Une frappe russe a encore causé plus de 20 morts ce mardi dans un village de la région de Donetsk. Comment interpréter cette attaque ?
Cela s’inscrit dans une tendance déjà claire : la multiplication des frappes sur la population civile. C’est une stratégie voulue par Vladimir Poutine pour faire céder le pouvoir ukrainien. Officiellement, Moscou affirme viser le complexe militaro-industriel. En réalité, les civils sont directement ciblés. On compte chaque mois entre 150 et 250 morts civils. Ce n’est pas une bavure, c’est une méthode.
Dimanche, un missile balistique Iskander a endommagé le siège du gouvernement ukrainien à Kiev. Est-ce inédit ?
Les missiles Iskander sont utilisés depuis le début de la guerre. Ce sont des missiles balistiques puissants, donc par nature très difficiles à intercepter. L’objectif était bien le bâtiment du gouvernement. Le fait que le missile n’ait pas explosé a limité les dégâts, mais le message est limpide : les responsables politiques sont désormais une cible. Après plus de trois ans de guerre, les Russes démontrent que leurs armements sont précis. C’est aussi un signal envoyé aux Européens.
Justement, la semaine dernière à Paris, vingt-six pays se sont engagés à soutenir militairement l’Ukraine au sol, en mer ou dans les airs lorsqu’un cessez-le-feu sera conclu. Vladimir Poutine a l’air de s’en moquer…
Pour Poutine, les Européens ne comptent pas. Le seul interlocuteur avec lequel il pourrait éventuellement discuter, c’est Donald Trump. Mais depuis leur rencontre, rien n’a bougé. Washington est aujourd’hui au pied du mur : quelle crédibilité accorder à Trump après ces nouvelles frappes et ces victimes ? Poutine est persuadé qu’il finira par obtenir la capitulation de l’Ukraine. Or il ne gagne pas sur le terrain : il grignote, mais pas assez pour imposer une reddition. Il ne peut pas gagner la guerre, mais il veut donner l’impression qu’il la gagne. Et à force de frapper les civils, il détruit toute perspective de rapprochement : la haine des Ukrainiens envers la Russie est désormais totale.
L’Ukraine a subi dimanche la plus grande vague de drones et missiles depuis février 2022. Faut-il y voir une montée en puissance de l’armée russe ?
Il y a une montée en puissance des frappes de longue portée. Parallèlement, les pertes matérielles russes ont beaucoup diminué ces derniers mois. La tactique de Moscou a évolué : finies les grandes offensives, les infiltrations limitées sont désormais privilégiées sur le terrain. Pendant ce temps, l’industrie russe reconstitue les stocks. Moscou engage moins de chars et de blindés, ce qui lui permet de se préparer à une guerre longue. Cela veut dire que la Russie pourra à l’avenir non seulement poursuivre en Ukraine, mais aussi menacer d’autres États. On est dans un combat d’usure. D’ici deux mois, l’hiver viendra figer les lignes.
L’Union européenne discute d’un 19e paquet de sanctions, visant notamment Loukoïl, une compagnie pétrolière russe présente en Europe, et les pays tiers qui aident Moscou à contourner l’embargo. Ces sanctions sont-elles vraiment efficaces ?
Les sanctions fonctionnent, mais pas assez pour briser l’économie russe. Il faut reconnaître l’habileté des dirigeants russes, qui absorbent les difficultés. Les statistiques économiques montrent des fragilités, mais Moscou encaisse. La clé reste le secteur des hydrocarbures. Or, tant que l’Inde et la Chine restent les principaux clients, l’effet des sanctions restera limité.