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Guerre en Ukraine : « Ce paquet de sanctions est avant tout un signal politique »

L’Union européenne a adopté ce vendredi un 18ème paquet de sanctions contre la Russie en ciblant notamment sa manne pétrolière, élément essentiel du financement de la guerre. Si les sanctions s’attaquent directement aux exportations russes en réduisant le prix du baril, elles ciblent également les pays importateurs de pétrole russe.
Marius Texier

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C’est une nouvelle tentative pour faire pression sur la Russie. Ce vendredi, l’Union européenne a adopté un 18e paquet de sanctions contre la Russie, en guerre contre l’Ukraine depuis plus de trois ans. « Nous réduisons encore davantage le budget de guerre du Kremlin », a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas.

Alors que le financement de la guerre pour la Russie repose essentiellement sur les exportations de matières premières, l’UE décide de renforcer son arsenal de sanctions notamment en ciblant le pétrole russe. Sur l’or noir, les sanctions prévoient « un plafond de prix de pétrole plus bas » soit un peu plus de 45 dollars le baril ce qui correspond à 15 % de moins que le prix moyen du baril russe sur le marché. L’objectif ? « Augmenter les coûts » pour la Russie, afin que « l’arrêt de l’agression [de l’Ukraine] devienne la seule voie à suivre pour Moscou », a affirmé la responsable européenne.

Sur X, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, s’est félicité des sanctions adoptées et a rappelé vouloir contraindre, avec les Etats-Unis, « Vladimir Poutine à un cessez-le-feu ».

Ce nouveau train de sanctions intervient quatre jours après les déclarations de Donald Trump appelant Vladimir Poutine à mettre fin au conflit en 50 jours. En parallèle, la Russie intensifie ses frappes en Ukraine en multipliant les attaques de drones. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a qualifié l’adoption de sanctions de « décision essentielle et qui arrive au bon moment ». Le Kremlin a de son côté assuré vouloir « minimiser les conséquences » de ces nouvelles sanctions, promettant que celles-ci auraient des effets négatifs pour les pays qui les ont imposées.

Unité au sein de l’UE

Francis Perrin, spécialiste des questions de l’énergie à l’Iris salue la capacité des 27 Etats membres de l’UE à « s’accorder sur des mesures de sanctions vis-à-vis de la Russie » au vu des accointances de certains avec le Kremlin comme la Hongrie et la Slovaquie. « Ce paquet de sanctions est avant tout un signal politique », juge Olivier Appert, conseiller au centre énergie et climat de l’Ifri. Avec ce nouveau train de sanctions, l’UE indique conserver son unité. Elle a par ailleurs réaffirmé sa volonté de se passer des hydrocarbures russes d’ici à 2027.

Depuis le début de la guerre en février 2022, la Russie est frappée de sanctions et d’un embargo sur ses exportations, en particulier d’hydrocarbures. En 2021, ils représentaient jusqu’à 45 % du budget russe et plus de 60 % des exportations du pays. Le pétrole à lui seul générant 179 milliards d’euros.

Une baisse des exportations en volume et en valeur

Les mesures de rétorsions ont incontestablement fait diminuer les exportations d’une part en volumes, mais essentiellement en valeurs. Dès 2022, les exportations vont se réduire très légèrement passant de 7,8 millions de barils par jour à 7,5 millions en 2023. Cependant, les revenus mensuels des exportations pétrolières ont baissé de 4,2 milliards de dollars en 2023 pour se situer autour de 15 milliards de dollars. En cause ? Un rabais de l’ordre de 30 % sur le prix du pétrole russe.

Si l’effondrement de l’économie russe n’a pas eu lieu comme l’annonçait Bruno Le Maire au début de la guerre, elle a été fortement impactée par les sanctions successives.

Frapper les importateurs de pétrole russe ?

Pourtant la Russie parvient à se maintenir à flot. A partir de 2023, la Chine et l’Inde sont devenus les principaux clients de Moscou recevant plus de 58 % des exportations de pétrole russe contre 38 % en 2022. Au total, c’est plus de 500 000 barils quotidiens de plus qui sont expédiés vers la Turquie, 700 000 vers la Chine et plus d’un million vers l’Inde. De plus, selon Igor Delanoë, spécialiste de la Russie à l’Iris, le pétrole russe va connaître un regain d’intérêt au vu du contexte au Moyen-Orient, en particulier en Iran ou la sécurité d’approvisionnement en pétrole iranien est incertaine. « La Chine louche sur une hausse de commandes du pétrole russe ».

N’est-il donc pas pertinent d’ajouter aux sanctions contre la Russie des sanctions contre les pays importateurs de pétrole russe ? C’est en partie ce que contient le nouveau paquet de sanctions européennes. « Nous exerçons davantage de pression […] sur les banques chinoises qui permettent d’échapper aux sanctions », a précisé Kaja Kallas qui s’est également félicitée d’avoir « pour la première fois » ciblé une raffinerie de pétrole appartenant au groupe russe Rosneft en Inde. L’UE a également ajouté 22 sociétés – dont 11 non Russes – qui aident les Russes à contourner les sanctions.

« Marteau-pilon »

Du côté des Etats-Unis également, on envisage de sanctionner les pays importateurs de pétrole russe. Si le président américain, Donald Trump, s’est à de nombreuses reprises affiché proche de Vladimir Poutine dans ses déclarations, il se montre ces derniers temps de plus en plus agacé par le comportement du président russe se disant même « déçu ». Lundi, lors d’une conférence de presse, Donald Trump a annoncé qu’il donnait 50 jours à son homologue russe pour conclure un accord de cessez-le-feu avec l’Ukraine, auquel cas il imposerait des droits de douane d’au moins 100 % à tout pays achetant du pétrole et du gaz russes.

D’autant que sommeille au Congrès américain une proposition de loi encore plus restrictive. Qualifié de « marteau-pilon » par le sénateur républicain Lindsey Graham, le texte envisage d’« imposer des droits de douane de 500 % à tout pays qui aide la Russie et soutient la machine de guerre de Poutine ». « Si dans les 50 jours, Donald Trump annonce vouloir faire voter cette loi, ce serait une arme extrêmement puissante », assure Francis Perrin.

La « flotte fantôme »

« La question qui se pose avec ces nouvelles sanctions est celle de la traçabilité », prévient cependant Igor Delanoë. « De nombreuses exportations pétrolières russes passent sous les radars du fait des flottes fantômes. En pratique, les sanctions sont donc très difficiles à mettre en place ».

Pour exporter clandestinement son pétrole et contourner les sanctions occidentales, Moscou a recours à des navires non identifiés difficilement repérables. Selon plusieurs estimations, la flotte fantôme de la Russie serait composée de pas moins de 500 navires de ce type. Déjà en mai dernier, lors de l’adoption du 17e paquet de sanctions, l’UE avait fait ajouter 200 nouveaux navires sur une liste noire de bateaux suspectés de contourner les restrictions occidentales. 100 nouveaux navires ont été ajoutés dans le 18e paquet. Selon Olivier Appert, conseiller du centre énergie et climat de l’Ifri, environ 75 % des exportations russes d’hydrocarbures transitent via la mer Baltique dont 60 % sont assurés par des navires fantômes.

« Il est clair que ces sanctions ne seront pas simples à appliquer d’un point de vue technique », reconnaît Francis Perrin. « Mais le plus essentiel c’est de voir que l’UE conserve une vision claire sur les sanctions contre la Russie, à l’image de sa position au début de la guerre ».

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