Depuis l’annonce de la mobilisation « partielle » par le Kremlin le 21 septembre, des milliers de réservistes russes tentent de quitter le pays, pour échapper à la guerre. Ces derniers jours, plusieurs postes-frontières, en Géorgie et en Finlande notamment, observent une nette hausse des entrées de Russes. En Géorgie, les arrivées quotidiennes ont quasiment doublé, selon le ministère de l’Intérieur géorgien. Côté Finlande, avec 17 000 entrées, le week-end dernier a été le plus chargé de l’année, selon les gardes-frontières. Un nouveau défi pour le continent européen, alors que le décret signé par Vladimir Poutine concernerait jusqu’à 300 000 hommes.
Au sein du Parlement français, des appels sont lancés pour réagir à cette nouvelle donnée. Le groupe d’amitié France-Russie du Sénat a notamment appelé, ce vendredi 23 septembre, à la solidarité avec les « citoyens russes qui refusent d’être mobilisés ». Ses membres pressent la France et l’Europe de « réagir rapidement », en organisant leur accueil, « en tant que réfugiés ». Les refuser serait, selon eux, une « erreur », aussi bien sur le plan des valeurs que des intérêts européens. Selon le président du groupe, Gérard Longuet (LR), « s’il doit y avoir un nouveau Rideau de fer, il ne nous revient pas d’en être à l’origine ».
Les sénateurs écologistes en appellent à Élisabeth Borne
Le même jour, le groupe écologiste du Sénat a demandé également l’accueil des citoyens russes « qui s’opposent politiquement à cette guerre ». Les parlementaires, présidés par Guillaume Gontard, ont annoncé avoir écrit à la Première ministre, pour que la France accueille « toutes celles et ceux qui refusent cette folie meurtrière de Poutine, qu’il s’agisse d’opposants, de déserteurs ou de sa réserve ». Les sénateurs écologistes précisent que la France dispose déjà des moyens légaux (titres de séjour, accès à l’enseignement et au marché du travail) et logistiques (transport et hébergement) « actuellement déployés pour accueillir les réfugiés ukrainiens ». Selon l’écologiste Ronan Dantec, le soutien demandé par son groupe serait « une simple application du droit d’asile tel que prévu par la convention de Genève de 1951 ».
Invité de l’émission Audition publique sur les chaînes parlementaires ce lundi, le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, a estimé que la France s’honorerait « à porter ce débat au plan européen et pourquoi pas effet à accueillir ceux qui seraient sans doute des réfugiés combattant le régime ». « Tous les combattants de la liberté ont leur place dans les démocraties qui ont ces principes en partage […] Leur forme de résistance ça peut être, dans le cas d’espèce, cette désertion », a précisé le député des Landes.
La France et l’Allemagne ouvrent la porte
Au niveau du gouvernement français, la prise de position semble aller dans le sens des préoccupations affichées ces derniers jours par la représentation nationale. Lors d’une conférence de presse clôturant l’assemblée générale de l’ONU le 23 septembre, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a estimé qu’il fallait « répondre au désir d’une grande partie de la population russe d’exprimer ses opinions et parfois de quitter la Russie pour venir sur le reste du continent ».
Le sujet est loin de se limiter à la France. La ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, a déclaré jeudi dernier que le pays était prêt à accueillir les déserteurs de l’armée russe, les estimant « menacés de grave répression ». Le sujet divise les Européens. Les trois États baltes, frontaliers de la Russie, refusent catégoriquement d’accorder l’asile aux hommes russes appelés à la mobilisation. La Finlande a, elle, annoncé la semaine dernière qu’elle prendrait des mesures pour limiter « significativement » l’accès des Russes à son territoire, après avoir déjà réduit considérablement le nombre de visas touristiques accordés depuis le début du conflit. La Pologne également a aussi fortement réduit ses conditions d’entrée.
Charles Michel, le président du Conseil européen a encouragé les autres États à suivre l’Allemagne. « Je veux effectivement donner le signal que les Russes qui décideraient de ne pas participer à cette guerre, de déserter, seront respectés par l’Union européenne », a-t-il déclaré vendredi.
Gardienne des traités, la Commission européenne a formé le vœu la semaine dernière que les Européens puissent s’accorder sur une position commune, compte tenu du grand nombre de demandes qui pourrait se manifester, mais aussi des « risques en matière de sécurité ». « En tant qu’Union européenne, en principe, nous sommes solidaires des citoyens russes qui ont le courage et la bravoure de montrer leur opposition à ce que fait le régime, surtout quand il s’agit de cette guerre illégale en Ukraine », a noté le porte-parole de la Commission, Peter Stano. La Commission a précisé que les Etats membres pourront examiner les demandes au cas par cas, en tenant compte des droits fondamentaux et de la législation relative à la procédure d’asile. Si la gestion des frontières nationales est une compétence des États membres, le droit européen garantit un accès au droit d’asile.
En mars, elle avait soutenu l’activation de la directive à la protection temporaire, face aux millions d’Ukrainiens ayant fui leur pays en guerre. Cet instrument permet de fournir un statut de protection temporaire et immédiat basé sur des critères communs dans l’ensemble des pays de l’Union. Pour les écologistes du Sénat, cette directive doit aujourd’hui être élargie.