parlement européen. Il propose de mobiliser 800 milliards d’euros pour la défense, en permettant aux pays de s’endetter davantage et en mettant à leur disposition 150 milliards d’euros sous forme de prêt. Ce plan, pourtant, ne sera pas soumis au vote des députés européens. La Commission a en effet eu recours à l’article 122 du traité de fonctionnement de l’Union européenne. Il permet de ne pas solliciter de vote du Parlement si des mesures « appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l’approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l’énergie », ont été validées par le Conseil européen. Un recours qui « choque » Cédric Perrin. « Ursula von der Leyen prend des décisions sans consulter ou impliquer le Parlement européen. Or, il faut que les parlementaires donnent leur avis et soient associés aux décisions », déplore-t-il.

Les présidents de groupes parlementaires invités à une réunion d’information sur la situation militaire

La prochaine échéance à venir est la réunion, ce jeudi, des présidents des groupes parlementaires autour du ministre des Armées, des chefs d’Etat-major et des services de renseignement. Le but : « réduire l’écart entre les informations dont bénéficient ceux qui sont aux responsabilités exécutives et les parlementaires », d’après Sébastien Lecornu. Une initiative saluée par Cédric Perrin et par Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. « Je vois cette réunion d’un très bon œil, c’est très important que le gouvernement prenne le temps d’informer les parlementaires », se réjouit-il.

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