Suspension de l’aide américaine…Défense européenne : que faut-il retenir du débat au Sénat sur la guerre en Ukraine?

Après les députés, c’était au tour des sénateurs de s’exprimer sur la situation en Ukraine. François Bayrou a ouvert le débat en revenant sur la suspension de l’aide des Américains à l’Ukraine et sur le changement d’ère « historique » auquel l’Europe se trouve confrontée. Retrouvez les temps forts de ce débat en vidéo.
Rédaction Public Sénat

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Altercation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, suspension de l’aide américaine à l’Ukraine, hausse massive des dépenses militaires européennes… Alors que tout s’accélère, les sénateurs  ont débattu ce 4 mars de la situation en Ukraine et la sécurité en Europe.

L’échange a débuté par une prise de parole de François Bayrou au ton grave, les sénateurs de tous les groupes politiques se succédé ensuite, avant une prise de parole conclusive du ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot et du ministre des Armées Sébastien Lecornu. Les prises de parole se sont déroulés en présence de l’ambassadeur d’Ukraine en France, Omelchenko Vadym.

 

18h45

« Nous répliquerons à toute atteinte portée à nos intérêts », prévient Jean-Noël Barrot face à la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis

Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères est le premier à s’exprimer après les interventions des sénateurs. L’occasion pour le gouvernement de répondre aux questions posées dans l’hémicycle, notamment sur les conséquences budgétaires d’un investissement massif dans la défense européenne. « La France se saisira des instruments que la Commission a mis sur la table », explique Jean-Noël Barrot. Le ministre évoque, par exemple, « la flexibilité en matière de prise en compte des dépenses militaires pour le calcul des critères de Maastricht ».

Jean-Noël Barrot revient aussi sur les 25 % de droits de douane que Donald Trump a annoncé vouloir imposer aux produits de l’Union européenne. « Notre stratégie est claire. Expliquer aux Etats-Unis qu’ils ont tout à perdre à lancer une guerre commerciale contre l’Union européenne. Les dissuader de le faire en annonçant la couleur : nous répliquerons à toute atteinte portée à nos intérêts », indique le ministre. Jean-Noël Barrot évoque également la possibilité d’approfondir les relations commerciales « avec des partenaires fiables et non alignés entre la Chine et les Etats-Unis ».

Enfin, le ministre des Affaires étrangères a mis en garde les orateurs des groupes communiste et non-inscrit (qui regroupe les sénateurs du Rassemblement National) : « J’invite chacun à ne pas reproduire la rhétorique du Kremlin ». « Cécile Cukierman [présidente du groupe communiste] a dénoncé pendant toute son intervention la brutalité de Donald Trump et des Etats-Unis, mais n’a eu aucun mot pour dénoncer la brutalité de Vladimir Poutine qui s’est rendu coupable de crimes de guerre », dénonce Jean-Noël Barrot. « Vous vous faites le relais de la propagande russe, c’est regrettable », déplore-t-il face au sénateur RN Christopher Szczurek.

18h35

« La diplomatie à la Macron est un fiasco », dénonce Christopher Szczurek (RN)

Le sénateur RN Christopher Szczurek a critiqué la conduite de la diplomatie française tout au long de la guerre entre la Russie et à l’Ukraine. « La diplomatie à la Macron est un fiasco […] La diplomatie française n’est allée que de gesticulations en humiliations pour masquer son impuissance », a dénoncé le sénateur du Pas de Calais.

Ce parlementaire proche de Marine Le Pen a également dénoncé les propositions de partage du parapluie nucléaire français. « Le président de la République fait miroiter une européanisation de notre force nucléaire qui reléguerait définitivement la France et entraînerait une perte de souveraineté également définitive. »

18h24

« En 2028, au mieux Washington n’est plus notre allié, au pire elle nous sera hostile », avertit l’écologiste Guillaume Gontard

« Il est des moments de l’histoire qui sidèrent le monde, où tout le monde se souvient où il était et ce qu’il faisait », a relevé Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste au Sénat, à propos de l’altercation entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et Donald Trump, vendredi, à la Maison-Blanche. « Chacun a pu constater l’effondrement, en germe depuis des années, de l’ordre international issu de la guerre froide, du multilatéralisme et du droit international. Chacun a pu mesurer le glissement de la plus vieille démocratie du monde vers l’autoritarisme et le fascisme », a-t-il pointé.

« Les Etats-Unis d’Amérique seront-ils encore une démocratie en 2028 ? », interroge le sénateur. « Au mieux Washington n’est plus notre allié, au pire elle nous sera hostile ». Comme nombre de ses prédécesseurs à la tribune, Guillaume Gontard appelle donc à bâtir une « Europe puissance, une Europe de la défense ». « Ce qui est attaqué par la Russie et les Etats-Unis, c’est le principe même de l’Union européenne, le potentiel économique et politique de notre union ».

L’écologiste appelle à « un saut fédéral » pour résister aux impérialismes. « Unie, l’Europe est en mesure de peser dans ce nouveau désordre mondial pour tenter de préserver ce qui peut encore l’être du droit international. » Il assure que les écologistes sont favorables à l’utilisation des avoirs gelés des oligarques russes. « Nous souscrivons à la nécessité de renforcer nos arsenaux, à l’exclusion des dépenses militaires des critères de Maastricht et à la volonté d’un emprunt commun », a-t-il ajouté.

18h18

« Derrière le fantôme de l’Oncle Sam, se cache l’ombre du Kremlin », prévient Maryse Carrère

Dans son discours, la présidente du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) a salué la « résistance » du président Volodymyr Zelensky, vendredi dernier face à « deux inquisiteurs qui parlent de deal et de business (désignant ici Donald Trump et son vice-président J. D. Vance) alors que des jeunes meurent encore aux portes de l’Europe ». « C’est une insulte à l’histoire démocratique américaine », a-t-elle lancé, redoutant la volonté du président américain de « décliner l’America first sur le plan démocratique ».

« La menace est d’abord venue de l’est, de la Russie, demain devons nous craindre pour les pays baltes ? », s’inquiète la sénatrice avant de citer Raymond Aron : « Nous devons tout faire pour garantir notre autonomie stratégique ». Elle appelle à la création d’une véritable défense européenne saluant les annonces faites par la présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen sur l’investissement militaire en Europe. « Tout cela n’exclut pas de conserver le lien transatlantique, aussi difficile que cela puisse paraître aujourd’hui », conclut-elle.

18h15

« Porter le budget de la Défense à 3,5 % voire 5 % du PIB, en France comme en Europe, serait une bombe sociale » pour la communiste Cécile Cukierman

« À chaque débat, c’est l’escalade militaire qui emporte la vision de la plupart des groupes », a déploré la présidente du groupe communiste, Cécile Cukierman, épinglant les « accents guerriers, bien irresponsables » de certains collègues.

Pour la sénatrice de la Loire, s’il y a un « regret à avoir » pour l’Europe, c’est « d’avoir trop tardé à œuvre pour la paix ». « Vouloir surarmer l’Ukraine, même en cas de paix comme le projette Emmanuel Macron et le gouvernement, est une hérésie », a-t-elle dénoncé. Son groupe a fermement fait part de son opposition à la proposition de la présidente de la commission européenne, Ursula Von Der Leyen, d’investir 800 milliards d’euros dans le réarmement du continent. « Mais que cherchent ces gens ? La confrontation générale ? »

Cécile Cukierman refuse également d’accélérer les dépenses militaires au niveau national. « Porter le budget de la Défense à 3,5 %, voire 5 % [du PIB], serait une bombe sociale », a-t-elle estimé. « Notre défi, aujourd’hui, c’est la mise en œuvre de la paix, et non l’élaboration de nouveaux plans de guerre. Poussons l’ouverture rapide de négociations. »

18h03

« Nous étions en guerre contre un dictateur, nous nous battons désormais contre un dictateur soutenu par un traître », lance Claude Malhuret

« L’Europe est à un tournant critique de son histoire. Le bouclier américain se dérobe, l’Ukraine risque d’être abandonnée, la Russie renforcée », cadre d’emblée le président du groupe Les Indépendants, Claude Malhuret.

« Washington est devenu la cour de Néron. Un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique. C’est un drame pour le monde libre, mais c’est d’abord un drame pour les Etats-Unis », tacle le sénateur Horizons de l’Allier. « Le roi du deal est en train de montrer ce qu’est l’art du deal à plat ventre. Il pense qu’il va intimider la Chine en se couchant devant Poutine, mais Xi Jin Ping, devant un tel naufrage, est sans doute en train d’accélérer les préparatifs de l’invasion de Taïwan », pense Claude Malhuret.

Entre des « décrets illégaux », des juges « révoqués », un état-major militaire « limogé », et des contre-pouvoirs « affaiblis », « ce n’est pas une dérive illibérale, c’est un début de confiscation de la démocratie », selon le président de groupe.

« Nous étions en guerre contre un dictateur, nous nous battons désormais contre un dictateur soutenu par un traître. Il y a huit jours, au moment même où Trump passait la main dans le dos de Macron à la Maison Blanche, les Etats-Unis votaient à l’ONU avec la Russie et la Corée du Nord contre les Européens. Deux jours plus tard, dans le bureau ovale, le planqué du service militaire donnait des leçons de stratégie au héros de guerre Zelensky, avant de le congédier comme un palefrenier en lui ordonnant de se soumettre ou de se démettre », lance Claude Malhuret. « Que faire devant cette trahison ? La réponse est simple : résister », soutient le sénateur.

« La vision trumpienne coïncide avec celle de Poutine : un retour aux sphères d’influence, les grandes puissances dictant le sort des petits pays. A moi le Groenland le Panama et le Canada ; à toi l’Ukraine, les pays Baltes et l’Europe de l’Est ; à lui Taïwan et la mer de Chine », ajoute encore le sénateur de l’Allier.

« Nous sommes donc seuls », conclut Claude Malhuret. « Le choc est violent, mais il a une vertu : les Européens sortent du déni. Ils ont compris en un jour à Munich que la survie de l’Ukraine et l’avenir de l’Europe sont entre leurs mains ». Il faut maintenant « accélérer l’aide militaire à l’Ukraine pour compenser le lâchage américain », « exiger que tout accord soit accompagné du retour des enfants kidnappés, des prisonniers, et de garanties de sécurité absolues », enfin, « il faut rebâtir la défense européenne négligée au profit du parapluie américain depuis 45 et sabordée depuis la chute du mur de Berlin. C’est une tâche herculéenne ».

Dénonçant « la paix des collabos qui ont refusé depuis trois ans toute aide aux Ukrainiens », il termine : « Nos parents ont vaincu le fascisme et le communisme, au prix de tous les sacrifices. La tâche de notre génération est de vaincre les totalitarismes du XXIème siècle

17h50

François Patriat appelle l’Europe « à se réarmer urgemment »

« La décision de geler l’aide à l’Ukraine est une véritable trahison envers un pays allié et ami », a dénoncé à la tribune le sénateur François Patriat, chef de file des macronistes au Sénat. « Avec cette décision, le président Trump veut forcer le président ukrainien et tout un peuple à capituler devant l’agresseur russe. En vérité, c’est Donald Trump qui vient de se soumettre aux exigences de Vladimir Poutine », a-t-il pointé.

« Les volontés impérialistes du président Poutine sur le continent européen n’auront de limites que celles que nous saurons lui imposer », a estimé l’élu. « L’Europe doit assumer elle-même sa propre sécurité. Nous devons, en Européens, nous réarmer urgemment », a-t-il lancé, alors que le désengagement stratégique des Etats-Unis pose désormais la question de la sécurité du continent, assurée pour partie par l’arsenal nucléaire américain via l’Otan.

« Nous ne pouvons pas faire supporter l’entièreté de l’effort de guerre sur le contribuable », a averti François Patriat, se disant favorable à l’utilisation des avoirs russes gelés depuis le début de la guerre, « pour reconstruire, réarmer l’Ukraine, et protéger l’Europe. »

17h40

Olivier Cadic : « L’Europe est une puissance militaire qui s’ignore, elle doit maintenant s’affirmer »

Orateur pour le groupe centriste, Olivier Cadic a fait part de sa sidération en entendant le président Trump « reprendre les éléments de langage de Vladimir Poutine lors de son entretien avec Volodymyr Zelensky. « Renvoyé comme un serviteur, le président Zelensky est sorti de cette épreuve avec dignité », a-t-il remarqué avant d’émettre en garde contre la « politique du moi d’abord qui a conduit à deux guerres mondiales ».

Le sénateur a fixé trois priorités : « Aider l’Ukraine, faire de l’Europe une puissance militaire, et mobiliser la population ».

Pour ce dernier point, Olivier Cadic a proposé au Premier ministre de s’inspirer d’un livret édité par le gouvernement suédois à l’attention de ses concitoyens. « Il est écrit que si la Suède est attaquée par un autre pays, ils ne se rendront jamais et que toutes les informations entonnant de cesser la résistance, sont fausses ».

« L’Europe est une puissance militaire qui s’ignore, elle doit maintenant s’affirmer […] la brutalité de Donald Trump aura eu le mérite de renforcer la solidarité entre Etats européens. Si l’Europe se dote d’une puissance militaire à hauteur de sa puissance économique, alors cette crise sera surmontée », a-t-il conclu.

17h30

« L’Europe ne peut plus se permettre d’être une spectatrice sidérée », appelle Patrick Kanner

Pour le président du groupe socialiste au Sénat, l’accord proposé par Donald Trump à Volodymyr Zelensky lors de leur rencontre à la Maison Blanche « n’est pas un accord de paix, mais de reddition ». Face à cela, Patrick Kanner appelle l’Union européenne et la France à la responsabilité. « L’Europe ne peut pas permettre que l’Ukraine soit sacrifiée dans des compromissions internationales. L’Europe ne peut cautionner une sortie de crise qui priverait l’Ukraine de toute perspective, en entravant l’exploitation de ses ressources stratégiques », alerte-t-il.

« Le doute, l’hésitation et la division doivent cesser, il est temps d’agir. L’Europe ne peut plus se permettre d’être une spectatrice sidérée », appelle Patrick Kanner. Le président du groupe socialiste demande de faire de l’autonomie stratégique européenne « un objectif prioritaire » : « Il ne s’agit pas seulement de renforcer notre capacité militaire, mais aussi de garantir notre indépendance économique, numérique et commerciale. » Dans ce projet, « la France porte une responsabilité particulière », estime le sénateur. « Elle doit incarner ce meneur audacieux, être le moteur de cette transformation européenne et défendre l’unité de l’Europe face aux défis géopolitiques actuels », estime-t-il.

En conclusion de son discours, Patrick Kanner exprime devant le Premier ministre quelques interrogations et préoccupations, notamment sur le plan financier. Alors que l’Union européenne vient d’annoncer un plan de 800 milliards d’euros d’investissements dans la défense, le sénateur demande à François Bayrou « un discours de vérité » sur les dépenses que la France devra engager. Il appelle à ne pas faire peser ces dépenses sur les Français, notamment les plus modestes : « Notre contrat social ne peut pas être sacrifié sur l’autel de l’agression russe en Ukraine. » Patrick Kanner suggère ainsi au Premier ministre d’ouvrir d’autres voies de financement, en mettant à contribution les plus fortunés, ou encore en confisquant les 250 milliards d’euros d’avoirs russes aujourd’hui gelés.

17h15

« Il va falloir accepter que la défense soit prioritaire sur les autres politiques publiques », selon Cédric Perrin (LR)

« L’Europe doit assurer seule la défense de ses intérêts », a encouragé le sénateur LR Cédric Perrin, en ouverture des prises de parole des groupes politiques. Président de la commission des affaires étrangères, de la défense, et des forces armées, il a notamment insisté sur l’importance des investissements à réaliser pour reconstituer les armées, dont l’envergure a considérablement diminué depuis la fin de la guerre froide. « Ne sous estimez pas notre affaiblissement en matière de production de matériel de guerre », a-t-il déclaré.

Ce chemin vers l’autonomie du continent européen supposera du « pragmatisme » et de « l’ambition », selon lui. Et la solution budgétaire « ne peut pas venir d’un nouvel alourdissement de la dette », a-t-il prévenu. « Il va falloir accepter que la défense soit prioritaire sur les autres politiques publiques car si nous ne renversons pas le cours des choses, nous serons soumis et vassalisés. Et, dans ce cas, il n’y aura plus lieu de parler, M. le Premier ministre, de l’indexation des retraites, de la valeur du point d’indice ou de la transition écologique, car les richesses nationales seront captées par d’autres. »

« L’ensemble de la classe politique va devoir faire face à ses responsabilités. Je crois que le Sénat peut montrer la voie dans ce domaine », a-t-il espéré, rappelant que les deux lois de programmation militaire ont été très largement adoptées ici.

17h04

« L’avenir de la défense européenne, c’est en Europe qu’il se joue », lance François Bayrou

François Bayrou regrette « qu’un continent aussi riche et aussi capable d’armement a le devoir d’assurer elle-même sa sécurité et ne doit pas s’en remettre à d’autres ». Le Premier ministre assure que cette idée d’une défense européenne a « toujours été le message de la France à partir du général de Gaulle et depuis 8 ans après les déclarations du président français ». Il se rend cependant à l’évidence que l’« idée d’une armée européenne a été enterrée depuis longtemps ». Il appelle à une « organisation et à une coordination des armées européennes ».

« Plusieurs conséquences, industrielles et technologiques se posent à nous. Industrielle puisqu’il s’agit de construire la base industrielle et de défense qui permettra d’équiper les forces de défense de l’Union européenne », a-t-il déclaré avant d’ajouter : « les deux-tiers des équipements des armées européennes sont acquis auprès des Etats-Unis. Ce qui signifie, je le dis à voix basse, qu’ils sont soumis, d’une certaine manière avant qu’ils ne soient utilisés ».

16h57

François Bayrou appelle une Union européenne « qui ignore sa force », au sursaut

Le Premier ministre François Bayrou a épinglé la décision des Etats-Unis, cette nuit, de suspendre l’aide à l’Ukraine comme un revirement stratégique inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. « La suspension de l’aide à un pays agressé pendant la guerre signifie que l’on abandonne ce pays et que l’on souhaite que son agresseur l’emporte », a-t-il dénoncé, allant jusqu’à évoquer « un type d’agression qui remet profondément en cause tous les cadres que nous avons construit depuis la guerre. »

François Bayrou estime que la responsabilité de l’Union européenne, désormais, et « des pays amis de l’Ukraine », était de « se substituer le plus rapidement et le plus efficacement possible aux livraisons américaines pour que l’Ukraine ne craque pas ».

Alors que les Européens redoutent désormais un désengagement stratégique des Etats-Unis qui assurent pour partie la sécurité du continent, via leur arsenal nucléaire, le chef du gouvernement a également appelé l’Europe au sursaut. Il estime qu’elle a les capacités de s’ériger en superpuissance face à l’agresseur russe. « Nous sommes la France et nous sommes l’Europe. Contrairement à ce que nous laissons croire, nous ne sommes pas faibles mais forts », a-t-il martelé avant de se lancer dans une longue énumération des capacités économiques et militaires de l’UE.

« Nous sommes 450 millions d’habitants, et en ajoutant ceux du Royaume-Uni, nous sommes 520 millions. La population russe, c’est 145 millions. Si l’on compare le PIB des deux ensembles, alors on s’aperçoit que l’UE c’est 17 000 milliards et la Russie quelque 2 000 milliards. Si l’on compare les arsenaux, alors on découvrira que les armées européennes c’est 2,6 millions de soldats, plus du double de ce que peut aligner la Fédération de Russie. Nous avons 15 000 aéronefs, alors que la Russie en a 5 000. Si l’on compare les pièces d’artillerie, nous en avons 15 000 et la Russie moins de 10 000 », a-t-il fait valoir.

« Nous ne sommes pas déséquilibrés, simplement, cette force là nous ne la mobilisons pas et nous ne savons pas qu’elle existe. C’est notre force que nous ignorons, et c’est à l’influence de cette force que nous renonçons », a déploré le Palois. « Il y a un très gros travail à construire pour que l’Union européenne fasse entendre ce qu’elle est, sa volonté et ses principes », a-t-il concédé, estimant que le continent se trouvait désormais face « à un moment de vérité ».

16h50

« Si la Russie arrête les combats, c’est la guerre qui s’arrête. Si l’Ukraine arrête les combats, c’est l’Ukraine qui disparait », alerte François Bayrou

En ouverture de son discours au Sénat, le Premier ministre revient sur le rendez-vous entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, ce 28 février. « Je crois qu’une majorité de Français ont ressenti la manière brutale et méprisante avec laquelle le président des Etats-Unis a traité le président ukrainien. Comme une offense à une certaine idée que nous nous faisons du respect entre Etats », dénonce François Bayrou.

 

Le Premier ministre salue la réaction de Volodymyr Zelensky, qui a refusé de signer l’accord avec les Etats-Unis le jour de son rendez-vous à la Maison Blanche. « À cet instant, il a été le visage de l’Ukraine, le défenseur de l’honneur de la démocratie et il portait en même temps une partie de notre honneur européen », estime François Bayrou.

Avant cette altercation, « il y avait eu bien des signes avant-coureurs », observe-t-il en soulignant les « déclarations extrêmement inquiétantes » de Donald Trump sur le Groenland, le canal de Panama, le Canada, ou encore la bande de Gaza. Le Premier ministre alerte ensuite sur « le changement incroyablement inquiétant et extrêmement profond de la diplomatie américaine », marqué par l’opposition des Etats-Unis au vote d’une résolution des Nations Unies en soutien à l’Ukraine, alliée à la Russie et à la Corée du Nord.

 

Pour expliquer l’enjeu du débat organisé cet après-midi au Sénat, le Premier ministre résume : « Si la Russie arrête les combats, c’est la guerre qui s’arrête. Si l’Ukraine arrête les combats, c’est l’Ukraine qui disparaît. »

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