Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.
Guerre en Ukraine : « Il faut continuer à les aider, sinon l’Ukraine perdra », prévient Cédric Perrin
Par Jonathan Dupriez
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Cédric Perrin s’y était préparé. Dans son compartiment du train de nuit direction Kiev, le Président de la Commission de la défense et des forces armées du Sénat sait qu’il n’est jamais anodin d’entrer dans un pays en guerre. « Dans ce train il doit y avoir des centaines de personnes à qui il est arrivé des malheurs » avoue-t-il, en pensant aux Ukrainiens ayant fui leur pays lors de l’invasion russe de février 2022. Dans le train, au côté du sénateur du Territoire de Belfort, quasi uniquement des femmes et des enfants qui retournent au pays pour les fêtes de fin d’année. « C’est un drôle de sentiment, on se rapproche de ce pays où le malheur a frappé, le voyage est long, il y a beaucoup de contrôles, on se croirait un peu dans un film » complète Cédric Perrin. Le périple est une véritable odyssée. En l’absence de liaisons aériennes, le train de nuit est la seule manière de pénétrer sur le territoire ukrainien, moyennant un interminable transit par la Pologne, suivi de 16 heures de rail.
Visite symbolique
Pour le sénateur, cette visite revêt un aspect extrêmement symbolique dans une contexte particulièrement difficile pour l’Ukraine. Les coups de boutoir russes sur le front mettent le pays de Volodymyr Zelensky sous pression. D’autant que l’Ukraine peine à recruter de nouvelles forces vives pour aller combattre. Aussi, les munitions et autres matériels militaires issus des armées de l’OTAN arrivent à un niveau critique, proche de la rupture.
« Caméras braquées sur le Moyen-Orient »
En d’autres termes, l’Ukraine a peur d’être oubliée. Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas au mois d’octobre, le conflit d’Europe continentale semble relégué au second plan l’attention internationale, ce que redoute Cédric Perrin. « Depuis le 7 octobre, les caméras sont braquées sur le Moyen-Orient » relève le sénateur. « On oublie qu’il y a ici tous les jours de nombreux blessés, il faut continuer à sensibiliser l’opinion à la nécessité d’avoir conscience de ce qui se passe toujours ici. » Pour Cédric Perrin, si le conflit peut sembler lointain, l’Ukraine « ne concerne pas seulement la communauté de la défense. » Si les Ukrainiens venaient à perdre la guerre, « cela aurait des conséquences à l’échelle mondiale, y compris pour nous en France. »
Programme officiel chargé
Arrivé à Kiev au petit matin, un programme chargé attend le sénateur, accompagné d’autres membres de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, dont le socialiste Jean-Marc Vayssouze-Faure, les LR Eric Cigolotti et Ronan Le Gleut. Etat de guerre oblige, les officiels ukrainiens sont extrêmement tendus quant à la présence de journalistes lors de leurs entretiens avec les parlementaires. Seules quelques entrevues nous serons ouvertes comme la visite du cluster industriel Brave One.
Brave One, des startups au service de la guerre
Escortée par le GIGN de l’ambassade de France à Kiev, la délégation parlementaire se rend dans un lieu confidentiel. Un endroit moderne aux faux airs de Silicon Valley que l’Etat-major ukrainien tient secret pour éviter d’être ciblé par des frappes russes. Les sénateurs pénètrent dans cet incubateur de start-up ukrainiennes qui ambitionne de donner un avantage technologique à leur pays face à la Russie. Pas de doute, l’Ukraine devient un laboratoire de la guerre moderne à ciel ouvert. « Notre but et de fournir des technologies à la ligne de front et d’aider notre pays à sauver des vies » explique la directrice de Brave One, Natalya Kryshnerska. « Nous pensons que la technologie peut rapprocher notre pays de la victoire. »
Des robots pour « tuer des Russes »
Devant les sénateurs, les jeunes geeks de la Défense se succèdent pour expliquer leurs innovations. Drones et robots tueurs, applications pour apprendre le maniement des armes aux civils, ou la médecine militaire : l’objectif affiché par ces chefs d’entreprise est d’« augmenter le prix des pertes » de l’ennemi, comme le confesse l’un d’eux. Certains, comme un fabricant de robots suicides assument vouloir « tuer des Russes. »
Opération séduction des industriels français
Ces startups attendent surtout de leurs interlocuteurs du jour qu’ils les aident à trouver des débouchés industriels dans l’hexagone, pour davantage de souveraineté à l’heure l’industrie de défense ukrainienne monte en capacité. « Leur sujet aujourd’hui c’est de travailler avec des start-up françaises » abonde Cédric Perrin, bien disposé à « essayer de les mettre en relation avec l’agence innovation défense » en France.
« On va faire ce qu’on peut pour les aider »
Car beaucoup des innovations ukrainiennes font encore appel à des composants chinois pour fonctionner. Une dépendance à l’un des alliés de la Russie dont ils se passeraient volontiers à terme. En tant que 3ème exportateur d’armement au monde et avec 4000 entreprises spécialisées dans les technologies militaires, la France fait figure de cible de choix. L’hexagone compte aussi fleurons mondiaux comme Thalès, Safran, ou EADS, ce qui n’a pas échappé aux jeunes entrepreneurs, ni à Cédric Perrin. « Leur expérience du terrain et nos capacités peuvent collaborer » remarque-t-il. Les sénateurs peuvent-ils réellement aider ces entreprises à monter en capacité ? « On va essayer de faire ce qu’on peut » promet le Président de la Commission de la défense.
Moment critique pour Kiev
Les Ukrainiens attendent des actes de la part des Occidentaux à un tournant de la guerre. A ce moment jugé critique par certains, et où la Russie s’est déjà tournée vers une économie de guerre, Poutine semble prendre un léger ascendant militaire sur le front. De son côté, l’Ukraine est à l’obus près et apparaît comme lâchée par ses partenaires de l’Ouest. « Parfois, les hésitations de nos partenaires concernant l’aide financière et militaire à l’Ukraine ne font qu’accroître le courage et la force de la Russie » observe le président ukrainien Volodymyr Zelensky le 10 janvier dernier, à Vilnius.
Aides occidentales au point mort
Sur fond de bisbilles politiques internes entre Républicains et Démocrates, le Congrès américain bloque toujours sur une tranche d’aide décisive de 61 milliards de dollars. L’Union européenne, elle aussi, peine à débloquer un versement de 50 milliards d’euros à cause d’un veto hongrois. Le Premier ministre du pays, Viktor Orban, proche de Moscou, renâcle à faire un pays de plus vers Kiev. En 2023, l’aide occidentale a baissé de 90 % en Ukraine selon un rapport de l’Institut Kiel. L’heure est grave.
« On a besoin de munitions » dans cette « guerre d’usure »
Ce message alarmant est délivré aux sénateurs par le président de la Rada, Ruslan Stefanchuk. La Rada est le parlement monocaméral ukrainien où siègent quelque 450 députés. Située dans la « Zone verte » de Kiev, proche du palais présidentiel, les parlementaires doivent franchir de nombreux checkpoints militaires pour y parvenir. A l’intérieur, les dorures du bâtiment côtoient les sacs de sables aux fenêtres. Le parlement, lui aussi, est en guerre. « Nous manquons de pièces d’artillerie, de munitions, de pièces de défense antiaérienne » alerte le président de la Rada devant les sénateurs, conscient de l’impératif ukrainien de conserver « l’avantage technologique » sur la Russie, dans un conflit qualifié de « guerre d’usure. »
Message reçu par Cédric Perrin qui compte porter le message de la Rada une fois revenu en France, au vu du « degré de péril » encouru par l’Ukraine. Selon le sénateur, il est désormais clair que le pays est engagé dans une « guerre asymétrique » face à ce qu’il qualifie de « meilleure armée du monde. » Sur le chemin qui le ramène à la gare de Kiev, il résume l’urgence : « il faut prendre conscience que sans l’aide de l’Union européenne, sans aide de la France, sans aide des Etats-Unis, ils perdront. »
L’Ukraine « est et restera la priorité » de la France
Un message que les autorités françaises viennent aussi de réaffirmer. Le nouveau chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, a consacré son premier déplacement à Kiev. Au côté de l’Allemagne, le nouveau ministre des Affaires étrangères a déclaré que l’Ukraine « est et restera la priorité de la France » et ce, « en dépit de la multiplication des crises. »
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