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Guerre en Ukraine : « Les sanctions n’ont donc qu’un effet très limité sur l’économie russe »

Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne veut intensifier la pression sur le régime de Vladimir Poutine en adoptant un nouveau train de sanctions. Une centaine de personnes et 87 entreprises sont dans le viseur de Bruxelles. Pour le général Dominique Trinquant, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU, ces sanctions sont nécessaires, mais pas suffisantes.
Steve Jourdin

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Après la mort de l’opposant russe Alexeï Navalny, Joe Biden a promis lundi de nouvelles sanctions contre Moscou. Est-ce la bonne manière de mettre la pression sur Vladimir Poutine ?

Vladimir Poutine est une brute, un ex-agent du KGB doublé d’un mafieux. Il ne recule devant rien. Il voulait tuer Navalny depuis quelque temps déjà, puisqu’il avait tenté de l’empoisonner. Mais Navalny avait quand même décidé de rentrer en Russie, dans une manière d’acte sacrificiel, avant d’être envoyé dans l’équivalent d’un goulag. Compte tenu de sa très faible santé, c’était signer son arrêt de mort.

Aujourd’hui, il faut réagir à cette mort au niveau international. Mais les sanctions dont on parle ne sont imposées que par les Etats-Unis et l’Europe. Ce n’est pas suffisant. La Russie passe largement à travers elles, car Moscou parvient à signer des contrats avec le reste du monde. Les sanctions n’ont donc qu’un effet très limité sur l’économie russe, qui est rapidement parvenue à s’organiser en économie de guerre.

 

L’Union européenne (UE) espère adopter un treizième train de sanctions contre Moscou. Faut-il y renoncer ?

Ces sanctions ont des effets concrets, mais très limités. Elles n’empêchent en rien l’économie russe de fonctionner. Cela dit, un paquet d’oligarques sont aujourd’hui touchés par mes sanctions, ce qui pose la question du devenir des avoirs gelés. Est-ce qu’il faut utiliser ces avoirs pour reconstruire l’Ukraine ? L’idée est intéressante, mais il s’agit d’une question qui doit être tranchée par les juristes, car cela pose un certain nombre de problèmes en matière de droit international.

 

Sur le terrain, les combats font toujours rage. Samedi, les forces russes ont annoncé la prise d’Avdiivka, dans la région de Donetsk. Est-ce que Moscou est en train de gagner la guerre ?

Aujourd’hui le front terrestre entre le Dniepr et Kharkiv est quasiment gelé. La prise d’Avdiivka arrondit le front, c’est un événement important mais simplement tactique. Cela ne représente pas un tournant considérable dans la guerre. Sur la mer, la Russie a perdu trois quarts de sa flotte en mer Noire. Elle n’a plus la maîtrise des eaux et l’Ukraine peut donc exporter ses céréales.

La question qui se pose aujourd’hui est simple : est-ce que les Ukrainiens pourront tenir sur la frontière terrestre et affaiblir les Russes dans la profondeur, ou est-ce que la Russie sera capable de lancer des attaques de plus forte ampleur ? Personnellement, je ne crois pas que les Russes vont pouvoir monter ces opérations majeures. Les Ukrainiens ont, eux, un problème de personnels, et les nouvelles armes occidentales qui sont attendues dans les prochains mois ne vont pas fondamentalement changer la donne.

 

Ce week-end marque les deux ans du début de la guerre en Ukraine (24 février 2022). Quel bilan tirez-vous du soutien apporté par les Européens à Kiev ?

Nous avons su apporter notre aide, qui est bien réelle, mais qui est aussi bien lente. Cette lenteur fait suite à 25 années de dividendes de la paix, pendant lesquelles nous nous sommes désarmés, en nous contentant de faire fonctionner notre industrie militaire pour les autres pays.

Aujourd’hui, nous devons augmenter notre capacité de production d’armes. Mais cela va prendre du temps. L’année 2024 va être très difficile pour l’Ukraine, qui sera toujours insuffisamment protégée contre Poutine. En ce qui nous concerne nous Européens, la menace de Moscou n’est pas imminente : Vladimir Poutine ne parvient pas à battre l’Ukraine, il ne va pas se lancer demain dans une opération militaire contre l’Union européenne. Mais nous devons quand même anticiper l’avenir et nous préparer à cette éventualité.

 

Est-ce que les propos de Donald Trump sur l’Otan (l’ex-locataire de la Maison Blanche a laissé entendre que les Etats-Unis pourraient ne pas protéger un allié en cas d’attaque russe, ndlr.) sont de nature à provoquer un électrochoc chez les Européens en matière de défense commune ?

Donald Trump peut dire tout et son contraire en l’espace de 24 heures. C’est un homme de deal, donc on peut imaginer qu’en cas de retour à la Maison Blanche en fin d’année, il propose à Poutine de conserver les territoires conquis en échange d’un arrêt de la guerre. Néanmoins, je ne crois pas à un retrait américain de l’Otan. Donald Trump ne pourrait pas le faire par un simple décret, il faudrait faire voter cela par le Congrès, qui ne semble pas sur la même ligne. Ensuite, un tel retrait ne serait pas dans l’intérêt des Américains, qui ont besoin d’alliés. Or, aujourd’hui, les Européens sont dans le monde les seuls et uniques alliés de Washington.

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