C’est l’histoire de quelques jours où tout a changé. 42 exactement, de la prise de fonction de Donald Trump, le 20 janvier dernier, à l’annonce de la suspension de l’aide américaine à l’Ukraine le 3 mars. 42 jours qui conduisent aujourd’hui l’Union européenne – créée pour « emmerder les États-Unis »selon Trump – à regarder avec une inquiétude existentielle de l’autre côté de l’Atlantique en se posant une question : les Américains sont-ils encore ses alliés ?
Deux visions de l’Amérique
« Un renversement historique »… Pour Valérie Hayer, le doute n’est malheureusement plus permis : la réponse est non. Les États-Unis de Donald Trump ne sont plus ceux que l’Europe a connu pendant des décennies, « partageant les valeurs du monde occidental, de la liberté assise sur le multilatéralisme et le respect de l’État de droit (…) Ils ne sont plus nos alliés aujourd’hui », cingle la présidente du groupe Renew au Parlement européen, énumérant les « points de tensions, de menaces » que fait peser Trump sur les 27 « d’un point de vue de notre sécurité, d’un point de vue commercial, d’un point de vue territorial ».
« Aujourd’hui le camp de Donald Trump c’est celui de Vladimir Poutine », va même jusqu’à dire l’eurodéputée, citant le coup de fil du président américain à son homologue russe, ou encore aux côtés de la Russie, de la Chine et de la Corée du Nord contre une résolution sur le conflit ukrainien aux Nations Unies. « Un renversement d’alliances » qui est désormais un « problème majeur » pour l’Union européenne, selon elle.
Vision bien différente du côté de Zeljana Zovko, du parti populaire européen (PPE). Pour l’eurodéputée croate, un pays traditionnellement très atlantiste, « il faut faire attention à ce que l’on dit » au sujet des États-Unis. « En Croatie, on garde beaucoup de respect pour les alliés et ceux qui nous avaient sauvé pendant la guerre ». Et la vice-présidente du PPE de s’opposer à toute idée de rupture précipitée avec l’Amérique, fut-elle conduite par Trump : « Ce sont les mêmes États-Unis, qui ne sont pas élitistes ni diplomates, qui ont changé avec les temps qui changent… Il ne faut jamais dire que les États-Unis ne sont pas nos alliés. S’ils ne le sont pas, qui sont nos alliés ? » s’interroge-t-elle.
Cependant, les faits continuent d’alimenter le doute. Jeudi 6 mars, Donald Trump s’est ainsi lancé dans une remise en cause de l’engagement américain au sein de l’Otan, estimant que les États-Unis ne devaient pas venir au secours des pays qui, à ses yeux, ne dépensent pas assez pour leur propre défense. Un scénario redouté par Valérie Hayer : « Que fait-on si les USA sortent de l’OTAN ? », s’interroge-t-elle. « En tout état de cause on doit se préparer au pire » estime l’eurodéputée, pour qui il faut donc « avancer sur l’Europe de la défense, et se mettre en économie de guerre pour faire passer le message à nos ennemis que nous assumons d’être une puissance militaire ».
Le cas du Groenland
Autre sujet d’inquiétude, les vues du président américain sur le Groenland,, le 4 mars. « D’une manière ou d’une autre, nous l’obtiendrons », a assené le locataire de la Maison Blanche, au sujet du pays, constitutif du Royaume du Danemark et territoire d’outre-mer associé à l’Union européenne.
Un enjeu que tente de justifier Zeljana Zovko : « Au Groenland il y a la plus grande base militaire américaine. La plus grande menace pour les États-Unis, ce sont les Chinois. Toute la stratégie que prennent les USA en ce moment c’est cette menace chinoise », souligne l’eurodéputée. Elle estime préférable que les Groenlandais « restent avec les Danois », mais s’interroge : « Il y a dans leur Constitution la possibilité d’avoir un référendum sur leur autodétermination… S’ils décident d’aller avec quelqu’un d’autre, qu’est-ce qu’on va faire ? ».
Pour Valérie Hayer, la première chose à faire est claire : dénoncer l’attitude prédatrice de Donald Trump. « Le Groenland est membre d’un État membre de l’Union européenne : il est inadmissible qu’un de nos partenaires attaque l’intégrité territoriale d’un territoire souverain ». Appelant l’Union européenne à aider le pays et à bâtir une « stratégie arctique », elle plaide pour la diplomatie : « Trump ferait mieux de s’engager dans une discussion sereine avec l’Union européenne pour avoir une stratégie pour contrer l’influence russe et chinoise ».
Thibault Henocque