A 23 heures, dans la nuit de dimanche à lundi, les sirènes ont de nouveau retenti à Kiev. Comme à leur habitude, les habitants de la capitale ukrainienne se sont réfugiés dans les abris prévus à cet effet. Les attaques ont duré jusqu’au petit matin à sept heures. Au total, « plus de 420 drones et plus de 20 missiles, y compris des missiles balistiques », ont été lancés contre l’Ukraine a indiqué Volodymyr Zelensky.
Une heure après la fin des attaques, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot a débarqué à la gare de Kiev pour une visite de deux jours. Dès son arrivée, il s’est rendu sur les lieux des attaques constatant les dégâts de la nuit. A la sortie de la conférence des ambassadeurs, le ministre s’est montré peu confiant sur la résolution du conflit : « Si quelqu’un espérait que Vladimir Poutine accepterait l’offre ukrainienne de reprendre les pourparlers de paix, il a aujourd’hui sa réponse », a-t-il déclaré. Samedi, le président ukrainien ouvrait la porte à des négociations avec la Russie. Le Kremlin s’est dit prêt à participer à de nouvelles négociations de paix soulignant qu’il faudrait « beaucoup de travail » pour rapprocher les positions des deux camps.
« Amener Poutine à revoir ses calculs »
Et pour cause, le conflit continue de s’enliser. Cela fait maintenant près de trois ans et demi que les deux pays s’affrontent militairement et diplomatiquement sans qu’aucune porte de sortie ne se profile. Ces derniers temps, les forces occidentales, soutiens de l’Ukraine, ont tenté de faire pression sur la Russie pour obtenir des négociations et un cessez-le-feu. La semaine dernière, le président américain Donald Trump lançait un ultimatum, à son homologue russe, de cinquante jours. Dans la foulée, le vendredi, l’Union européenne adoptait un 18e paquet de sanctions en visant principalement les ressources d’hydrocarbures russes, soit plus d’un tiers des exportations du pays. Jean-Noël Barrot s’est félicité de ce nouveau train de sanctions les qualifiant des « plus sévères de ces trois dernières années » et assurant que cela allait « amener Poutine à revoir ses calculs ». Lors d’un échange avec Volodymyr Zelensky, le ministre a réaffirmé le soutien de la France à la souveraineté de l’Ukraine. Le président ukrainien a quant à lui exprimé sa gratitude envers la France pour l’aboutissement des nouvelles sanctions.
« La Russie ne souhaite pas négocier »
Mais ces nouvelles mesures ne semblent pas réussir à freiner Vladimir Poutine, en témoignent les attaques quotidiennes de drones. « La Russie ne souhaite pas négocier », avance Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). « Poutine souhaite aller jusqu’au bout de ce conflit, il n’a pas besoin de paix. Avec la guerre, son patriotisme est galvanisé, il n’y a aucune pression sur lui pour faire la paix ». Son collègue Igor Delanoë, spécialiste de la Russie à l’Iris, se montre quant à lui plus optimiste, même s’il émet d’importants doutes sur une résolution par voie diplomatique : « Il est possible qu’il y ait une nouvelle phase de négociations, ne serait-ce que pour contenter Donald Trump, mais cela ne résoudrait pas grand-chose », prévient-il. « Il y a même à se demander si tout cela n’est pas fait pour jouer la montre. D’un côté les Ukrainiens peuvent demander de nouvelles sanctions et de l’autre, la Russie peut se préparer à une nouvelle offensive ».
« La guerre est désormais menée par les drones »
Car sur le plan militaire, la Russie conserve son avantage. Si les Ukrainiens résistent aux attaques quotidiennes russes, le harcèlement sur les troupes est constant et les frappes redoublent en intensité. Hier, l’armée ukrainienne a annoncé avoir recensé 154 combats, essentiellement du côté de Pokrovsk, à l’est de l’Ukraine. « La pression s’accentue sur l’ensemble des positions ukrainiennes », prévient Igor Delanoë. « Si le Donbass reste le cœur des activités militaires, la Russie cherche à créer des zones tampons notamment dans la région de Soumy au nord de l’Ukraine ». Selon le chercheur, la tactique russe a changé et réside moins dans l’envoi de blindés. « Désormais les assauts des troupes russes se font par des groupes très mobiles, à l’aide notamment de pick-up. De plus, la guerre est désormais menée par les drones, moins coûteux et redoutablement efficaces ». Emmanuel Dupuy abonde : « La guerre va être gagnée par celui qui produit le plus de drones ».
741 missiles et drones en une seule journée
Quotidiennement, la Russie procède au lancement de centaines de drones. Elle souhaite poursuivre ce type d’attaque en accélérant sa production. Les usines tournent à plein régime et ne cessent de s’agrandir comme la gigantesque usine de Tatarstan qui a doublé de volume en deux ans. A l’intérieur sont produits des drones de type Geran-2, produits pour seulement 20 000 euros l’unité. Elle a même amélioré son modèle avec le Geran-3 contenant une charge explosive six fois supérieure. Le 9 juillet dernier, près de 741 missiles et drones ont été lancés sur des villes ukrainiennes.
« Le pari de la Russie est d’avoir l’avantage sur des munitions peu chères et abondantes afin d’épuiser les stocks et les réserves ukrainiennes fournies par les Occidentaux », explique Igor Delanoë. « Avec cette pression, la Russie montre aux Européens qu’elle n’est pas défaite et renforce ainsi son poids dans les négociations ».
« La France tiendra ses promesses »
Pourtant de son côté, l’Ukraine n’est pas en reste sur les drones. Consciente que la guerre se joue désormais dans ce domaine, elle est même devenue experte dans la production de drones. Elle frappe régulièrement le territoire russe fragilisant ainsi son espace aérien. Après sa rencontre avec Volodymyr Zelensky, Jean-Noël Barrot a indiqué sur X que la France tiendrait « ses promesses » sur la construction de drones sur le sol ukrainien. Il a également participé dans l’après-midi à une « présentation de manœuvres de drones par les militaires ukrainiens ».
Dans cette lignée, le 9 juillet dernier, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, indiquait que la démilitarisation de l’Ukraine constituait une « ligne rouge » pour les Européens, une condition sine qua non à toute négociation. « Chez les Russes, cette exigence est rejetée en bloc », pointe Igor Delanoë qui ne croit pas en des négociations. « Le conflit va se régler par voie militaire, il y aura un gagnant et un perdant », conclut Emmanuel Dupuy.